Rappel des leçons tirées de boîtes de détergents à l’occasion du Jour de la Terre

Forrest Pass

Le 22 avril est le Jour de la Terre. Depuis 1970, cette journée dédiée aux enjeux environnementaux est célébrée chaque année pour sensibiliser et mobiliser la population. Les militants écologistes et les citoyens consciencieux souligneront ce jour, de même que certains publicitaires. La demande pour les biens de consommation écologiques a considérablement augmenté ces dernières années, et le « marketing vert » sert désormais à écouler à peu près n’importe quoi, des ampoules, aux automobiles… en passant par les détergents.

Le Musée canadien de l’histoire possède une petite collection d’anciennes boîtes de détergent à lessive qui témoigne de la naissance du marketing vert au Canada au début des années 1970. À cette époque, tout comme aujourd’hui, les préférences des consommateurs et la réglementation gouvernementale influaient sur la façon dont les fabricants annonçaient leurs produits. De même, ces boîtes font ressortir à quel point les conservateurs en poste il y a plusieurs années se sont montrés judicieux dans leurs choix pour nous permettre de présenter aujourd’hui une collection pertinente.

Dans les années de prospérité qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les machines à laver automatiques sont devenues courantes dans les foyers canadiens, tout comme les détergents synthétiques. Ces détergents étaient composés de produits chimiques qui rendaient l’eau plus savonneuse. Offrir un savon à la mousse la plus abondante était une façon de marquer la différence dans cette vive concurrence que se livraient les manufacturiers. Les fabricants de Chipso, par exemple, annonçaient fièrement que leurs « nouveaux cristaux condensés » produisaient « plus de mousse par tasse ».

Chipso a été le premier détergent à lessive spécialement conçu pour les machines à laver automatiques et les lave-vaisselle. Cette boîte datant probablement des années 1940 annonçait fièrement que de « nouveaux cristaux condensés » produisaient « plus de mousse par tasse ».

Chipso a été le premier détergent à lessive spécialement conçu pour les machines à laver automatiques et les lave-vaisselle. Cette boîte datant probablement des années 1940 annonçait fièrement que de « nouveaux cristaux condensés » produisaient « plus de mousse par tasse ».
Musée canadien de l’histoire, D-13436, IMG2015-0022-0074-Dm

Cependant, ces mêmes composés qui produisaient la mousse dans la machine à laver étaient aussi à l’origine d’une vilaine écume flottant à la surface des lacs et les rivières. De plus, les adjuvants de phosphate qui amélioraient l’efficacité du détergent par l’adoucissement de l’eau contribuaient à la prolifération d’algues toxiques. Ils menaçaient donc aussi les réserves en eau potable et la pêche commerciale. Les citoyens ont exigé des changements, et, malgré l’opposition des fabricants, le gouvernement fédéral a commencé, en 1970, à limiter la teneur en phosphate des détergents grâce à une réglementation. Le mouvement écologiste canadien, en plein essor et rompu aux pratiques médiatiques, a crié victoire.

Les fabricants de détergents ont vite su tourner à leur profit les restrictions imposées à la teneur en phosphate en en faisant une opération de marketing. La responsabilité environnementale était désormais revendiquée comme principal argument de vente, alors que, à peine dix ans plus tôt, la surenchère de la quantité de mousse annoncée sur les boîtes battait son plein. Une boîte de détergent Crown exhortait même les consommateurs à « cesser de polluer » en optant pour la formule « sans phosphate ».

Après la décision du gouvernement fédéral, en 1970, de limiter la teneur en phosphate des détergents, les fabricants ont commencé à faire de la responsabilité environnementale un argument de vente clé. Cette boîte de détergent Crown du début des années 1970 exhortait les consommateurs à cesser de polluer en optant pour la formule « sans phosphate ».  Musée canadien de l’histoire, T-1319, IMG2015-0022-0098-Dm

Après la décision du gouvernement fédéral, en 1970, de limiter la teneur en phosphate des détergents, les fabricants ont commencé à faire de la responsabilité environnementale un argument de vente clé. Cette boîte de détergent Crown du début des années 1970 exhortait les consommateurs à cesser de polluer en optant pour la formule « sans phosphate ».
Musée canadien de l’histoire, T-1319, IMG2015-0022-0098-Dm

Le détergent Maple Leaf faisait la même promesse, exploitant des images aujourd’hui courantes en écomarketing. Non seulement son savon en paillettes était-il sans phosphate, mais aussi il assurait un nettoyage « tout en douceur », que symbolisait l’image d’une jeune mère et de son enfant sur la boîte. Attirant l’attention sur les vertus écologiques du produit, le contenant montrait aussi un lac immaculé, dénué d’écume répugnante et d’algues toxiques qu’avait causées la génération précédente de detergents.

Les fabricants du détergent Maple Leaf employaient aussi des techniques aujourd’hui courantes en écomarketing. Cette boîte de détergent du début des années 1970 faisait la promotion de savon en paillettes sans phosphate et promettait un nettoyage « tout en douceur », que symbolisait l’image d’une jeune mère et de son enfant devant un lac immaculé.  Musée canadien de l’histoire, T-1307, IMG2015-0022-0096-Dm

Les fabricants du détergent Maple Leaf employaient aussi des techniques aujourd’hui courantes en écomarketing. Cette boîte de détergent du début des années 1970 faisait la promotion de savon en paillettes sans phosphate et promettait un nettoyage « tout en douceur », que symbolisait l’image d’une jeune mère et de son enfant devant un lac immaculé.
Musée canadien de l’histoire, T-1307, IMG2015-0022-0096-Dm

Les stratégies publicitaires évoluent au rythme des valeurs des consommateurs. Ce n’est là que l’un des nombreux récits que relate la vaste collection d’emballages commerciaux du Musée. Ces boîtes nous en disent aussi beaucoup sur la collecte d’artefacts historiques contemporains. La boîte Chipso provient de la collection privée de David Chavel, professeur à l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario, qui s’intéresse à la conception des emballages. Nous avons acquis les boîtes Crown et Maple Leaf grâce à un projet novateur d’enrichissement de nos collections intitulé Histoire future. Entrepris entre 1971 et 1976, ce projet visait à recueillir des spécimens de biens de consommation alors offerts sur le marché en prévision de l’importance historique qu’ils revêtiraient un jour.

Est-il possible que les conservateurs responsables du projet Histoire future  aient prévu que l’écomarketing prendrait une telle expansion quarante ans après l’acquisition de ces boîtes?