Dans les années 1980 et 1990, Dale King était l’instructrice d’aérobie la plus populaire auprès de la communauté montréalaise anglophone. Elle y est parvenue en s’éloignant de l’approche de Jane Fonda et en introduisant la culture, la musique et la danse noires dans le domaine du conditionnement physique. Ses surprenantes publicités font partie des collections du Musée canadien de l’histoire, parce que la façon dont nous bougeons notre corps est importante.
Culture de l’aérobie des années 1980
La culture du conditionnement physique des années 1980 a eu des répercussions culturelles considérables. Des vidéos d’exercices comme Jane Fonda’s Workout et des émissions de télévision comme 20-Minute Workout, qui a été produite au Canada, ont été extrêmement populaires et ont influencé les pratiques et la mode du conditionnement physique pendant des décennies. Jenny Ellison est historienne au Musée canadien de l’histoire : « Une grande partie de mon travail porte sur les années 1980 au Canada et sur l’histoire du corps, explique-t-elle. Quel était le rapport des gens avec leur corps et comment vivaient-ils dans leur corps dans les années 1980? »
Au cours des décennies qui ont suivi son apogée, l’aérobie est passé du statut de phénomène culturel à celui de simple sujet de blagues : « Le fait que la danse aérobique a été, selon moi, banalisée est également l’une des raisons pour lesquelles je souhaite l’étudier, poursuit Ellison. C’est un sport rejeté. C’est un costume d’Halloween. De plus, les gens ne la prennent pas au sérieux en tant qu’activité, parce que je pense qu’elle s’adressait aux femmes et qu’elle représentait quelque chose de féminin. »
Ce rejet de l’aérobie en tant qu’expérience importante ou significative va à l’encontre de ce qu’Ellison a découvert lors de ses recherches : « Les femmes elles-mêmes sont à l’origine de ce mouvement. Les femmes elles-mêmes ont participé en masse à ce mouvement et y ont consacré leur argent, leur temps et leur énergie, ajoute-t-elle. Je pense que ces cours ont une autre histoire qui est liée au plaisir et à l’amusement, à l’aspect social et à l’esprit d’entreprise des femmes. C’est une réalité qui se rattache à d’autres aspects de la vie de nombreuses femmes. »
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Dale King – « Le style est noir »
Dale King se distingue parmi les entrepreneuses qui se sont approprié l’aérobie. Elle s’est fait connaitre dans le Montréal anglophone des années 1980 en tant que visage et copropriétaire de Soul Impact Aerobics. Soul Impact se distinguait de la culture aérobique dominante de l’époque par deux choses : sa publicité audacieuse et frappante, ainsi que l’accent mis sur la culture noire.
Une publicité pour le studio affiche le slogan : « La musique est dynamique et le style est noir. » On y voit une photo de King, une femme noire, qui donne un cours dans une salle bondée d’étudiantes. Elle porte son léotard et ses collants en élasthanne. Tout le monde fait le même mouvement de danse : les bras en l’air, en marchant vers l’avant. King est la seule personne noire sur la photo.
