Les vêtements d’extérieur chauds sont essentiels durant l’hiver canadien. Mais beaucoup d’entre nous tiennent pour acquises les choses sur lesquelles nous comptons afin de rester au chaud et au sec. Les tuques, les mitaines, les foulards, les bottes, les caleçons-combinaisons et les vestes se fondent, invisibles, dans les autres faits courants de la vie quotidienne.
Mais penser historiquement à nos vêtements d’hiver, et dans ce cas-ci, aux parkas d’hiver, peut aussi nous inciter à regarder le quotidien d’une manière nouvelle et parfois surprenante.
Parka olympique de Jim Hunter, de 1972
Ce parka d’hiver faisait partie de l’uniforme d’Équipe Canada aux Jeux olympiques d’hiver de Sapporo, au Japon, en 1972. Il appartenait à Jim Hunter, un skieur alpin, qui l’a porté lors des cérémonies d’ouverture.
Jim Hunter a été membre de l’équipe canadienne de ski masculin entre 1970 et 1977. Au cours de sa carrière, il s’est couramment classé dans les dix meilleurs. En 1972, il a remporté la médaille de bronze à la Coupe du monde de ski alpin organisée par la Fédération internationale de ski (FIS), devenant ainsi le premier Canadien à réaliser cet exploit. Son style audacieux sur les pentes lui a valu le surnom de « Jungle Jim », et il a été l’un des premiers membres des « Crazy Canucks ».
Vous pouvez regarder le documentaire de 1976 de l’Office national du film sur la quête de Jim Hunter pour devenir le meilleur skieur du monde ici.

Parka olympique de Jim Hunter, de 1972.
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On en sait toutefois moins sur les personnes qui ont fabriqué l’emblématique parka olympique qu’il portait. L’artiste spécialiste inuk Germaine Arnaktauyok a participé à leur conception. Douze couturières d’Iqaluit, dont les noms n’ont pas encore été confirmés, se sont réunies au Centre des arts et métiers de Frobisher Bay et ont fabriqué 96 parkas pour Équipe Canada. Ces vêtements sont le produit d’une longue tradition culturelle, et ils sont fabriqués ainsi par des personnes chevronnées qui pratiquent l’artisanat traditionnel.
Chaque parka a été entièrement fabriqué à la main à partir de laine rouge, puis décoré de motifs inuit bleus. Les capuchons étaient garnis de fourrure de loup blanche, tandis que les boutons étaient faits de bois de caribou.
Une technologie autochtone de tous les jours : le parka
Comme l’explique l’historienne Christina Williamson, les parkas constituent une forme de technologie autochtone ancienne et variée. Des modèles distincts existaient pour les hommes, les femmes et les enfants, et ce, à différentes époques et dans différentes régions de l’Arctique. Traditionnellement, les parkas étaient légers et faits de peaux de caribou ou de phoque. Mais ils pouvaient aussi avoir de la fourrure, des perles, des capuchons à pointe, des poches et des queues. Des motifs complexes, des systèmes de mesure et des façons particulières de coudre étaient transmis à l’oral, souvent des femmes plus âgées aux plus jeunes.
Les parkas se sont développés à partir d’une connaissance approfondie de la région arctique. Ils révèlent la nature entrelacée des gens, des animaux et de la terre. À l’origine, ces manteaux étaient essentiels à la survie ainsi qu’à des activités comme la chasse et la pêche. Ils empêchaient le froid de s’infiltrer et se décomposaient naturellement sans générer de déchets. Les parkas circulaient également en tant que cadeaux et marchandises. Leurs magnifiques conceptions reflétaient la vie et les perspectives des personnes qui les avaient créés.

