Le dernier jour des excavations du lot situé derrière le 62, rue Sparks, tandis que se creusait un trou pour obtenir un bon profil stratigraphique d’une zone de perturbations, on a entendu un bruit sourd. Une enquête plus poussée menée par le principal archéologue du site, Ben Mortimer (Matrix Heritage), a révélé que sous un dépôt de sable, de cendre, de clinker, de houille et de détritus noircis se trouvait une étrange caisse en métal.
La caisse était fermée par un verrou, suggérant qu’il s’agissait d’une sorte de coffre-fort ou d’une malle avec matière isolante, datant sans doute de la fin du 19e ou du début du 20e siècle. Après avoir retiré la terre et des portions du couvercle, on y a découvert des restes humains.
(Mortimer, 2017).
(Mortimer, 2017).
Après le transport des ossements à mon labo, j’ai pu commencer à démêler le désordre d’os et à les regrouper pour tenter de reformer des squelettes. À la fin de l’exercice, on a pu identifier les squelettes d’une quinzaine de personnes, dont au moins cinq enfants et dix adultes. Ces ossements d’individus pas encore adultes sont les seuls à avoir été retrouvés lors des excavations de 2016.
(Mortimer, 2017).
Il semble qu’un peu avant ou un peu après le début du 20e siècle, on ait trouvé des restes humains en creusant derrière le lot sis au 62, rue Sparks. On les aurait alors rassemblés dans cette caisse et inhumés de nouveau dans la terre argileuse sous le niveau ordinaire du cimetière. La caisse contenait surtout des portions de crânes, sans doute parce que ces éléments sont facilement identifiables comme restes humains. Il y avait parmi ces ossements une calotte et une mandibule distinctes (qui ensemble forment le crâne), isolées du reste et semblant avoir appartenu à une seule et même personne.
L’homme dans la caisse
Ce crâne a appartenu à un homme âgé de 30 à 45 ans lors de son décès. Il avait survécu à une enfance stressante sur le plan physiologique, avait guéri d’un coup au visage, d’une maladie parodontale, d’un abcès dentaire et de caries. Il s’agissait du seul crâne intact retrouvé pendant ces fouilles et l’un des seuls complets et inaltérés (sans déformation, écrasement ou dommage structurel) présents sur le site du cimetière de Barrack Hill.
Étant donné son niveau de préservation, nous avons décidé de procéder à la reconstitution faciale de cet homme. Sarah Jaworski, artiste ayant une spécialisation médicolégale, s’est jointe au projet et s’est vue confier la tâche de mettre un visage sur le projet du cimetière de Barrack Hill. La première étape du processus consistait en un balayage laser de la calotte et de la mandibule, suivi d’une impression 3D en plastique.
Reconstitution faciale médiolégale
La calotte et la mandibule ont été imprimées en trois segments afin d’éviter tout problème d’impression. Une fois les trois morceaux produits, l’artiste a commencé à préparer des reproductions en plastique pour son travail en retirant toute imperfection et toute saillie produite par l’impression.
Les reconstructions faciales, au-delà de leur aspect artistique, comprennent bien des éléments scientifiques afin de recréer l’image d’une personne ayant vécu dans le passé à partir de ses restes mortels. Cela demande des mesures précises et des connaissances démographiques quant aux yeux, à la peau, aux cheveux et aux autres caractéristiques morphologiques qui n’ont pas été préservées.
Impression 3D partielle en plastique, avec normes scientifiques pour l’interprétation
Les recherches et le respect des normes médicolégales publiées permettent une reconstruction la plus fidèle possible. Cependant, c’est à travers la main de l’artiste que ces normes scientifiques peuvent se transformer en un visage du passé. C’est ainsi qu’on a pu reconstituer ce visage en s’appuyant sur la science.
Photos : Sarah Jaworski
Three different phases of the facial reconstruction.
Le visage du cimetière de Barrack Hill
La reconstruction médicolégale a été réalisée pour la seconde inhumation des ossements retrouvés au cimetière de Barrack Hill, qui a eu lieu le 6 octobre 2019. Elle se trouve actuellement au cimetière Beechwood, où les ossements retrouvés au cimetière de Barrack Hill ont été inhumés dans un lot identifié à cette fin.
La dernière nouvelle inhumation
La caisse en métal retrouvée sous la zone d’excavation derrière le 62, rue Sparks, l’a été à la toute fin d’une longue saison de fouilles. Si le sondage du sol n’avait pas été fait à cet endroit précis, mais plutôt à peine quelques pieds sur la droite ou sur la gauche, on n’aurait jamais retrouvé ces ossements. Qu’on appelle cela le kismet (destin), providence ou simple chance, j’ai toujours trouvé les circonstances de cette découverte curieuses, sachant que le visage de cet homme et la vie des personnes dont les ossements ont été retrouvés avec les siens n’auraient sans doute jamais été révélés sans ce coup du destin.
I’ve been privileged to be part of a team that has been working to tell the stories of these souls lost to time. This week, we invite you to be a part of the story as well. The City of Ottawa and the Beechwood Cemetery are hosting the final reburial of the individuals recovered from the Barrack Hill Cemetery. You’ll be able to see the forensic reconstruction up close and have the opportunity to discuss the stories we’ve presented in this blog series, as well as those still being written. I look forward to meeting you.
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Pour en savoir plus sur les découvertes dans le cimetière de Barrack Hill, lisez la série de blogues Détective des os : les mystères des ossements retrouvés sous le centre-ville d’Ottawa
Janet Young
Janet Young est spécialisée dans l’étude des restes humains et travaille au Musée depuis 1994.
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