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Découverte archéologique dans les terrains organiques du Canada

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LE POTENTIEL DE DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE DANS LES TERRAINS ORGANIQUES DU CANADA

par Ken Swayze


Ken Swayze est diplômé de l’Université Simon Fraser (B.A. en archéologie; M.A. en géographie) et a de l’expérience en gestion des ressources culturelles et en recherche archéologique. Il a découvert et fait des fouilles archéologiques dans la plupart des régions du Canada dans le cadre d’emplois auprès des établissements suivants : Direction de la planification et de la recherche historiques, Ontario; Service canadien des parcs (région de l’Ouest) et Musée canadien des civilisations (Programme d’initiatives pétrolières et gazières dans le Nord). Il travaille aujourd’hui comme consultant en archéologie et habite dans la vallée supérieure de l’Outaouais.


INTRODUCTION


Cet article offre un soutien sur le plan de l’interprétation et un contexte canadien à l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières et au livre du même nom (Bergen et al., éd., 2002) produits par le Drents Museum (Assen, Pays-Bas), le Niedersächsisches Landesmuseum (Hanovre, Allemagne), le Musée canadien des civilisations (Gatineau, Québec) et le Glenbow Museum (Calgary, Alberta). Le mystérieux peuple des tourbières met en lumière la culture et la société des peuples qui vivaient dans les régions marécageuses du nord-ouest de l’Europe de la période préhistorique à la période médiévale. De nombreux objets fabriqués par l’homme et des corps momifiés ont été découverts – d’abord par accident, puis par des fouilles archéologiques structurées – dans les tourbières où les conditions étaient favorables à leur préservation. On croit qu’au moins une partie de ces découvertes représente des offrandes ou dans le cas des corps, des sacrifices aux dieux.

La présentation de l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières, au Musée canadien des civilisations, a suscité la question de savoir si les recherches archéologiques au Canada ont donné lieu ou pourraient donner lieu à des découvertes comparables à celles faites dans les tourbières européennes en ce qui concerne les artefacts ou les restes humains relativement bien préservés en raison des qualités des terrains organiques ou sur le plan des associations cosmologiques. Le présent document a été commandé dans le but de tenter de répondre à cette question. L’aperçu présenté comprend deux parties : il examine, d’une part, le potentiel de découverte et la nature, au Canada, des liens archéologiques avec les tourbières et d’autres types de terrains organiques et offre, d’autre part, aux visiteurs intéressés de l’exposition de l’information et des références sur des exemples d’artefacts extrêmement bien préservés et des fouilles archéologiques qui reflètent la cosmologie des peuples autochtones du Canada.

Il est difficile de comparer le climat, le changement de paysage et les procédés postglaciaires du Canada et du nord-ouest de l’Europe en raison de la diversité géographique régionale du Canada. On n’a qu’à penser que bien qu’une partie du nord-ouest du Canada soit demeurée non glaciaire au Pléistocène supérieur, il a fallu attendre plusieurs autres millénaires avant que les glaciers du nord-est ne fondent complètement. Le climat et le paysage canadiens ont évolué au Pléistocène supérieur et au Holocène en raison de processus anciens et continus. Ces changements ont influencé non seulement le développement de la tourbe, mais la nature de la distribution connue des sites archéologiques du nord-ouest de l’Europe et du Canada. La déglaciation dans toute l’hémisphère nord a entraîné des améliorations climatiques semblables. En effet, un optimum thermique s’est produit à l’Holocène moyen vers 8 000 à 5 000 ans avant le présent. Il en a résulté des conditions plus humides et froides pendant lesquelles il y a eu des oscillations de courte durée du humide-sec ou du froid-chaud et une certaine périodicité (ayant duré deux à cinq siècles), mais à différents moments dans différentes parties du monde (Roberts, 1989). En Amérique du Nord, le climat plus frais et humide a entraîné un déplacement de la frontière forêt-prairie à l’ouest, et la forêt boréale s’est étendue à la fois au nord et au sud après 4 000 ans avant le présent. Globalement, le climat moderne plus frais des 5 000 dernières années a créé des conditions favorables à la formation de la tourbe dans le nord-ouest de l’Europe, le Canada atlantique et l’Arctique centrale.

Environ 12 000 à 10 000 ans avant le présent, les faibles niveaux de la mer ont exposé le plateau continental du Canada qui (comme la plaine qui forme aujourd’hui le fond de la mer du Nord) était habitable. Sans aucun doute, il existait des environnements littoraux attrayants où les Paléo-Indiens et les peuples archaïques inférieurs se rassemblaient et où beaucoup de leurs activités économiques et cérémonielles avaient lieu. Étant donné l’élévation subséquente du niveau lacustre, l’échantillon actuel de sites archéologiques lié à cette période est biaisé en faveur des sites intérieurs de l’arrière-pays (hinterland) où se déroulaient des activités de chasse (postes de guet, postes de taille, abattage et traitement, carrières, etc.) et où étaient rassemblées les ressources à court terme dans un but particulier.

Les principales sources de données brutes en paléoécologie proviennent de la sédimentation des mers profondes et des carottes glaciaires qui brossent un tableau global des paléoenvironnements et des paléotempératures. S’ajoutent à ces données fondamentales à l’échelle régionale la palynologie, science étudiant les spores et les grains de pollen conservés dans la boue de lac, les tourbières et autres sédiments. Les spores de pollen sont mieux préservées sous conditions anaérobie, typiquement acides, telles que celles que l’on retrouve dans les tourbières hautes. L’échantillonnage se fait au moyen de carottes et de colonnes prélevées sur la face des tranchées. Des analyses paléoentomologiques (étude des exosquelettes des insectes et des arachnides) et de macrofossiles végétaux sont effectuées parallèlement à la palynologie afin de reconstituer la végétation d’une région. Grâce à la datation au radiocarbone (carbone 14) de la tourbe et d’autres dépôts organiques tels que le gyttja (dépôt argileux riche en matières organiques) et la marne (dépôt lacustre très calcaire et non consolidé – précipité biochimique de certaines plantes et algues des étangs), on peut déterminer les changements de végétation régionaux à travers les âges.

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L’information présentée dans cet aperçu est le fruit d’une recherche documentaire des périodiques scientifiques et des collections monographiques qui publient régulièrement ou qui se spécialisent dans les études archéologiques canadiennes ainsi que des manuscrits non publiés dans les archives du Musée canadien des civilisations. Nous avons aussi mené des recherches dans les bases de données des sites archéologiques provinciaux et territoriaux en interrogeant les champs de données « environnementales », « notes » et « commentaires » par mots clés tels que tourbe, tourbière, marécage, marais, fen, fondrière de mousse (muskeg), sol organique et marne. La structure de ces bases de données varient considérablement et certaines se prêtent mal à ce genre de recherche. De plus, certains formulaires n’ont pas été remplis correctement à l’origine et varient quant aux champs de données même si tous sont une variation du code Borden. Bien que l’information examinée donne l’impression d’un lien entre les terrains organiques et les phénomènes archéologiques, l’étude n’est pas « scientifique » et nous ne présentons pas les fréquences absolues et les pourcentages pour cette raison.

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Nature et origine de la tourbe


Il est important de souligner que peu importe les descriptions techniques des dépôts tourbeux, la « tourbe » est essentiellement une accumulation de n’importe quel matériel végétal dégradé ou partiellement dégradé. Ainsi, les mots « tourbe » ou « tourbeux » sont souvent utilisés en langue vernaculaire pour décrire l’horizon organique de n’importe quel sol ou végétation de toundra. Par exemple, la documentation archéologique des sites HjCl-1 et 2, à l’île Okak sur la côte du Labrador, indique qu’ils sont situés « sur une parmi une série de terrasses sableuses recouvertes de tourbe qui s’élèvent de la côte ouest ». Beaucoup de documents archéologiques de site de Terre-Neuve et Labrador indiquent « tourbe » lorsqu’on décrit la couverture végétale du site.

