Balado Artéfactualité : Cœurs en Liberté – Une nouvelle perspective sur la crise des personnes réfugiées de Asie du Sud-Est

Daniel Neill

Entre 1975 et 1985, les évènements politiques au Vietnam, au Cambodge et au Laos ont entrainé une crise humanitaire qui a vu plus de 100 000 personnes de ces pays arriver au Canada afin d’y trouver refuge. Une nouvelle perspective sur cette crise est présentée dans Artéfactualité, une série de balados qui imagine un musée du futur entièrement constitué des histoires que nous nous racontons. Dans l’épisode « Cœurs en liberté », le public pourra écouter l’animatrice du balado et romancière prolifique Kim Thúy s’entretenir avec Stephanie Stobbe, spécialiste de l’histoire des communautés réfugiées, au sujet de parcours migratoires jusqu’au Canada et de la manière dont son travail contribue à notre compréhension de l’histoire des « gens réfugiés de la mer ».

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Kim Thúy et Stéphanie Stobbe.

Kim Thúy (Photo : Sarah Scott) et Stéphanie Stobbe.

Une nouvelle approche du Canada pour aider les personnes réfugiées

La chute du Vietnam du Sud aux mains des forces communistes en 1975 a laissé de nombreuses personnes au Vietnam, au Cambodge et au Laos dans une position très vulnérable. Le Canada a réagi en autorisant le parrainage privé de personnes réfugiées pour la première fois de son histoire. En 1985, avec l’aide de milliers d’individus, de groupes et d’églises, 110 000 personnes réfugiées se sont installées avec succès, principalement à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Le programme de parrainage privé de personnes réfugiées, le premier du genre au monde, se poursuit aujourd’hui.

Des milliers d’histoires de personnes réfugiées, chacune unique

Après avoir fui le Vietnam, Kim Thúy et sa famille se sont retrouvées dans un camp de personnes réfugiées surpeuplé de la Croix-Rouge, en Malaisie. Au début, la famille dormait à même le sol, mais, avec l’aide d’autres familles, elle a fini par construire un abri en utilisant tous les matériaux qu’il était possible de trouver près du camp. Ce tableau de Truong Chanh Trung représente le travail quotidien dans un centre de personnes réfugiées du Vietman en Malaisie, avec un abri similaire en arrière-plan :

Peinture de Truong Chanh Trung, 1984.

Peinture de Truong Chanh Trung, 1984. Artéfact numéro 91-449 du MCH.

La famille de Stephanie Stobbe a fui le Laos lorsque les bombardements incessants ont rendu le pays trop dangereux. Elle a dû partir secrètement, en traversant le Mékong jusqu’en Thaïlande à bord d’un petit bateau.

« Les militaires du Laos avaient reçu l’ordre de tirer sur quiconque essayait de partir, et les militaires de la Thaïlande avaient reçu l’ordre de tirer sur quiconque essayait de débarquer, parce que ce pays ne voulait pas de personnes réfugiées. »

La famille de Stephanie Stobbe a été recueillie par une famille thaïlandaise et a passé deux ans à cultiver la terre en Thaïlande. Plutôt que d’être renvoyée de force au Laos, elle a finalement pu choisir de rejoindre un camp pour personnes réfugiées. Après six mois dans un camp surpeuplé, avec peu de nourriture, et pas d’eau courante, la famille a embarqué sur le premier vol disponible. Il était à destination du Canada.

Table de traitement des demandes d’asile dans un camp de personnes réfugiées

CIHS025 Table de traitement des demandes d’asile dans un camp de personnes réfugiées (photo avec l’aimable autorisation de la Collection de la Société historique de l’immigration canadienne).

