Balado Artéfactualité : Le prince du plastique – Comment Karim Rashid a fait progresser le design démocratique

Daniel Neill

Karim Rashid

Karim Rashid

Pourquoi les objets que nous utilisons tous les jours ne pourraient-ils pas être beaux, uniques et utiles? C’est la question qui anime Karim Rashid, un désigneur industriel connu pour ses créations abordables, notamment la chaise Oh et la poubelle Garbo. Rashid parle de ses premières influences, de son adolescence et de sa carrière dans « Le prince du plastique », un épisode d’Artéfactualité, une série de balados qui imaginent un musée du futur entièrement constitué des histoires que nous nous racontons.

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Pourquoi inclure des poubelles dans les collections du Musée canadien de l’histoire?

Garbo (vert) et Garbini (blanc),

Garbo (vert) et Garbini (blanc), Musée canadien de l’histoire 2018.308.122 et 2009.165.1

Les poubelles Garbo et Garbini ne sont pas les seules corbeilles à papier à faire partie des collections du Musée canadien de l’histoire, mais elles sont les seules à figurer également dans les collections du MoMA de New York et du Centre Pompidou à Paris. Bien qu’elles soient destinées à contenir des déchets, les poubelles Garbo et Garbini illustrent bien le travail de Karim Rashid, car il s’agit de sculptures colorées, fonctionnelles et élégantes, à la conception fluide. Elles sont également abordables, ce qui les rend largement accessibles.

Karim Rashid a travaillé dans de nombreux secteurs et disciplines, créant des œuvres d’art et des produits pour des marques de luxe telles que Veuve Clicquot et Alessi, de même que des produits « démocratiques » comme la corbeille Garbo et cette Chaise Q pour la compagnie canadienne Umbra. En 2019, Rashid a rencontré la conservatrice du Musée canadien de l’histoire Laura Sanchini et lui a expliqué comment son enfance avait influencé sa philosophie du désign.

Fauteuil, Musée canadien de l’histoire, 2018.308.64

Fauteuil, Musée canadien de l’histoire, 2018.308.64

Expériences artistiques formatrices

Après la naissance de Karim en Égypte, en 1960, la jeune famille Rashid a vécu à Rome, à Londres et à Paris, avant de déménager à Montréal, puis à Toronto. Karim a découvert son talent artistique lors d’un concours de dessin pendant une traversée transatlantique sur le paquebot Queen Elizabeth. Il s’est ensuite familiarisé avec l’architecture grâce au complexe Habitat 67 conçu par Moshe Safdie pour l’Expo 67.

Chaise Q, Musée canadien de l’histoire 2018.308.155

Chaise Q, Musée canadien de l’histoire 2018.308.155

Lorsque la famille s’est installée dans la région suburbaine de Mississauga, le père de Karim a transformé son bungalow construit en série en un incubateur d’inspiration artistique. Il a peint l’intérieur de la maison dans des couleurs vives et a même découpé un passage circulaire entre deux pièces. La table basse du salon débordait continuellement de livres d’art et de désign, exposant Karim à tout, de Picasso à Raymond Loewy. Le dimanche matin, les membres de la famille Rashid s’asseyaient autour de la table de la cuisine et se dessinaient, cultivant ainsi un talent qui est à la base de la pratique du désign de Karim Rashid.

La qualité plutôt que la quantité

L’appréciation de Karim Rashid du minimalisme et son intérêt à créer des produits de masse remontent également à son enfance. Même si la famille Rashid n’était pas riche, les objets de la maison étaient choisis avec soin et étaient jolis. Le réveil Braun, rond et minimaliste, posé sur la table de chevet de Karim, et une chaine stéréo futuriste dotée de hautparleurs globulaires lui ont fait apprécier les objets doux et lisses, agréables au toucher, qui ajoutent de la beauté aux aspects parfois banals de la vie quotidienne. Bien qu’il ait souvent utilisé le plastique pour atteindre ses objectifs esthétiques et fonctionnels, Karim s’est récemment tourné vers des matériaux recyclés et respectueux de l’environnement.

Chaise d'appoint

Chaise d’appoint, Musée canadien de l’histoire, 2018.308.52

Comme le raconte le balado Artéfactualité, l’idée du désign démocratique que représentaient le réveil et la chaine stéréo de son enfance a poussé Karim à faire produire ses créations par de grandes sociétés comme Gillette, La-Z-Boy et Coca-Cola. Au début des années 1990, avant l’avènement d’Internet, Karim passait des heures à la bibliothèque publique de New York, à chercher les numéros de téléphone des entreprises avec lesquelles il voulait travailler, puis à les solliciter au hasard. C’est grâce à cette tactique plutôt audacieuse qu’il a rencontré Paul Rowan et Les Mendelbaum d’Umbra.

Ils lui ont présenté un énoncé de projet pour une corbeille à papier.

Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

Le désign, c’est pour la vie de tous les jours

Dans un monde où le mot « design » peut avoir des connotations d’une culture élitiste, Karim est fier de créer des objets agréables et facilement accessibles. En fin de compte, il est convaincu que des produits bien conçus, abordables et fonctionnels peuvent rendre le monde meilleur.

« Je me souviens avoir été si fier, en passant devant Bed, Bath and Beyond, de voir la vitrine des corbeilles à papier. J’ai éprouvé un sentiment d’émerveillement et eu l’impression que j’avais finalement réussi à faire quelque chose. »

Fauteuil, Musée canadien de l’histoire, 2018.308.65

Fauteuil, Musée canadien de l’histoire, 2018.308.65

Parce qu’ils offrent un aperçu du quotidien, les objets fonctionnels fournissent également une perspective unique sur le passé. Ils montrent que, dans le Canada contemporain, le beau désign domestique est devenu plus abordable, et que les gens peuvent s’exprimer même à travers les objets les plus banals.

Cette innovation est visible à travers le temps dans l’œuvre de Karim, de l’Expo 67 au réveil Braun, en passant par la chaise Oh. Pour le musée du futur, l’histoire de Karim Rashid et ses créations nous rappellent que les objets que nous utilisons ont une histoire. Par leur utilisation quotidienne, des objets comme la corbeille Garbino et la chaise Oh sont devenus des éléments de la toile de fond de nos vies. En tant qu’œuvres d’art, elles permettent de faire entrer l’émerveillement et la beauté dans ces mêmes vies.

« Le désign, c’est pour la vie de tous les jours. Et le désign, ce sont ces objets qui nous entourent. Si vous devez y consacrer tout ce travail et toute cette ingénierie, sans parler du cout des outils et du personnel nécessaire – et deux ans pour les produire –, pourquoi ne pas les rendre plus poétiques, plus beaux? »

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Daniel Neill

Daniel Neill

Daniel Neill est chercheur dans le domaine des sports et des loisirs au Musée canadien de l’histoire. Il est également musicien et candidat au doctorat en ethnomusicologie à l’Université Memorial de Terre-Neuve.