Vue aérienne d'un site d'excavation archéologique sur le bord de l'eau.

Figure 1 : Photographie aérienne de la fouille du site Gutchiak.
Photo : David Morrison, Musée canadien des civilisations

Une butte de terre sur le site de fouille archéologique au bord de l'eau.

Figure 2 : Deux vues d’une coupe transversale sont présentées.
Photo : David Morrison, Musée canadien des civilisations

Photo de proche de la terre se faisant excaver.

Figure 2 : Deux vues d’une coupe transversale sont présentées.
Photo : David Morrison, Musée canadien des civilisations

Il arrive que l’activité culturelle ancienne ait contribué au développement de la tourbe. On pourrait donc attribuer à cette tourbe archéologique une origine partiellement bioculturelle. Par exemple, au site Gutchiak (NhTn-1) (Figure 1), sur les terres inuvialuites du delta du Mackenzie, le « sol humique foncé » (Morrison, 2000, fig. 7) (Figure 2) est au fond de la « tourbe » – même si l’on ne l’appelle pas ainsi – parce qu’il se compose de matériel végétal dégradé qui a été importé (feuilles et brindilles) (Figure 3) et d’herbe qui s’est accumulée rapidement en raison des éléments nutritifs provenant des déchets des habitations et de la transformation du poisson. On retrouve une matrice tourbeuse telle que celle de Gutchiak dans bien des sites d’habitation de l’Arctique et du Subarctique canadien. Parce qu’elle est moins acide que la couverture de tourbe (naturelle), elle crée des conditions idéales pour la préservation d’artefacts dans la matière organique – surtout dans l’Arctique où on retrouve une couche de pergélisol sous-jacente – de sorte que des artefacts bien préservés (Figure 4) en bois, en écorce ou en andouiller ont été découverts dans de nombreux sites, p. ex. Gupuk (Arnold, 1986); Kittegazuit (McGhee, 1974) et Kugaluk (Morrison, 1988).

Tas de brindilles et de branches au fond de la fosse archéologique.

Figure 3 : La tourbe bioculturelle se compose partiellement de brindilles, de feuilles et d’herbe importées.
Photo : David Morrison,
Musée canadien des civilisations

Restants de cornes animales.

Figure 4 : Artefacts organiques et
périssables bien préservés
in situ au site Gutchiak.
Photo : David Morrison,
Musée canadien des civilisations

En termes scientifiques, toutefois, on reconnaît deux types de tourbe – la tourbe mousseuse et la tourbe de fen (Beuker, 2002, 13-14; Roberts, 1989, 125-128). La tourbe mousseuse (aussi appelée tourbière haute, lenticulaire, marais et couverture de tourbe) se forme dans les dépressions riches en eau lorsque les précipitations annuelles atteignent 700-1150 ml et que la température ne dépasse pas une moyenne annuelle de 10 ° C. Si l’eau souterraine est épuisée, la tourbière dépend alors de la précipitation. Comme les cellules de sphaigne peuvent emmagasiner l’eau, la surface de la nappe de la tourbière peut s’élever au-dessus de la nappe phréatique environnante. Les tourbières hautes vivantes peuvent s’étendre rapidement dans les bonnes conditions. La tourbe mousseuse contient typiquement une abondance de fossiles et de pollen micro et macroscopiques et fournit les données brutes pour les études paléoécologiques régionales. Les tourbières hautes ou les couvertures de tourbe des plateaux des hautes terres légèrement inclinés n’existaient pas durant l’optimum thermique, mais ont commencé à se former à l’Holocène moyen en raison d’une combinaison de la détérioration climatique et de la maturation du sol. Le facteur clé est le terrain engorgé d’eau et une chute du pH, de sorte que seules les plantes tolérantes à l’acide et tolérantes aux conditions pauvres en nutriments comme la sphaigne ou la linaigrette (lin des marais) peuvent survivre. De grandes régions de Terre-Neuve et Labrador, du Nouveau-Québec et des territoires arctiques – partout où la température moyenne en juillet est inférieure à 17 ° C – sont recouvertes de couverture de tourbe. On retrouve aussi des tourbières lenticulaires ou bombées au sud du 60e parallèle et dans toutes les provinces à l’ouest de Terre-Neuve et Labrador. Certaines sont très vastes et sont situées dans des centres à forte densité de population ou près de ceux-ci. Mentionnons à titre d’exemples la tourbière de la Mer Bleue à Ottawa, en Ontario; la tourbière Burns à Delta, en Colombie-Britannique et la tourbière Albert dans le sud-est de l’Ontario.

Le deuxième type de tourbe – la tourbe de fen – est étroitement lié à la topographie plutôt qu’au climat et constitue un trait caractéristique de terrain courant du Centre et de l’Ouest canadien, connu sous divers noms : marais, marécage, mare vaseuse, fen, tourbière basse, immergée ou alcaline, lac de kettle et zone ou milieu humide. Riche en nutriments, la tourbe de fen se compose de plantes qui s’accumulent autour de l’extrémité des lacs et étangs – telles que la quenouille, le roseau, le jonc, le lis des étangs, l’oseille et le carex. Ces petits marécages peu profonds sont souvent l’objet d’une hydrosérie allant de l’eau libre au fen en passant par le marais ou la tourbière ou, lorsque les conditions sont propices, il peut y avoir une autre succession d’espèces colonisatrices allant d’arbustes (cornouiller, aulne) aux arbres tolérants à l’eau (bouleau, épinette, frêne, cèdre, orme).

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La tourbe et la datation par le radiocarbone


Les spécialistes des sciences de la Terre, tels que les palynologistes ou les géologues du Quaternaire, utilisent souvent la tourbe pour la datation par le radiocarbone (aucun chiffre disponible), mais les archéologues s’en servent peu pour dater les événements du passé. Selon la Banque des datations par le radiocarbone en archéologie canadienne (Morlan, 2001), il existe pour la tourbe – peu importe sa genèse – 72 dossiers de datation par le radiocarbone (en mars 2003), ce qui représente une petite fraction du nombre total d’entrées. Cela est conforme au contexte archéologique décrit ci-dessus parce que 42 de ces dossiers – plus de la moitié provenant de EjAv-1 L’Anse aux Meadows seulement – proviennent des régions à couverture de tourbe de Terre-Neuve et Labrador et d’autres régions au « nord du 60e ». Dix datations au C14 de la tourbe sont de la Colombie-Britannique (plus de la moitié provenant de la tourbière Raspberry), une chacune de l’Alberta et du Manitoba, deux de l’Ontario (Sheguiandah) et trois du Nouveau-Brunswick.

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Sites de tourbe de couverture contenant des artefacts


Une recherche dans les dossiers de sites dans des régions de tourbe de couverture a permis de repérer des centaines d’exemples de sites (datant de la période paléoesquimaude ou archaïque à la période historique) où la surface productrice d’artefacts ou matrice se trouverait sous 10-50 cm de tourbe (Figure 5). Toutefois, le nombre attesté ne représente qu’un tout petit sous-ensemble du nombre total de sites répertoriés puisque, intuitivement, on soupçonne que les accumulations (naturelles et/ou bioculturelles) de « tourbe » font partie ou se trouvent à proximité d’une bien plus grande proportion de l’échantillon du site. Or, les sites ayant livré des artefacts dans des dépôts tourbeux ou des artefacts que l’on présume qu’ils se sont érodés à partir de ces dépôts sont rarement signalés. De nouveau, la plupart sont de Terre-Neuve et Labrador et de régions « au nord du 60e ».