Elle se souvient d’avoir eu cette idée avec sa partenaire d’affaires, Karen : « On parle de 1988 ou 1989, à peu près cette époque. Nous regardons à nouveau la photo, parce que maintenant nous faisons référence à la culture noire de manière beaucoup plus directe. C’était quelque chose qu’on ne voyait pas souvent de manière positive. » Or, la photo et le slogan ont vraiment fonctionné. « Le téléphone ne dérougissait pas. Et puis les médias ont vu le slogan, c’est-à-dire la CBC et CTV à l’époque, et ils m’appelaient pour me demander : “qu’est-ce que vous voulez dire?” »
Cela signifie que King a apporté une nouvelle énergie et une nouvelle approche axée sur la culture noire à l’égard du conditionnement physique. La musique a joué un rôle important dans l’expérience liée aux cours qu’elle animait : « Les cours étaient axés sur la danse, dit-elle. Michael Jackson cartonnait à l’époque, tout comme Boys to Men, et même certains groupes de musique techno, comme Technotronic. La musique rap faisait son apparition. C’est sur cette musique que je voulais danser. »
King précise : « J’ai intégré cette musique à des mouvements de danse, ce qui n’était pas commun dans les mouvements d’aérobie traditionnels de l’époque. J’utilisais les plus récents succès de musique de danse qui jouaient à la radio. » Il s’agissait d’une réaction délibérée à la nature robotique des cours de conditionnement physique traditionnels : « La danse aérobique était très règlementée, dit-elle. J’aime dire que les gens bougeaient un peu comme des “planches rigides”. Moi, je voulais danser. »
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Images de force
Les publicités de Soul Impact projetaient également une image de force inhabituelle pour l’époque. Une autre de ses publicités montre Dale King de dos, dans un léotard string taille haute, avec le slogan « No Butt About It » (jeu de mot en anglais signifiant qu’il est inutile de se plaindre ou d’argumenter). Jenny Ellison déclare : « C’est très ludique. Je trouve la publicité très puissante, car elle s’y montre très forte. Il ne s’agit pas d’une personne qui est super maigre ou qui semble mourir d’envie d’être mince. »
Cet accent mis sur la force féminine était en avance sur son temps. Comme l’indique Ellison, « dans les magazines canadiens, les femmes étaient souvent représentées de manière assez passive. L’une des raisons pour lesquelles l’annonce de King m’a interpelée, c’est qu’elle y prenait une pose de pouvoir. Elle portait des vêtements qui, on peut dire, sont appropriés à l’activité, et elle avait l’air très, très forte. Nous ne voyons pas cela dans d’autres publicités des décennies précédentes. »
King a pris sa représentation dans ces publicités en charge. Elle avait une vision du type de cours de conditionnement physique qui lui tenait à cœur et s’est présentée comme son propre modèle de santé physique. Elle et sa partenaire ont attiré une clientèle imposante et diversifiée. King se souvient : « Tout le monde s’inscrivait au cours : des personnes noires, des blanches, juives, chinoises, grecques, italiennes, portugaises, francophones… Je veux dire, vraiment tout le monde! »
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Recueillir des pièces d’histoire du conditionnement physique
Le style et la réputation de l’aérobie des années 1980 peuvent sembler anodins, mais cette discipline a joué un rôle important dans la vie de nombreuses personnes et a contribué à façonner les tendances modernes en matière de conditionnement physique. « En tant que musée, explique Jenny Ellison, nous voulons partager et préserver l’histoire des gens ordinaires et présenter les activités qui ont vraiment eu un sens pour les personnes au cours de ces décennies. Notre collection sur le sport et la condition physique comporterait donc une lacune très importante si nous ne parlions pas de choses comme l’aérobie au cours de ces décennies. »
King a été stupéfaite d’apprendre que le Musée souhaitait recueillir des objets provenant de Soul Impact Aerobics. « J’ai été sidérée, dit-elle. Quand j’y pense maintenant, je dois me calmer parce que cela va me donner envie de pleurer. Je suis simplement Dale King et j’ai fait quelque chose que j’aime faire. »
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Écoutez l’épisode d’Artéfactualité portant sur Dale King pour en savoir plus sur l’importance de la culture du conditionnement physique et l’approche énergique et unique de Dale King envers la danse aérobique.
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Steve McCullough
Steve McCullough, Ph. D., est le stratège de contenu numérique pour le Musée canadien de l’histoire et le Musée canadien de la guerre. Son travail dans le domaine de la création de récits numériques repose sur la compassion et des actions fondées sur des preuves pour parler de l’histoire, de la notion de sens et de l’identité dans un environnement en ligne fragmenté et polarisé, mais aussi dynamique et étroitement lié.