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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

Des petits sceaux qui en disent long

Publié

27 juill. 2017


Les sceaux de ballot, qui ressemblent à de petites pièces de monnaie en plomb, sont des artefacts sans prétention. Il faut être observateur pour les remarquer dans la Galerie 1 de la nouvelle salle de l’Histoire canadienne, et être encore plus attentif pour apercevoir les minuscules images imprimées sur leur surface. Si petits soient-ils, ces sceaux ont beaucoup à dire : ils racontent l’histoire d’une révolution de la consommation qui a contribué à bâtir le Canada que nous connaissons aujourd’hui.

Les cinq sceaux présentés remontent aux années 1600 et 1700; ils sont arrivés en Amérique du Nord sur des ballots d’étoffe. Un peu comme les marques visibles sur les ustensiles d’argent d’époque, ces sceaux confirmaient, à propos d’un ballot de tissu ou d’étoffe, que sa longueur, son armature et sa couleur répondaient aux normes, ou bien que le fabricant avait acquitté ses impôts. La pratique de fixer un sceau sur les ballots d’étoffe est née au Moyen Âge, alors que les gouvernements et les guildes d’Europe tentaient d’instaurer des normes de qualité minimales pour les biens de consommation. Le fait que ces sceaux aient abouti dans les forts de traite de fourrures d’Amérique du Nord en dit long sur la rapidité avec laquelle les Autochtones ont adopté les textiles européens.

Sceau de ballot français

Sceau de ballot français, début des années 1700, Mackinac State Historic Parks (États-Unis)

De nombreux Canadiens connaissent bien les origines européennes de la traite des fourrures : les chapeaux de feutre étaient populaires et faisaient « chic », ce qui incitait les négociants de fourrures français et anglais à rechercher les peaux de castor d’Amérique du Nord dont la bourre duveteuse convenait particulièrement bien à la fabrication du feutre. Toutefois, les négociants et les consommateurs autochtones ont tout autant façonné le commerce des fourrures que leurs homologues européens, en insistant notamment pour obtenir des marchandises de qualité en échange des peaux de castor qu’ils offraient.

Les étoffes et tissus représentaient la marchandise de traite la plus convoitée. Les tissus, les vêtements et les articles de couture comptaient pour plus de la moitié des biens vendus à certains postes de traite. Les tissus se décomposant facilement, on en trouve rarement lors de fouilles archéologiques. Toutefois, la découverte de sceaux de ballot en plomb – parfois par centaines – confirme l’énorme volume de tissus qui était importé en Amérique du Nord entre les années 1600 et 1800. Pour les Autochtones, ce qu’on appelle encore la « traite des fourrures » consistait plutôt en un « commerce des étoffes ».

Les peuples autochtones appréciaient les étoffes de poids et couleurs variés pour la confection de vêtements, de couvertures et de costumes cérémoniels. Comme ils le faisaient pour d’autres biens, les consommateurs autochtones évaluaient soigneusement la qualité des étoffes qui leur étaient offertes. S’ils décelaient un défaut, ils exigeaient une meilleure qualité. Les négociants européens faisaient des pieds et des mains pour trouver des fournisseurs et satisfaire leurs clients autochtones avant que leurs concurrents n’accaparent le marché.

Les images imprimées sur les sceaux présentés dans la salle de l’Histoire canadienne témoignent de la concurrence que se livraient les négociants français et anglais. Les sceaux proviennent de trois sites archéologiques séparés de centaines de kilomètres, soit les postes de traite français de fort Frontenac (aujourd’hui Kingston, en Ontario) et de fort Michilimackinac (aujourd’hui Mackinaw City, au Michigan) ainsi que le poste de traite anglais de fort Albany, en Ontario, dans la région de la baie James.

Symboles typiquement français, la fleur de lys et le coq figurent sur les trois sceaux français. L’un des sceaux anglais représente saint Georges, le saint patron de l’Angleterre, tandis que l’autre arbore une harpe, peut-être la marque d’un produit irlandais. Les négociants gardaient un œil sur les marchandises offertes par leurs concurrents, et il leur arrivait de stocker des toiles produites par des rivaux pour satisfaire la demande des consommateurs. C’est pourquoi les archéologues trouvent à l’occasion des sceaux anglais sur les sites de forts français.

Les négociants français et anglais rivalisaient non seulement pour obtenir les fourrures que demandaient les chapeliers européens, mais aussi pour approvisionner les consommateurs autochtones en étoffes, tissus et autres marchandises. Qu’il s’agisse de la traite des fourrures ou du commerce des étoffes, ces échanges ont transporté des conflits européens au cœur de l’Amérique du Nord, positionnant par le fait même les Autochtones sur le marché mondial.

Les petits sceaux de ballot en plomb nous aident à raconter cette histoire.

 

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