Un homme se tenant debout à côté d'une portion de terre montrant les différentes couches de sédiments.

Figure 5 : « Le dépôt tourbeux était épais comme ça. » (Willie Simon Modeste de Tsigehtchic, près du lac Travaillant, la basse vallée du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest, 1991)
Photo : Jean-Luc Pilon,
Musée canadien des civilisations

Un site important ayant donné lieu à la découverte d’artefacts dans la tourbe est EkBc-1, le site de Red Bay. En effet, des exemples de vêtements bien préservés ont été trouvés dans ce site à composantes multiples (Pré-Dorset, Dorset, Basque), principalement dans un environnement de tourbe de couverture. Red Bay, au Labrador, était la capitale mondiale de la chasse à la baleine entre 1550-1600 (Tuck et Grenier, 1989). L’emplacement de ce « premier boom pétrolier à l’échelle mondiale » (Tuck, 1987) accueille maintenant les touristes grâce notamment à son centre d’interprétation. Des restes humains ont été découverts dans le cimetière de chasseurs de baleine basques à Red Bay. Le cimetière se compose principalement de tombes marquées sur un terrain au sol mince bien drainé, mais une tourbière peu profonde se trouvant à proximité a évidemment servi de fosse de convenance. Ces corps, tous des hommes enterrés sans cercueil, reposent ensemble dans une fosse commune tourbeuse, apparemment non marquée. En raison des conditions partiellement aérobie et de l’ensevelissement en sol peu profond, il en a découlé une mauvaise préservation des ossements et des tissus mous (White, 2001). Cette inhumation multiple à Red Bay ressemble à plusieurs des découvertes de corps de tourbière dans le nord-ouest de l’Europe, mais sans la suggestion de sacrifice, de meurtre ou d’offrande comme l’illustre l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières. Or, comme beaucoup des exemples européens, elle représente une fosse d’enfouissement plutôt que d’inhumation. Cette inhumation essentiellement européenne dans une tourbière est le seul exemple trouvé dans la littérature archéologique canadienne et dans les bases de données de dossiers sur les sites ayant été examinées.

Parmi les autres sites où des artefacts ont été découverts dans un contexte de tourbe (naturelle), mentionnons :


  • JcDe-8, le site de l’île Bush 1, dans le district Baffin Sud du Nunavut, repéré par Fitzhugh (1977) qui a « découvert sur une plage des artefacts dorsétiens érodés dans une couche de tourbe le long de la plage »;

  • JcLh-11, le site du lac Edehon dans le district Keewatin du Nunavut, découvert par Sid Kroker (1977), et qui se compose d’un « poste de taille mineur érodé dans un dépôt de tourbe en cours de dégradation »;

  • MlDc-10, le site de l’île Idjuniving 1, également à Baffin Sud, où « l’érosion de la face d’une falaise au-dessus de la plage a exposé une riche couche de sol tourbeux sous la surface contenant une très forte concentration de pierre taillée » (McKenzie-Pollack, 1969).

Un petit site non nommé (KkPp-14) à Sarah Lake, dans les Territoires du Nord-Ouest, enregistré par Tom Andrews (1992), se compose d’éclats de quartz et de silstone (grès fin), principalement situés sur un lit rocheux exposé, mais « quelques éclats apparaissaient dans des plaques remaniées (creusements d’ours) dans une région de fondrière située immédiatement derrière l’assise rocheuse exposée ». Dans les environs de McLean Lake, près de Whitehorse, Yukon, Jeff Hunston (1983) a enregistré JeUs-19, qui se compose d’une « pointe de projectile obsidienne à encoche latérale… découverte dans de la tourbe extraite moins de 2-3 m de la route. Une visite de suivi n’a pas donné lieu à la découverte de matériel culturel supplémentaire ».

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Sites de tourbe de fen contenant des artefacts


Il existe peu d’exemples de découvertes de dépôts archéologiques ou d’artefacts dans de la tourbe de fen, mais la communauté archéologique, traditionnellement, n’a pas testé de terrain organique en partie en raison des difficultés logistiques que cela comporte. Une autre raison est que les milieux humides sont souvent considérés comme ayant un faible potentiel archéologique, le terrain organique étant considéré comme inutile selon la perspective agraire historique – à moins de pouvoir le drainer et l’exploiter. L’ironie de la chose, maintenant que la valeur intrinsèque des milieux humides a été reconnue, c’est qu’ils sont protégés contre plusieurs facteurs de développement grâce à la législation environnementale. L’évaluation archéologique à laquelle les promoteurs doivent se soumettre (en vertu des mesures législatives en matière de patrimoine) exclut les terrains organiques des essais sur le terrain parce que ceux-ci doivent demeurer intacts.

Une exception au dossier des terrains organiques non testés est BlHl-2, le site paléo-indien Sheguiandah à l’île Manitoulin, en Ontario, où Tom Lee (accompagné de bénévoles de la alors toute nouvelle Ontario Archaeological Society) a procédé à des fouilles pendant plusieurs saisons au début des années 1950. Sheguiandah a récemment fait l’objet d’une nouvelle étude par une autre équipe multidisciplinaire d’experts du Quaternaire (Julig, 2002). Selon un compte rendu des études initiales, une « sécheresse de fin d’été [1953] s’est abattue sur l’île de Manitoulin et les petits marécages sur la colline ont séché. Profitant d’une occasion rare, Lee a creusé une petite tranchée d’essai dans le Marécage 1, à environ 65 m au nord-est de la région de l’habitation ». La saison suivante, en 1954, « le sondage pilote des trois autres marécages a été effectué. À ces endroits, on a utilisé des pioches et des pelles pour enlever la tourbe après avoir drainé les marécages par siphon et chaîne; d’autres sédiments furent extraits à l’aide d’un déplantoir. » (Lee, 2002, 27, 31). (La soi-disant tourbe de « marécage » est une tourbe de fen qui croît dans les dépressions de substratum rocheux de quartzite.) Lee a signalé la présence d’artefacts lithiques sur des sédiments sous la tourbe dans les quatre cas, mais aucun artefact n’a été découvert dans la tourbe : « Dans le Marécage 1… de l’argile a été découverte sous 35 à 46 cm de tourbe. Nous avons trouvé les artefacts surtout sur ou dans cette argile qui avait elle-même une épaisseur de 10 à 15 cm jusqu’au bout du substatrum rocheux » (ibid, 39). La tourbe du Marécage 2 avait 38 cm d’épaisseur et « une seule biface a été découverte sur la couche argileuse sous-jacente » (ibid). Le Marécage 3 (Figure 6) était le plus profond, environ 120 cm de tourbe « facile à subdiviser en fonction de la couleur et de la texture » recouvrant des strates d’argile successives – et contenait « des nucléus et des éclats clairement faits par l’homme… et des cailloux » (ibid, 40). Lee a recueilli des échantillons de tourbe dans une colonne. Les vestiges de plantes macroscopiques et le pollen qu’elles contenaient ont été identifiés et les changements de végétation régionaux à travers les âges ont été reconstitués. De plus, les échantillons de tourbe des niveaux inférieurs de l’accumulation furent datés au radiocarbone entre 9 160 +/- 250 ans avant le présent. Récemment, Julig et Mahaney (2002) ont recueilli cinq autres carottes du Marécage 3 en vue d’une analyse du pollen et de la datation au radiocarbone. Trois dates 14C par spectroscopie de masse par accélérateur (une sur de la tourbe, deux sur du bois à l’interface entre la tourbe et les sédiments sous-jacents) suggèrent que la tourbe a commencé à s’accumuler autour de 9 500 ans avant le présent. De récentes fouilles exploratoires dans les Marécages 3 et 4 (Figure 6) ont également livré des artefacts de quartzite, y compris de nombreux éclats à utilisation unifaciale, sous la tourbe et, contrairement aux observations de Lee, des artefacts ont également été découverts dans une couche « de tourbe argilo-sableuse de transition » et dans le sédiment de 10-15 cm d’épaisseur immédiatement au-dessous (Julig et Storck, 1992, 131).

