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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

La science de la conservation : les dessous de l’exposition d’objets anciens

Publié

3 janv. 2025


Ce qu’on voit dans une exposition est souvent fabuleux, intrigant, instructif ou évocateur, mais ce qu’on ne voit pas peut être tout aussi fascinant. L’art de conserver et de protéger des objets fragiles est un élément essentiel, mais caché de la muséologie. Non mentionnée sur les panneaux de texte, cette dimension invisible est pourtant présente partout où vous regardez, cela grâce à une longue préparation. Il n’y a pas de magie ici, juste de la science.

Laissez-moi vous emmener dans les coulisses du monde de la conservation préventive, vu à travers les yeux d’un archéologue. Je suis le conservateur hôte de Premiers royaumes d’Europe, une exposition qui met en vedette des objets qui témoignent de 6 500 ans d’histoire. Cette première expérience dans une importante exposition m’a certainement permis d’apprécier les techniques de la conservation préventive mises en œuvre. Parce que présenter au public des objets vieux de milliers d’années comporte son lot de risques.

Le travail en conservation préventive commence bien avant l’arrivée d’une exposition dans un musée. Une fois la conception des vitrines confirmée, les matériaux qui seront utilisés dans l’exposition sont rigoureusement sélectionnés et testés.

Du type de bois utilisé pour les présentoirs aux couleurs des peintures et au tissu des coussins supportant les objets, tout doit être testé. On place ces matériaux dans des bocaux en verre avec des coupons de métal, qui sont des films minces de cuivre, d’argent et de plomb, avant de les chauffer dans un four de laboratoire. La chaleur accélère la libération de gaz, provoquant des réactions comme de la corrosion sur les coupons métalliques, simulant ce qui se passerait au fil du temps à l’intérieur d’une vitrine. Les matériaux qui échouent à ces tests et qui sont donc dommageables pour les objets et artéfacts sont écartés de l’utilisation dans l’exposition.

Rebecca Latourell (spécialiste en conservation préventive)

En parallèle, les spécialistes en conservation préventive examinent la liste des objets et artéfacts attendus, et s’assurent que les conditions de présentation, telles que l’intensité de la lumière, l’humidité relative et la température, sont toutes soigneusement planifiées.

Les objets et artéfacts sont généralement gardés dans l’obscurité, dans un environnement stable, avec une humidité et une température précises. Lorsqu’on les présente au public, on doit s’assurer que les conditions d’éclairage et d’environnement sont appropriées pour toute la durée de l’exposition. La plupart seront placés sur des supports adaptés et scellés dans des vitrines pour maintenir l’environnement exact dont ils ont besoin.

Emily Lin (restauratrice d’objets)

A person with a long ponytail stands in front of laboratory equipment, holding a small glass jar.

Rebecca Latourell montrant un bocal en verre et des coupons en métal utilisés pour le test.

Musée canadien de l’histoire

Three rectangular strips (copper, white, and dark grey) with irregular patches of discoloration.

L’oxydation est visible sur ces coupons en métal. Le matériau a échoué au test.

Musée canadien de l’histoire

Quand les objets et artéfacts arrivent enfin au Musée, c’est un évènement bien orchestré. La sécurité est renforcée près du quai de chargement et l’équipe des collections transporte avec précaution les caisses jusque dans les voutes. Après le déballage, les spécialistes effectuent un contrôle complet de l’état des objets pour détecter tout changement qui aurait pu se produire pendant le transport.

Un rapport d’état est créé sur la base d’une inspection visuelle des objets, en les comparant avec des photos de bonne qualité fournies plus tôt. Tout signe de dommage, comme de la corrosion, des fragments qui se seraient détachés ou des fissures, doit être noté. Dans certains cas, nous pourrions avoir à effectuer un traitement d’urgence pour stabiliser un objet et s’assurer qu’il est en état d’être exposé durant toute la durée de l’évènement.

