Retour à l’école

Le 25 février 2010

Que savons-nous de l’histoire des Noirs venus s’installer au Canada? En général, bien peu de choses. Par le biais d’une petite école de rang, le Musée canadien des civilisations s’est donc lancé dans la belle aventure de mettre au jour un pan du passé de cette communauté. Bienvenue à Amber Valley.

De l’Oklahoma à l’Alberta

Pour point de départ, une seule photo : une petite maison jaune pâle au milieu d’un champ. C’est l’école Toles. Les écoles de rang étaient légion, au début du XXe siècle, mais celle-ci nous raconte une histoire bien particulière : celle du courage et de la réussite des pionniers noirs.

Entre 1908 et 1911, de nombreux descendants d’esclaves fuient la ségrégation raciale qui sévit en Oklahoma. Les Prairies canadiennes sont une destination privilégiée : les homesteads de la région d’Athabasca offrent des terres peu fertiles…mais très peu chères. Ils sont donc près d’un millier à reconstruire leur vie à Pine Creek, rebaptisée plus tard Amber Valley. Collectivité dispersée dans l’immensité des Prairies, elle n’en est pas moins soudée et désireuse d’offrir à ses enfants un meilleur avenir, elle se dote rapidement d’une école – école Toles. Les élèves qui la fréquentent sont très majoritairement noirs, mais quelques blancs décorent les rangs; la cohabitation à Amber Valley est plutôt harmonieuse.

Nommée en l’honneur de Nimrod Toles, l’un des premiers colons noirs à s’être établi dans la région d’Athabasca, l’école Toles est érigée en 1913. D’abord petit édifice de rondins, elle est reconstruite en 1932, telle que nous la connaîtrons bientôt. Elle sera fréquentée jusqu’à la fin des années 1950, époque où les autobus scolaires sonnent le glas des écoles de rang, et sera rasée, il y a une vingtaine d’années, pour faire place à une autoroute…

D’Amber Valley à Gatineau

L’idée d’intégrer l’école Toles à la salle du Canada du Musée canadien des civilisations, en plus d’illustrer la vie des petites collectivités des Prairies dans les années 1940, permettra de mieux faire connaître l’histoire des Noirs au Canada. L’école n’existant plus, il s’agit donc de la reconstruire le plus fidèlement possible. Mais quand il ne reste que quelques photos, le défi est de taille.

Rhonda Hinter (Ph. D.), conservatrice de l’Histoire de l’Ouest au Musée s’est donc lancée dans l’aventure dès 2006. Ses recherches archivistiques ont étoffé ses connaissances, mais c’est l’histoire orale qui lui permettra de reconstituer l’école. Au fil des dernières années, elle s’est promenée un peu partout au Canada pour rencontrer une quinzaine d’anciens élèves de l’école Toles. Du nombre de crochets qui accueillaient les manteaux à l’emplacement du poêle, en passant par la photo de Booker T. Washington, célèbre activiste noir, aucun détail n’a été négligé. Les sites de vente en ligne ont aussi été mis à profit pour retrouver pupitres d’époque et autres artéfacts qui donneront vie au bâtiment.

Dans la salle du Canada, l’école Toles côtoiera une charmante église ukrainienne et proposera des extraits audio choisis parmi les nombreuses heures d’entrevues faites avec les anciens élèves. C’est ainsi que le Musée prévoit, dès l’été prochain, ouvrir à ses visiteurs une toute nouvelle fenêtre sur l’Histoire.