Dessin montrant la composition des différentes stratifications du sol.

Figure 6 : Profils des Marécages 3 (en haut) et 4 (en bas) au site Sheguiandah, île Manitoulin. À noter les artefacts à la base de la tourbe limoneuse et dans le Marécage

Dessin montrant à quel niveau dans le sol les dépôts d'artéfacts se situent.

4, les artefacts dans la tourbe et l’argile de transition.
[ Figures 4.23 (p. 132) et 4.24 (p. 133), de chapitre 4, « Geoarchaeological Studies of the Sheguiandah Site and Analysis of Museum Collections », par Patrick J. Julig et William C. Mahaney dans The Sheguiandah Site: Archaeological, geological and paleobotanical studies at a Paleoindian site on Manitoulin Island, Ontario ]

Un exemple de « site humide » où la matrice porteuse d’artefacts se composait de tourbe est GbTo-33, le site Lachane, situé au port de Prince Rupert (Inglis, 1976). Malgré la longue histoire de perturbation du littoral du port, plus de 400 artefacts périssables, cassés et non finis (tels que des labrets, des bâtons fouisseurs, des bols, des parties de boîte, de la vannerie, des coins, du cordage et des manches) ont été exhumés entre deux plate-formes de maison dans de la tourbe de fen saturée en eau (par opposition à l’argile ou au limon qui constitue la matrice habituelle). Quatre dates C14 variaient entre 1 600 et 2 500 ans avant le présent. S-808 provenait de tourbe associée à des préformes de bol jumelées en pruche (MCC GbTo-33:C-418) et S-806 a été associé à un manche zoomorphique sculpté en cèdre rouge11 (MCC GbTo-33:C-423) (Figure 7). Durant les fouilles, les objets périssables ont été conservés dans de l’eau avec un agent fongicide au site, puis ils ont été préservés dans du polyéthylène glycol (carbowax) à Ottawa. Le dépôt se composait de quatre niveaux : le niveau 1 était perturbé et se composait de gravier et de coquilles écrasées et de quelques artefacts; les niveaux 2 et 3, environ un mètre de profondeur, contenaient des artefacts bien préservés dans une matrice se composant de matériel végétal partiellement décomposé (herbe, aiguilles de conifère, cônes, écorce et brindilles) et dont « la matrice, une fois séchée, ressemblait à de la tourbe » (Inglis, 1976, 163).

Un manche fait de bois.

Figure 7 : Ce manche en cèdre rouge a été découvert dans une matrice tourbeuse datée au C14.
MCC GbTo-33:C-423

Parmi les autres exemples d’artefacts découverts dans de la tourbe (probablement de la tourbe de fen), mentionnons BgDq-7, l’emplacement de l’objet de fouille de « Mink Island View » (Finley, 1986) au Nouveau-Brunswick, où « une pointe de projectile unique a été trouvée en voie de dégradation dans un banc de tourbe dans la partie la plus au nord de l’île Bliss ». L’essai de datation par le carbone 14 utilisant la méthode SMA a donné 1 250 +/- 80 ans avant le présent (bêta-40899). Un deuxième exemple est BbGt-17, le site Jahnke près d’Uxbridge, en Ontario, où une biface, une herminette en pierre adoucie et une pointe éventuellement Plano (Paléo-Indien) ont & eacute;té découverts « dans de la tourbe et du sol organique adjacents à Pefferlaw Brook et Mud Lake…[où]…une ancienne ligne de rivage du lac Algonquin traverse le site » (Storck, 1980).

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Découvertes dans d’autres terrains organiques


Les cas répertoriés de découvertes archéologiques dans des terrains organiques autres que la tourbe sont également rares. Certains de ces terrains sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, appelés « sites humides » (wet sites) (Croes, 1976) ont livré des quantités d’artefacts périssables bien préservés tels que de la vannerie, du cordage et des outils en bois datant de 500 à 3 000 ans avant le présent. Les sites humides sont des dépôts archéologiques saturés en eau qui se forment sous la nappe phréatique et, contrairement au site de Lachane décrit ci-dessus, habituellement à l’intérieur d’une matrice d’argile ou de sédiment limoneux qui fournit la matrice anaérobique nécessaire à la préservation organique des artefacts. Parmi les environnements des sites humides en Colombie-Britannique, mentionnons les embouchures d’estuaire; les faux chenals, mares vaseuses et anses remplis; et les sites près des vasières de marée et des sources d’eau douce, le long des lits de rivière et sous les coulées de boue importantes.

Un artefact bien connu – un astrolabe – a été découvert dans un dépôt de marne, dans un contexte de « site humide », à l’effluent du lac Astrolabe (Figure 8), près de Cobden, en Ontario. Il a été découvert par hasard, en août 1867, par un garçon dénommé Edward George Lee, qui plus tard a relaté ce qui suit à Macnamara (1919) : [italique ajouté]

« Il y avait un vieux pin rouge tombé qui se trouvait en descendant la pente avec le faîte dans le petit ruisseau qui débouche du lac Green. Mon père avait coupé le tronc de cet arbre en trois billots et j’en ai enlevé deux avec les bœufs, mais le troisième billot, juste au-dessous des branches, n’avait pas été coupé net. J’ai donc attelé les bœufs au billot et j’ai commencé à tirer de biais pour essayer de le casser. J’ai dû creuser la [tourbe] et la marne dans laquelle reposait le vieil arbre pour mettre la chaîne autour du billot, et lorsque le billot a commencé à tourner, il a enlevé la tourbe en roulant comme une couverture et là par terre, j’ai vu un objet rond jaune ayant neuf ou dix pouces de largeur avec des figures dessus, et une arme à travers, pointu à un bout et émoussé à l’autre bout. »

Vue panoramique d'un parc d'attractions et d'un lac.

Figure 8 : L’effluent du lac Astrolabe, où « l’astrolabe dit de Champlain » a été découvert en 1867, est aujourd’hui un centre de villégiature et une glissade d’eau.
Photo : Jean-Luc Pilon,
Musée canadien des civilisations

Un astrolabe

Figure 9 : « Astrolabe dit de Champlain », symbole de découverte, de mesure et d’enregistrement.
MCC 989.56.1

Les astrolabes furent principalement utilisés par les navigateurs des temps anciens jusqu’à la fin du XVIe siècle pour mesurer l’altitude du soleil. Comme l’appareil en particulier – daté de 1603 – a été découvert le long d’une route de portage obscure qu’aurait emprunté Champlain lors de sa remontée de la rivière des Outaouais en juin 1613, il fut présenté par les écrivains du XIXe siècle (p. ex. Russell, 1879) comme étant « l’astrolabe de Champlain » (Figure 9). Bien qu’il soit impossible de le prouver, il est probable que ce fut l’astrolabe de Champlain parce qu’aucun autre voyageur de cette époque est connu pour avoir emprunté cette route obscure et parce qu’on s’explique mal qu’une autre personne aurait possédé cet objet (Swayze, 2000). L’astrolabe fut acheté au père d’Edward Lee pour 10 $, le même jour en 1867, et plus tard, après son attribution à Champlain, fut acquis par un riche collectionneur américain, qui le conserva jusqu’à son achat par le Musée canadien des civilisations qui, depuis, l’expose fièrement à titre d’artefact unique (MCC 989.56.1) et de symbole de découverte, de mesure et d’enregistrement.

