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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

Elizabeth Manley n’a pas à s’excuser : l’image corporelle et la santé mentale dans les sports

Auteurs

  • Steve McCullough

Publié

9 oct. 2024


La patineuse artistique Elizabeth Manley a fait l’objet de critiques impitoyables et a été victime d’attaques au sujet de son poids pendant la période précédant les Jeux olympiques d’hiver de 1988. Elle a néanmoins persévéré, remportant une médaille d’argent et donnant tort aux gens qui cherchaient à la diminuer.

La veste de l’équipe olympique de Manley fait partie de la collection du Musée canadien de l’histoire. Elle illustre le patriotisme et la célébrité qui accompagnent les performances sportives de haut niveau, mais son histoire montre que des sports et des athlètes font parfois l’objet d’un traitement injuste et cruel.

Une veste blanc et rouge à fermeture éclair, avec le logo de la feuille d’érable rouge au-dessus du logo des anneaux olympiques, et le texte « Calgary ’88 ».

La veste d’Équipe Canada d’Elizabeth Manley lors des Jeux olympiques d’hiver de 1988.

Musée canadien de l’histoire, IMG2024-0122-0025-Dm

Santé mentale, silence et stigmatisation

Elizabeth Manley reste dans les mémoires comme l’« enfant chérie du Canada » qui a remporté une médaille d’argent triomphale aux Jeux olympiques de Calgary en 1988. À l’époque, toutefois, Manley subissait un stress mental et émotionnel considérable, aggravé par une couverture médiatique agressive et critique.

Une semaine avant les Jeux olympiques de 1988, un journal d’Ottawa a publié un article qui mettait ses chances en doute. « L’article au complet parlait de ma dépression, se souvient-elle, de mes problèmes de santé mentale et du fait que les gens avaient l’impression que je manquais de constance lors des compétitions. Cela équivalait plus ou moins à dire que, parce que l’on m’avait diagnostiqué des problèmes de santé mentale, je n’allais pas être assez forte pour gagner une médaille. J’étais absolument dévastée. »

Manley s’est efforcée de parler ouvertement de ses problèmes de dépression et d’anxiété. Néanmoins, « dans les années 80, dit-elle, on ne parlait pas de santé mentale ». Elle a été confrontée à une culture systémique du silence et du déni concernant la santé mentale et émotionnelle dans le sport de haut niveau : « Les personnes qui deviennent des athlètes sont formées pour être dures, et, pour être dures, elles n’ont pas de voix, explique-t-elle. Il faut se taire, cacher ces choses. »

Une femme blonde vêtue d’un justaucorps jaune et noir et d’une jupe courte patine en se penchant en avant et en faisant des gestes avec les mains.

Elizabeth Manley en 1988, s’entrainant pour le programme de patinage libre qui lui vaudra la médaille d’argent.

Presse canadienne/Paul Chiasson

Image corporelle et athlétisme

En revanche, le personnel entraineur et les journalistes du milieu sportif ne cessaient de parler de l’apparence du corps des athlètes féminines. Le poids d’Elizabeth Manley a fait l’objet de discussions quasi constantes dans les médias et dans le monde du patinage artistique.

Chloé Ouellet-Riendeau est conservatrice-adjointe, Histoire du sport, au Musée canadien de l’histoire. Elle souligne que les journalistes de l’époque « se concentraient tout particulièrement sur les aspects physiques de la dépression, comme la prise de poids et la perte de cheveux ». À son avis, « une pression supplémentaire est exercée sur l’image corporelle des athlètes esthétiques » et les journalistes se concentraient sur l’apparence des femmes « au lieu de se concentrer sur la performance du corps, sur ce que le corps était capable de faire, sur ses capacités. »

Après sa carrière en compétition, Manley a travaillé dans le domaine du patinage commercial. Là-bas, elle a également fait l’expérience d’une focalisation nocive sur la minceur et l’image corporelle : « J’ai fait partie d’un spectacle sur glace pendant trois années entières, raconte-t-elle. J’ai fait 1 200 spectacles et on me pesait chaque semaine. Si je prenais une livre, je devais payer une amende. Et si je ne perdais pas le poids que j’avais pris dans les deux semaines suivantes, je perdais mon emploi. »

Une femme blonde portant une veste blanche, au milieu d’une foule.

Elizabeth Manley en entrevue à Toronto pendant les Jeux olympiques d’hiver de 2010. En 2014, elle a été intronisée au Panthéon des sports canadiens.