Un avenir au Canada

Stephanie Stobbe et Kim Thúy n’auraient pas pu prévoir leur avenir au Canada lorsqu’elles ont commencé leur parcours de réfugiées. Comme le raconte Kim Thúy dans son roman autobiographique Ru, le processus de réinstallation n’a pas été facile. Dans le balado, Stobbe raconte comment sa famille s’est retrouvée dans la campagne manitobaine, en hiver, dans une maison sans électricité ni eau courante. Ce n’est qu’après avoir rencontré des membres de la communauté mennonite locale que sa famille a reçu le soutien dont elle avait besoin pour s’adapter à la vie au Canada. Thúy et Stobbe expriment leur gratitude pour les possibilités qu’elles ont eues au Canada, mais reconnaissent également le besoin continu de soutien aux personnes réfugiées. C’est l’une des raisons pour lesquelles Stobbe a aidé à diriger le projet de récits oraux et d’exposition itinérante Cœurs en liberté, qui a récemment été lancé au Musée canadien de l’histoire et qui est maintenant en tournée à travers le Canada.

D’anciennes personnes réfugiées donnent au suivant

L’histoire des personnes réfugiées d’Asie du Sud-Est au Canada se poursuit, alors que les enfants et les petits-enfants de cette génération s’efforcent de perpétuer l’héritage des « gens réfugiés de la mer » et de raconter leurs récits. En 2015, Phung Tran, ancienne réfugiée malaisienne, a fait la une des journaux en parrainant des gens de la Syrie cherchant refuge au Canada. Elle a parrainé la famille Alkhalaf quatre décennies après sa propre arrivée au Canada. Des histoires comme celle-ci mettent en lumière un modèle de parrainage qui a vu le jour au Canada et qui est en train d’être adopté dans le monde entier. Le conservateur du Musée canadien de l’histoire, Olivier Côté, raconte leur histoire dans cet extrait :

L’exposition Cœurs en liberté vise à faire changer les choses

L’exposition Cœurs en liberté raconte des récits et donne des visages à ce qui peut parfois sembler être de froides statistiques sur le mouvement des personnes réfugiées d’Asie du Sud-Est. Ces récits illustrent la résilience de ces gens et comment ils ont bâti une vie enrichissante au Canada, malgré d’immenses obstacles, traumatismes et persécutions. En voyant l’exposition et en écoutant les histoires, Stephanie Stobbe espère que le public du Musée pourra mieux comprendre leur potentiel en tant que vecteurs du changement. Kim Thúy souligne également comment une personne ou un groupe de personnes peut faire une grande différence dans la vie des gens déplacés partout dans le monde :

« Chaque fois que vous pensez manquer de force, rappelez-vous qu’un moustique peut changer la vie d’une personne. Quand il y a un moustique dans votre chambre la nuit et que vous essayez de dormir, c’est très dérangeant. Alors, chaque fois que je me sens trop petite pour changer les choses, je pense à cette théorie. »

L’exposition Cœurs en liberté sera en tournée à travers le Canada en 2023 et en 2024. Pour savoir où voir l’exposition et les collections du Musée canadien de l’histoire liées au mouvement des personnes réfugiées de l’Asie du Sud-Est, consultez nos notes d’exposition ou visitez www.museedelhistoire.ca.

L’exposition itinérante Cœurs en liberté présentée au Musée canadien de l’histoire.

L’exposition itinérante Cœurs en liberté présentée au Musée canadien de l’histoire.

Autres lectures :

L’histoire de Krysty Hilt, de Phung Tran et de la famille Alkhalaf s’appuie sur trois articles de la revue Macleans traitant de ce sujet : (en anglais seulement)

  • https://macleans.ca/saving-family-no-417/
  • https://macleans.ca/news/canada/how-a-vietnamese-boat-person-helped-save-a-family-of-syrian-refugees/
  • https://macleans.ca/news/syrian-refugees-family-417-six-months-later/

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Apprenez-en plus au sujet d’autres épisodes d’Artéfactualité :


Daniel Neill

Daniel Neill

Daniel Neill est chercheur dans le domaine des sports et des loisirs au Musée canadien de l’histoire. Il est également musicien et candidat au doctorat en ethnomusicologie à l’Université Memorial de Terre-Neuve.