Récemment, un conservateur du Musée canadien des civilisations (M. Jean-Luc Pilon), un consultant en archéologie et un archéologue amateur expérimenté de la vallée de l’Outaouais ont entrepris une étude du rivage du lac Astrolabe. Ce dernier, M. Dave Croft de Pembroke, en Ontario, rapporte qu’en 1968, il avait observé un tesson à « haut col » en céramique (sylvicole supérieur) dans un état d’érosion dans une chaussée de route récemment passée au bulldozer près du déversoir du lac. Cela suggère que l’astrolabe serait associé à un dépôt archéologique de la période historique ou de contact – peut-être un dépôt qui aurait été créé par Nibachis, l’aîné algonquin qui a rencontré Champlain au lac Muskrat tout près et lui a montré les « champs et jardins » de la bande (Biggar, 1925, 275-280). Le sol mince sablo-argileux autour du lac Astrolabe est fragile et sensible à l’érosion. Il a été fortement remanié au cours d’un siècle de culture et des décennies de camping de loisirs. Depuis la visite de M. Croft de 1968, une glissade d’eau et un complexe de plage ont été aménagés et le talus où il avait observé le dépôt archéologique a fait l’objet d’un aménagement paysager. Même si l’espoir des archéologues de trouver un dépôt intact de la période du contact ne s’est pas réalisé, la brève évaluation d’août 2000 a permis de découvrir les vestiges de trois dépôts archéologiques autour du déversoir du lac où un banc de marne s’est développé au fil des années (Swayze, 2000). BjGe-1, le site de la glissade d’eau, est situé sur une terrasse sableuse (aménagée) environ 3 m au-dessus du rivage sud-ouest du lac. Un des quatre sondages pilotes a livré un très petit fragment unique de tesson exfolié de couleur chamois. Bien qu’il soit clairement de facture préhistorique, aucune affiliation culturelle ne peut être déterminée. Cependant, cette découverte unique et le tesson à bord orné décoré dans le style huron que M. Croft avait découvert en 1968 dans une tranchée de route, à cet emplacement, suffisent pour assigner le statut de site archéologique à la région. BjGe-2, le site de Grassy Point, est une aire de pique-niques de groupe de l’autre côté du lac depuis la glissade. Sept sondages pilotes, effectués à environ 5 m d’intervalle, ont livré six petits fragments d’éclat et d’écornure de quartz et de quartzite, deux pièces d’écornures de roche ignée et quarante très petits fragments d’ossements de mammifère (partiellement calcinés). Deux des fragments de quartzite semblent provenir d’éclats unifaciaux modifiés alors qu’une pièce d’écornure de quartz, ayant une coupe transversale triangulaire, aurait pu être utilisée comme perforateur. BjGe-3, le site Cairn (Figure 10), est situé sur une terrasse sableuse 3 à 4 m au-dessus du déversoir du lac à l’endroit où l’astrolabe a été découvert. Sept sondages pilotes, à environ 10 m d’intervalle, ont été effectués et cinq ont livré ce qui suit : 93 petits fragments d’ossements de mammifère, partiellement calcinés; un éclat de chert à retouche bifaciale ainsi que la portion distale d’un mince éclat de chert tronqué montrant des traces d’usure et d’utilisation unifaciales. Cinq petits fragments de charbon de bois ont été recueillis en même temps qu’une partie de la matrice organique brûlée d’un moule de poteau découvert dans le sondage pilote 4. Malheureusement, le dépôt original que M. Croft avait observé a presque entièrement été anéanti par la glissade et la mise en valeur de la plage. La totalité des vestiges des trois sites présente un contexte fortement remanié soumis à l’érosion, à la bioturbation et aux perturbations liées au camping et aux terres ancestrales du XIXe siècle.

Vue de plus proche des glissades et du lac au site Cairn.

Figure 10 : Vue sur l’aire de découverte du site Cairn dans la région du banc de marne où « l’astrolabe dit de Champlain » a été découvert.
Photo : Jean-Luc Pilon, Musée canadien des civilisations

La marne – le sédiment dans lequel l’astrolabe a été trouvé – est un précipité biochimique et physiochimique découlant du retrait du carbone des eaux lacustres lors de la photosynthèse de certaines plantes et algues d’étang. Le processus se produit plus souvent dans les bassins lacustres à eau calcaire ayant des roches calcaires à proximité et où il y a peu ou pas d’eau d’arrivée et un faible débit sortant comme le lac Astrolabe. Les dépôts de marne se composent de sédiments meubles hautement calcaires qui contiennent des coquillages et des quantités variables de matière organique (Vreeken, 1994). De couleur pâle, la marne est fréquente dans les bancs épais retravaillés par les vagues et les courants. Le banc de marne du lac Astrolabe se trouve à l’extrémité ouest, au déversoir où le célèbre objet a été trouvé, et comme il est visiblement épais et étendu, il s’est probablement accumulé de manière saisonnière lorsque la nappe phréatique, alimentée au printemps, était à son niveau le plus élevé. Le niveau lacustre moderne est maintenu aux niveaux élevés saisonniers grâce à un barrage. Pourtant, Edward Lee a indiqué lors d’une interview au sujet de sa découverte, qu’il n’avait « jamais vu suffisamment d’eau à cet endroit pour faire flotter un canot », ce qui suggère que le niveau d’eau était plus bas au XIXe siècle qu’il ne l’a peut-être été à différents moments autrefois. Intuitivement, on est porté à penser que comme il y a eu une activité culturelle, au moins intermittente, jadis autour du banc de marne – ou peut-être sur la glace par-dessus – ce sédiment pourrait livrer plus d’artefacts que le célèbre dispositif.

Un autre site archéologique ayant livré des artefacts en terrain organique est AhGw-79, le site de Black Shark, près de Hamilton en Ontario, où six éclats de chert, une pointe et un tesson en céramique iroquoien ont été découverts dans des sondages pilotes creusés dans des « couches superposées de sol humique et organique par-dessus la végétation » (Warrick, 1989).

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PARTIE UN – DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES DANS LES TERRAINS ORGANIQUES


Lien entre les sites archéologiques et les terrains organiques


Bien que les artefacts et les dépôts archéologiques provenant de terrains organiques soient relativement rares, on établit plus souvent le lien entre les sites archéologiques et les terrains organiques dans les bases de données de sites régionaux. On soupçonne toutefois que la proximité est probablement insuffisamment signalée, particulièrement dans les régions où la couverture de tourbe, les marécages, les bourbiers (mares vaseuses) ou les fondrières de mousse sont très répandus. Ce lien apparent – comme la proximité des sites d’habitation à l’eau potable – est essentiellement une hypothèse tacite et en grande partie non vérifiée.

Le « hinterland » (arrière-pays) situé à 10 km à l’est de la rivière Athabaska près de Fort McKay, en Alberta, est une région de fondrière de mousse (muskeg) où un net lien à la tourbe a été documenté. Un projet d’évaluation des impacts Alsands (Conaty, 1980) y a déterminé que des sites archéologiques étaient facilement détectables et relativement abondants dans une région de fondrière ayant été établi comme ayant peu de potentiel dans le cadre d’études antérieures. Ces sites intérieurs illustrent une culture matérielle auparavant non reconnue liée à un modèle de subsistance de la forêt boréale (LeBlanc et Ives, 1986). Les dépôts superficiels qui s’y trouvent se composent de matériaux et de gravier fluvioglaciaires et le relief comprend des lits de cours d’eau anastomosés (abandonnés), des terrasses et des levées discontinues. Bien qu’il paraisse plat à première vue, il y a jusqu’à 5 m de relief. « Pendant la période post-glaciaire, les dépressions de cette surface de dépôt se sont remplies de dépôts de tourbe ou de tourbières de sorte qu’environ 90 % de cette partie de la concession se compose de fondrière ou d’autre terrain organique. Cette variabilité des conditions édaphiques, alliée aux caractéristiques de succession de la végétation de la forêt boréale, a créé une mosaïque de communautés végétales »… et … « Tous les sites connus se trouvent sur des pinacles et des crêtes alors que le programme d’échantillonnage de Conaty (1980) montre, de façon probante, que les sites archéologiques sont rares ou absents dans les fondrières de cette région. » (LeBlanc et Ives, 1986, 60).