Flickr / Tyler Ingram

Évolution des attitudes

Au cours des dernières années, un nombre croissant d’athlètes de haut niveau, comme Simone Biles, Naomi Osaka et Michael Phelps, ont pris la parole concernant leurs problèmes de santé mentale.

Biles s’est notamment retirée de plusieurs épreuves lors des Jeux olympiques d’été de 2020 à Tokyo lorsqu’elle a connu une perte soudaine de concentration et de confiance en elle. Elle a pris un congé pour s’occuper de sa santé mentale avant de reprendre la compétition. « J’avais beaucoup de respect pour elle, déclare Elizabeth Manley. Et vous savez quoi? Le monde l’a soutenue. Cela m’a fait chaud au cœur, car c’est ce dont nous avons besoin. »

Lors des Jeux olympiques de Paris en 2024, Biles a remporté trois médailles d’or et une d’argent, ce qui fait d’elle la gymnaste américaine la plus décorée. Elle attribue son succès à la priorité qu’elle a donnée à sa santé mentale.

Aujourd’hui, Manley entraine des athlètes de patinage artistique et de hockey. Elle intègre une attention particulière à leur bienêtre mental dans son approche de l’entrainement : « Je veux que les athlètes se sentent en sécurité avec moi, dit-elle. Et parce que mon histoire leur est familière, ces jeunes se sentent en sécurité et peuvent me parler. Grâce à cela, j’obtiens de ces personnes des performances extraordinaires. »

Une robe de patinage noire moulante en tissu brillant, avec un décolleté plongeant et garni de cristaux et de plumes.

Ce costume moulant a été porté par Barbara Underhill lors des Championnats du monde de patinage artistique de 1983. Le patinage artistique fait appel à la fois à l’athlétisme et à l’esthétique, et l’importance accordée à l’apparence du corps des athlètes peut entrainer des problèmes d’image corporelle et de santé mentale.

Musée canadien de l’histoire, IMG2024-0122-0020-Dm

Nouvelles lignes directrices, problèmes persistants

En 2020, Patinage Canada a publié des lignes directrices axées sur la positivité corporelle. Selon Chloé Ouellet-Riendeau, « les lignes directrices sont destinées au personnel entraineur et à toute personne se trouvant à proximité des athlètes, afin de les aider à utiliser un langage, des pratiques et des comportements qui garantissent leur protection. »

Elle souligne que des attitudes et des comportements préjudiciables poussent un nombre disproportionné de jeunes femmes à abandonner le sport : « La santé mentale et l’image corporelle sont des facteurs clés qui expliquent pourquoi beaucoup d’entre elles décident d’abandonner, parce que la pression est tout simplement trop forte, explique-t-elle. »

Ni Ouellet-Riendeau ni Elizabeth Manley ne s’attendent à ce qu’un unique ensemble de lignes directrices change immédiatement la culture du sport de haut niveau. Ouellet-Riendeau note d’ailleurs qu’une étude réalisée en 2021 a révélé que « les athlètes féminines pratiquant des sports esthétiques sont victimes de violence psychologique en raison de la honte qu’elles ressentent pour leur corps. » Elle rapporte que, dans une autre étude récente, des athlètes de patinage artistique « ont expliqué comment [les attentes en matière d’image corporelle] ont généré des troubles de l’alimentation et des blessures ». Elle poursuit : « Bien qu’un ensemble de lignes directrices ne changera pas immédiatement la culture du sport de haut niveau, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Chaque brique du mur fait la différence. »

Théoriquement, selon Ouellet-Riendeau, le personnel entraineur et les journalistes devraient « se concentrer davantage sur les capacités du corps, ce qu’il peut faire, et moins sur son apparence. » Comme le dit Manley, « nous devons laisser les athlètes être des athlètes. »

Écoutez l’épisode d’Artéfactualité sur Elizabeth Manley pour en savoir plus sur son combat contre la stigmatisation et sur ce qui est fait en matière de santé mentale et d’image corporelle dans le sport de haut niveau.

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Steve McCullough

Steve McCullough, Ph. D., est le stratège de contenu numérique pour le Musée canadien de l’histoire et le Musée canadien de la guerre. Son travail dans le domaine de la création de récits numériques repose sur la compassion et des actions fondées sur des preuves pour parler de l’histoire, de la notion de sens et de l’identité dans un environnement en ligne fragmenté et polarisé, mais aussi dynamique et étroitement lié.

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