Emily Lin

Les présentoirs esthétiques ne manquent pas de mettre en valeur le savoir-faire des gens qui les conçoivent, mais il y a plus que de la beauté visuelle en jeu. En effet, ces derniers sont pourvus de technologie mettant en valeur de nombreuses connaissances scientifiques. La surveillance quasi invisible est parfois trahie par la présence d’un enregistreur de données, caché dans le coin arrière d’une vitrine. Ce n’est cependant que la pointe de l’iceberg.

Selon la composition des objets et leurs besoins environnementaux spécifiques, nous pouvons ajouter du gel de silice pour réguler les niveaux d’humidité, du charbon actif ou un produit comme Purafil pour absorber les polluants dans l’air. Purafil est un produit absorbant irréversible qui change de couleur lorsqu’il est saturé d’humidité, tandis que le charbon actif est un absorbant réversible. Les thermohygromètres mécaniques et les enregistreurs de données numériques nous aident à surveiller les conditions à l’intérieur des vitrines. Certains instruments nous donnent simplement une lecture visuelle, tandis que d’autres enregistrent en continu des données que nous pouvons télécharger à l’aide d’une application Bluetooth.

Rebecca Latourell

L’exposition Premiers royaumes d’Europe est organisée selon l’histoire de la culture matérielle : l’âge du cuivre, l’âge du bronze, l’âge du fer, et ainsi de suite. Les vitrines contiennent donc (eh oui!) du cuivre, du bronze et du fer. Bien qu’ils soient généralement plus anciens, le cuivre et le bronze résistent mieux à l’épreuve du temps. Pour sa part, le fer, malgré la solidité et la polyvalence qui lui ont valu un rôle prédominant dans l’âge du fer, endure mal le passage du temps. Une épée en fer trouvée sur un site de l’âge du fer fera donc le bonheur des archéologues qui l’ont trouvée!

Ainsi, il n’est pas surprenant que de présenter de tels objets nécessite des précautions supplémentaires. Pour les protéger, les rares objets en fer sont présentés à basse lumière et à très faible humidité.

A glass display case containing an old metal helmet and a small white plastic device with two dial indicators.

Un thermohygromètre mécanique visible dans l’une des vitrines.

Musée canadien de l’histoire

Two people kneel in front of a display case with its sides removed, showing some equipment inside.

Emily Lin et Rebecca Latourell effectuant le conditionnement de l’une des vitrines.

Musée canadien de l’histoire

Un générateur de microclimat est utilisé pour maintenir un niveau d’humidité très bas à l’intérieur d’une vitrine, comme celles contenant des objets en fer dans cette exposition. Bien que les vitrines soient scellées, l’air à l’intérieur essaie toujours d’atteindre un équilibre avec l’air de l’extérieur. Cet appareil actif maintient ainsi le taux d’humidité relative en dessous de 25 pour cent. En le combinant avec du gel de silice, nous pouvons abaisser encore plus le taux d’humidité relative.

Emily Lin

Avec ce bref coup d’œil dans le monde de la conservation préventive, j’espère que vous pourrez maintenant avoir une meilleure compréhension du travail, de la science et de la technologie qui se cachent derrière les vitrines.

À une différente échelle, vous avez probablement déjà remarqué le niveau constant d’humidité et de température qui règne à l’intérieur du Musée, toujours le même à chaque visite. Comme pour les vitrines, l’ensemble du bâtiment doit être soigneusement conditionné. Je plaisante souvent en disant que c’est un avantage de travailler dans un musée : l’environnement pourrait bien me préserver et m’accorder une certaine longévité…

À l’affiche

Premiers royaumes d’Europe

Détails de l'exposition
Gold crown
Photo de Pierre Desrosiers

Pierre Desrosiers

Pierre Desrosiers s’est joint au Musée en 2019. Il a une longue expérience au service des communautés autochtones du Nord-du-Québec. Il est conservateur, Archéologie du Centre, et responsable des collections du Québec et de l’Ontario. Il s’intéresse aux modes de transmission intergénérationnels et interculturels des technologies, en particulier à l’ingéniosité des connaissances et des savoir-faire reconnaissables dans la culture matérielle. 

Lire la notice biographique complète de Pierre Desrosiers
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