On a observé un autre schéma d’occurrence de sites archéologiques sur des formes de relief importantes (mais en bas relief) à proximité de terrains humides et organiques lors d’un inventaire de ressources archéologiques réalisé dans le parc national Elk Island, dans les collines Beaver près d’Edmonton, en Alberta. Le terrain y est caractérisé par une abondance de petits lacs de kettle, à différents stades de succession végétative hydrosérie, parsemé d’une région semblable de moraines bosselées et de kames (Swayze, 1990). Typiquement, ces sites étaient représentés au moyen de quelques éclats utilisés, d’une carotte bipolaire ou d’un fragment d’outil de pierre taillée unifaciale ou bifaciale découverts sur un pinacle ou une crête pratique donnant sur un étang de kettle à proximité, ayant souvent un aspect ensoleillé.

Dans des terrains comme l’arrière-pays de l’Athabaska et les collines Beaver (et dans les régions de couverture de tourbe de l’est du Canada et de l’Arctique centrale) où la tourbe est très répandue, on peut peut-être s’attendre à une haute incidence de lien avec les sites archéologiques. Toutefois, dans la zone tempérée de l’Ontario où les dépôts de tourbe de fen sont des caractéristiques courantes, mais non dominantes, le lien n’est pas aussi évident. Or, plusieurs archéologues ayant étudié les sites paléo-indiens dans la province semblent tacitement reconnaître l’existence de ce lien. Lors d’une étude toutefois, on a étudié l’emplacement des sites archéologiques (et des régions concentriques qui les entourent, appelées milieux et environs) de quatre régions situées le long de la côte nord du lac Ontario, s’étendant sur plusieurs millénaires du Pléistocène supérieur à l’Holocène inférieur, dans le cadre d’une analyse géographique afin d’examiner les attributs topographiques et environnementaux des terrains choisis par les peuples chasseurs cueilleurs paléo-indiens et archaïques inférieurs (Swayze, 1987). Comme les côtes des lacs du bassin ontarien étaient beaucoup plus basses que celles du lac Ontario moderne à la période Holocène inférieur, on suppose que l’échantillon de site archéologique a tendance à favoriser une structure économique de l’intérieur de l’arrière-pays étant donné que les grands villages saisonniers étaient sans doute situés à proximité de la côte des Grands Lacs (aujourd’hui submergée). Les variables du terrain des zones archéologiques mesurées comprenaient : densité de cours d’eau, densité du marais/marécage/milieu humide, relief maximum, drainage du sol et texture du sol. Ces données archéologiques ont été comparées avec un échantillon de contrôle représentatif d’emplacements non archéologiques et les deux échantillons ont été stratifiés par zones superficielles générales (c.-à-d. till, argile, moraine, etc.). Dans chaque sous-ensemble géographique analysé, le terrain autour des sites archéologiques différait considérablement des emplacements de l’échantillon de contrôle indiquant des tendances que l’on croit reliées aux stratégies de subsistance économique. Une question ayant un intérêt particulier en matière de lien archéologique avec le terrain tourbeux et organique est le fait que la densité de cours d’eau des ruisseaux du premier au quatrième ordre et la densité du marais/marécage/milieu humide des chasseurs cueilleurs étaient souvent considérablement supérieures à celles d’un emplacement représentatif « aléatoire ». Cela suggère que les peuples paléo-indiens avaient une stratégie économique plus diffuse reposant sur une adaptation littorale intérieure ou de « l’arrière-pays ». Les littoraux des milieux humides sont des zones d’interface entre des environnements terrestres et lacustres et ils offrent une diversité d’habitats fauniques que les chasseurs cueilleurs semblent avoir consciemment choisis.

Un exemple de peuplement euro-canadien de la période historique ayant un net lien avec les dépôts tourbeux (fondrières) a été enregistré dans le segment Long Beach du parc national Pacific Rim, sur la côte ouest de l’île de Vancouver (Swayze, 1989). Au tournant du XIXe au XXe siècle, nombre de jeunes immigrants britanniques – les « remittance men » – s’installaient sur des concessions de colonisation dans la forêt pluviale. Au cours de ces quelques années (1890-1914) avant qu’une vague d’enrôlement des hommes pour la Grande Guerre ne vienne mettre fin à l’expérience, ces pionniers inexpérimentés ont travaillé d’arrache-pied afin de drainer quelques « champs de tourbe » de fondrière où les fraises constituaient leur seule « culture », défricher une petite clairière dans le boisé tout près afin de construire une cabane et aménager des chemins de rondins pour relier leurs clairières. Leurs rêves reposaient sur les fraises et la promesse non tenue d’une liaison ferroviaire autour de la côte sud de l’île de Victoria.

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PARTIE UN – DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES DANS LES TERRAINS ORGANIQUES


Potentiel archéologique du terrain organique


La courte réponse à la question de savoir s’il y a un lien, au Canada, entre la population et les tourbières, telle que celui illustré dans l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières est non. Il n’y a pas de parallèle canadien au culte de l’inhumation et du sacrifice humain qui a eu cours dans le nord-ouest de l’Europe pendant dix millénaires. Cependant, des artefacts (et même des restes humains) ont été découverts dans des dépôts tourbeux au Canada, et il existe la possibilité de découvertes futures dans de la tourbe et encore plus sous la tourbe, en particulier à Terre-Neuve et Labrador et au « nord du 60e ». Les archéologues au Canada ont rarement testé les terrains organiques, particulièrement s’ils sont saturés d’eau et s’ils sont situés au-dessous de la nappe phréatique. Mis à part les problèmes logistiques que représente l’échantillonnage du terrain organique, ces régions ont souvent été négligées parce qu’elles ont été classées dans la catégorie des zones « de faible potentiel » par les modèles de prévision. Par ailleurs, comme les milieux humides sont aujourd’hui généralement reconnus comme étant essentiels au cycle hydrologique, ils sont protégés contre bon nombre des répercussions de l’exploitation et sont donc fréquemment exemptés des contrôles de conformité archéologique parce qu’ils doivent demeurer intacts. Il est arrivé que des artefacts aient été découverts par accident au Canada dans le cadre d’activités commerciales d’extraction de la tourbe. Mais, contrairement au nord-ouest de l’Europe, l’incidence signalée est très faible, peut-être parce que l’activité commerciale traditionnelle est à faible échelle au Canada et que les activités modernes sont mécanisées et ainsi moins susceptibles de donner lieu à des découvertes accidentelles.

Comme Inglis (1976) le souligne, le coût global d’une fouille majeure d’un « site humide » est élevé en raison des difficultés que comporte la fouille et du processus de conservation qui est laborieux et nécessite beaucoup de temps. Quand cela est possible, l’on devrait employer des techniques de pré-fouille et de découverte telles que le prélèvement d’échantillons de carottes ou l’évaluation non invasive faisant appel au géoradar (radar servant au sondage du sol), au sonar et même aux méthodes d’imagerie par résonance magnétique (IRM).

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PARTIE DEUX – SITES ARCHÉOLOGIQUES CONTENANT DES ARTEFACTS BIEN PRÉSERVÉS OU AYANT UNE FONCTION COSMOLOGIQUE


La plaque de glace Mount Granger (JdUt-17), près de Whitehorse, et la plaque Thankdlat (JdVb-2) dans le sud-ouest du Yukon, sont des exemples de sites remarquables où des artefacts périssables rares, soit des restes de caribou postglaciaires ainsi qu’une cache de chasse ont été découverts en place pendant qu’ils fondaient dans des couches de déjections de caribou et de glace, ayant plus d’un mètre d’épaisseur, dans des plaques de glace permanentes (mais diminuant rapidement) à contreforts montagneux. Les artefacts comprenaient, notamment, des fûts de flèche/dard en bois couleur d’ocre avec des pointes de pierre en forme de feuille de saule et des empennes à plumes d’aigle toujours attachées par de la babiche. Les sites reflètent le traitement du caribou à l’endroit où des cerfs ont été abattus pendant qu’ils repéraient la plaque de glace pour éviter les moustiques durant le climat chaud. L’organisation en couches reflète la formation au fil des années. Certains artefacts trouvés jusqu’à ce jour varient entre 90 à 7 500 ans avant le présent. En plus d’inscrire les sites et de recueillir les artefacts rares, les archéologues ont prélevé des échantillons de carotte de la glace en vue de l’analyse du pollen, de la datation et de l’analyse par isotope de l’oxygène (Gotthardt et al., 1998; Pringle, 2002).

Un exemple extraordinaire de restes humains pris dans un contexte archéologique, et mieux préservés que l’homme de Tollund ou l’homme de Grauballe (découvert au Danemark au début des années 1950), est celui de John Torrington dont le corps a été exhumé et autopsié. Ce jeune homme faisait partie de l’équipage du capitaine John Franklin parti en voyage d’exploration de l’Arctique. Il est mort lors du premier hiver lorsque le navire a échoué. Il a été enterré à l’île Beechy, au large de la côte de la péninsule Boothia, au Nunavut. Après avoir avisé tout descendant vivant connu de John Torrington, son corps a été exhumé et autopsié de manière standard afin d’établir la cause du décès. On a réalisé l’autopsie parce que son corps était considéré comme une preuve primaire non dérangée des événements entourant le début de l’expédition Franklin (Beatty, 1986, 1988). Une fois que le corps fut dégelé, décrit, photographié et déshabillé, près de la tombe, Beatty a écrit : « John Torrington est apparu, après avoir été exposé complètement en faisant fondre la glace autour de lui à l’aide d’eau chaude et froide, de façon telle qu’on aurait dit qu’il était mort il y avait seulement quelques jours. Sauf une certaine déshydratation des lèvres et des cils, il n’y avait pas de signes de décomposition ou de désintégration. » (Beatty, 1986, 11). Les restes de John Torrington ont été soigneusement réinhumés. Les analyses subséquentes des échantillons prélevés sur son corps ont révélé que ses poumons étaient anthraciteux (son occupation à bord était chauffeur de chaudière) et qu’ils adhéraient à ses côtes, mais il fut déterminé qu’il s’agissait d’une attaque antérieure qui avait commencé à se cicatriser. On n’a pas trouvé de particules alimentaires dans son estomac, ce qui suggère qu’il était atteint de dysenterie ou qu’il souffrait des effets de purgatifs avant sa mort. L’autopsie a révélé qu’il était probablement mort des suites d’une pneumonie dont la cause première était un empoisonnement par le plomb et la faim. Il était émacié et ne pesait que 40 kg. La concentration de plomb dans ses tissus était trois à quatre fois le seuil de « sécurité » recommandé aujourd’hui et les parties par million dans ses tissus capillaires étaient 20 fois le seuil moderne. Comme l’échantillon de cheveu testé se trouvait seulement à 1 cm de son cuir chevelu, cela indique qu’il avait récemment ingéré du plomb avant sa mort. Beatty suggère que l’empoisonnement par le plomb aurait été causé par les rations de la marine qui étaient conservées dans des canettes aux joints intérieurs soudés au plomb.

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PARTIE DEUX – SITES ARCHÉOLOGIQUES CONTENANT DES ARTEFACTS BIEN PRÉSERVÉS OU AYANT UNE FONCTION COSMOLOGIQUE


Cosmologie et archéologie


La cosmologie est une théorie culturelle de la formation de l’univers, de sa composition et de ses lois ou de notre place et notre origine dans cet univers. On peut aussi la décrire comme notre façon d’influencer le destin en acquérant un pouvoir personnel et par la prière, le tabou, les rituels et les gestes cérémoniels ou grâce à l’aide d’un chaman. La cosmologie autochtone était individualiste et animiste et reconnaissait le pouvoir de l’esprit des animaux, des roches, des plantes, du ciel et de l’eau (Wright, 1995). Bien que les documents historiques indiquent que les peuples celtiques et germaniques pré-chrétiens du nord-ouest de l’Europe avaient des croyances similaires et certains symboles en commun, ce ne sont là que quelques composantes des croyances religieuses complexes des deux côtés de l’océan Atlantique. Des offrandes votives de tabac, de nourriture, de flèches et d’autres objets étaient déposées dans les sites sacrés des Premières Nations, mais ces « sacrifices » ne sont comparables aux rituels culturels mis en lumière dans l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières que d’une manière superficielle.

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PARTIE DEUX – SITES ARCHÉOLOGIQUES CONTENANT DES ARTEFACTS BIEN PRÉSERVÉS OU AYANT UNE FONCTION COSMOLOGIQUE


Artefacts et cosmologie


Les enterrements, sarcophages et incinérations de toutes sortes fournissent beaucoup d’information sur la cosmologie traditionnelle au Canada, mais il existe d’autres types de dépôts archéologiques et d’artefacts qui offrent un aperçu unique sur les croyances des Premières Nations. Celles-ci comprennent la magie de la chasse des périodes paléo-esquimaude et paléo-indienne (McGhee, 1978, 32; Wright, 1995, 441) évidente dans la finesse d’exécution et dans le choix caractéristique de chert de haute qualité (Figure 11) et d’autre matériel lithique brillant. De façon analogue, au site Fisher en Ontario, il apparaît que les chasseurs paléo-indiens utilisaient comme amulettes des éclats de filon de roche, soit de longs éclats minces frappés à partir d’une plate-forme spécialement préparée à la base de certaines pointes de projectile afin de créer une « flûte » longitudinale (Storck, 1994). Ces caractéristiques semblent aller au-delà de toute exigence fonctionnelle – le pouvoir étant associé à la perfection (Hayden, 1982). On retrouve la même « magie de la chasse » exprimée durant la période archaïque moyenne subséquente avec des objets tels que des poids de propulseur à javelot aussi appelés pierre-oiseau, des « plombs » et des pendentifs d’ardoise polie (Figure 12). D’autres matériaux omniprésents dans les sites archéologiques sont les cristaux de roche et l’ocre rouge (ou hématite). Souvent utilisés à des fins pratiques, ils avaient néanmoins des liens cosmologiques. Les gens fabriquaient souvent des instruments simples de coupe et de grattage à partir de cristaux de quartz par exemple, mais ceux-ci sont également associés aux sacs de guérisseurs et au chamanisme. Et quoique que l’ocre ait été utilisée comme produit de préservation du bois et pour peinturer les canots et les contenants d’usage courant, les morts – dans le monde entier – sont oints d’ocre rouge et ensevelis avec cette ocre depuis des temps immémoriaux.

Plusieurs pics fait de roche ou d'os.

Figure 11 : Pointes de projectiles paléo-indiennes de la culture Plano finement exécutées en chert de haute qualité.
[ Planche en couleur 4, de J.V. Wright, Six Chapters of Canada’s Prehistory, 1976 ]

Plusieurs artéfacts faits de pierre.

Figure 12 : Artefacts en pierre polie : pierre-oiseau, naviforme, barres en pierre et pendentif.
[ Planche en couleur III, de J.V. Wright, Ontario Prehistory: an eleven-thousand-year archaeological outline, 1972 ]

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PARTIE DEUX – SITES ARCHÉOLOGIQUES CONTENANT DES ARTEFACTS BIEN PRÉSERVÉS OU AYANT UNE FONCTION COSMOLOGIQUE


Cosmologie et sites archéologiques sémalithiques et monumentaux


Durant la période archaïque supérieure dans les forêts de l’est du Canada, la cosmologie s’exprimait au moyen de géosculptures monumentales en forme d’animaux et d’objets variés du culte funéraire de la culture Adena-Hopewell, tels que des pipes tubulaires à extrémité bloquée, des pipes à plate-forme en forme d’animaux, des naviformes et des barres en pierre. Ces objets sont tous des œuvres d’art et de rituel façonnés dans de la pierre polie brillante. On retrouve des représentations cosmologiques en pierre – y compris des cromlechs, des cairns et des pierres à bison – dans l’ensemble de la région des Plaines du Canada. Ces exemples d’anciens objets commémoratifs ont servi dans le cadre de rituels de quête de vision associés aux corps célestes. Dans des régions de l’Arctique, certains inukshuts – objets de pierre en pied agissant à titre d’humains – sont vénérés ou sont liés à des lieux de pouvoir dans le paysage spirituel (Hallendy, 1992) (Figure 13).

Un Inukshuk, au milieu d'un vide enneigé.

Figure 13 : Inukshuk.
Photographie de Norman Hallendy; voir le livre Inuksuit: Silent Messengers of the Arctic.

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PARTIE DEUX – SITES ARCHÉOLOGIQUES CONTENANT DES ARTEFACTS BIEN PRÉSERVÉS OU AYANT UNE FONCTION COSMOLOGIQUE


Sites sacrés associés à l’eau


Deux sites, situés dans les deux cas dans l’est de l’Ontario, peuvent être présentés à titre d’exemples à peu près comparables aux sites des tourbières du nord-ouest de l’Europe parce qu’ils comportent des offrandes votives et sont liés à des lieux aquatiques sacrés. Or, la cosmologie des sociétés de l’Ancien et du Nouveau monde était différente : les sites aquatiques du Nouveau monde ne comportent pas de terrain organique (mais plutôt des falaises) et il n’y a pas non plus de référence au culte et au sacrifice dont on fait état dans l’exposition Le mystérieux peuple des tourbières.

Situé sur un rocher qui surplombe la rivière des Outaouais et considéré comme un des sites de peintures rupestres « parmi les plus intéressants découverts à ce jour au Québec » (Tassé et Dewdney, 1977), Migizi Kiishkaabikaan est un site pictographique anishanabe, appelé aussi Rocher de l’Oiseau ou « Oiseau Rock » (Figure 14). Les Algonquins aujourd’hui le décrivent comme un lieu puissant d’une grande beauté où l’énergie de la terre est exposée et où les pictogrammes représentent leur ancienne compréhension traditionnelle du paysage spirituel et physique. Lorsque le chevalier de Troyes a remonté la rivière des Outaouais en 1686, il a relaté que ses guides avaient posé des offrandes de tabac dans des crevasses à Migizi Kiishkaabikaan et qu’ils avaient lancé des flèches 150 m au-dessus du rocher dans la rivière profonde se trouvant en bas. On trouve huit séries de peintures rupestres au Rocher de l’Oiseau, distribuées sur 157 m de falaise exposée, située 3 à 9 m au-dessus de la rivière. Il est maintenant difficile de les voir (Figure 15) en partie parce que le granite du lit rocheux est rosâtre, parce que les images semblent partiellement recouvertes et masquées par l’écoulement du pigment d’ocre rouge et parce qu’elles sont recouvertes de graffiti moderne (Figure 16). Un mythologue et historien a récemment expliqué que les peintures seraient une « vision cosmogonique » illustrant l’origine de l’univers. Comme on ne voit pas de symboles de fertilité dans les peintures ou d’autres indications du début d’une économie horticole ou agricole, on suggère qu’elles remonteraient à au moins 3 000 ans et que le message véhiculé remonterait à encore plus loin dans le temps (Desjardin et Gosselin, 1999).

Une falaise ressortant de l'eau.

Figure 14 : Migizi Kiishkaabikaan, ou Rocher de l’Oiseau, site de pictogrammes et lieu de pouvoir.
Photo : Jean-Luc Pilon, Musée canadien des civilisations

Des roches avec des pictogrames délavés.

Figure 15 : Il est maintenant difficile de voir les pictogrammes.
Photo : Jean-Luc Pilon,
Musée canadien des civilisations

Graffiti sur la falaise.

Figure 16 : Des graffitis modernes recouvrent et masquent aujourd’hui partiellement les pictogrammes.
Photo : Jean-Luc Pilon,
Musée canadien des civilisations

Les documents historiques et les récits des peuples iroquoiens et anishinabes des forêts de l’est du Canada font état d’un esprit appelé Missipeshieu ou Mishebeshu – comme un serpent, un dragon ou une panthère – qui contrôlait les cours d’eau et vivait dans l’eau profonde au pied des falaises rocheuses (Wright, 1999, 683). Grand-père longue queue ou « Grandfather Long-tail », comme on l’appelle parfois, est représenté dans de nombreux sites de pictogrammes partout dans les régions des forêts de l’est du Canada. « Grand-père longue queue » ou un être semblable a peut-être un lien avec le site de Red Horse Portage dans le parc provincial du lac Charleston, près de Kingston, en Ontario, où les vestiges de 46 récipients en poterie – certains presque entiers – ont été découverts sur deux bordures de récif immergées 9 m et 18 m sous la surface (Wright, 1980). L’âge de ces récipients représente une étendue d’environ 2 000 ans, entre la Pointe Péninsule inférieure et les Iroquois du Saint-Laurent au XVIe siècle. Ils ont clairement été déposés intentionnellement. « Bien qu’il soit impossible de le prouver, une explication possible de cette découverte inhabituelle… est qu’elle représente un site sacré qui aurait été visité sur une longue période continue par des personnes cherchant à obtenir les faveurs d’un Grand-père longue queue. Les récipients en poterie représentent des offrandes de supplication… Le fait qu’on n’ait pas trouvé de sites similaires est sans aucun doute dû à leur emplacement hors de la portée des régions de prospection archéologique » (Wright, 1999, 683) [traduction libre].

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RÉFÉRENCES



ANDREWS, Tom

Marian River Heritage Resource Inventory, site form KkPp-14.


ARNOLD, Charles

« Preliminary Report on the 1986 Activities of the Mackenzie Delta Heritage Project: Excavations at Gupuk (NiTs-1) », manuscrit 2821, vol. I, dans les dossiers des archives du Musée canadien des civilisations, Gatineau.


BEATTY, Owen

1986 « Final Report of the 1984-1985 Research into the Third Franklin Expedition », manuscrit 2600, dans les dossiers des archives du Musée canadien des civilisations, Gatineau.


1988 Frozen in Time: unlocking the secrets of the Franklin Expedition. Western Producer Prairie Books, Saskatoon.


BERGEN, C., M.J.L. Th. NIEKUS et V.T. VAN VILSTEREN (éds.)

2002 The Mysterious Bog People. Waanders Publishers, Zwolle (Pays-Bas).


BEUKER, J.R.

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