Les parkas de 1972 présentent des éléments de conception traditionnelle.
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Au fil du temps et des contacts croissants avec les cultures coloniales du Sud, les couturières inuit ont commencé à adapter les techniques traditionnelles, ainsi qu’à maitriser l’usage de nouveaux matériaux. Les fermetures à glissière, les fils synthétiques, les nouveaux tissus et la confection européenne ne sont que quelques exemples de la nature en constante évolution de cette technologie ancienne. Grâce à une adaptation continue, les parkas restent un symbole durable de la fierté, de l’identité, des compétences ainsi que de l’ingéniosité des Inuit.
Vêtements d’extérieur et clubs de sports d’hiver au Canada
Les vêtements d’extérieur autochtones ont joué un rôle fondamental dans le développement d’une scène dynamique de sports d’hiver au Canada, du milieu à la fin du 19e siècle. Les sports d’hiver ont aidé les gens qui sont venus s’installer au pays à s’adapter à un climat inhospitalier empreint de neige et de glace. Les sports d’hiver favorisaient aussi un sentiment émergent d’identité et de nationalité canadiennes.

Cette carte postale de 1881 montre l’importance de l’équipement d’hiver ainsi que des activités extérieures à l’époque des premiers clubs de sports d’hiver.
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Montréal était une plaque tournante des sports d’hiver. Le Montreal Snow Shoe Club (MSSC) a été fondé en 1840 et était le premier en son genre en Amérique du Nord. Peu de temps après, des organisations de patinage, de luge, de ski, de curling et d’autres passetemps hivernaux ont émergé. À partir des années 1880, des endroits comme Halifax, Québec, Ottawa, Toronto, Kingston et Winnipeg avaient des calendriers bien remplis d’activités de sports d’hiver.
Ces premiers clubs de sports d’hiver s’adressaient aux hommes aisés et reflétaient les valeurs hiérarchiques associées à la race, à la classe et au sexe de l’époque. L’historienne Beverly Lemire fait remarquer que bien que les technologies autochtones comme les manteaux d’hiver, les toboggans et les raquettes étaient essentielles à ces nouvelles organisations sportives, les peuples autochtones eux-mêmes étaient largement exclus.
L’exclusion historique des groupes autochtones des organisations de sports d’hiver traditionnels a laissé un héritage durable. Les Jeux olympiques de 1972 représentent toutefois un point tournant important à cet égard. Non seulement Équipe Canada portait des parkas fabriqués par des Inuit, mais elle comptait également des athlètes autochtones. Les sœurs jumelles et skieuses de fond Sharon Anne et Shirley Firth, membres de la Première Nation Gwich’in, sont ainsi devenues les premières femmes autochtones à représenter le Canada à des Jeux olympiques d’hiver. Regardez Sharon Anne Firth décrire la fierté et l’excitation qu’elle a ressenties en tant qu’olympienne, dans le cadre du projet Le Canada en mouvement.

Sharon Firth en 2019, en entrevue pour Le Canada en mouvement, un projet d’histoire orale du Musée canadien de l’histoire.
Musée canadien de l’histoire
Parka olympique de 1984 de Roger Jackson
L’équipe olympique canadienne a de nouveau porté des parkas rouges pour les cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques de Sarajevo, en 1984. Le Musée a dans sa collection le parka de Roger Jackson de ces Jeux.
Jackson a participé à trois Jeux olympiques d’été et a eu une brillante carrière universitaire et administrative. Il a été doyen de la Faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary, président de l’Association olympique canadienne, directeur de Sport Canada et chef de la direction d’À nous le podium.

Parka olympique de 1984 de Roger Jackson
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À première vue, le parka olympique de 1984 ressemble beaucoup au parka olympique de 1972. Mais un examen plus approfondi révèle toutefois des différences importantes. La version de 1984 a notamment été produite par Sears Canada. Les parkas de 1984 sont dotés de coutures mécaniques, de franges en fourrure synthétique et de fermetures éclair en métal. Ils sont ainsi plus industriels dans leur conception et leur production, et ne sont plus entièrement biodégradables.
On ne sait toutefois pas exactement qui a conçu et fabriqué les parkas de 1984. Il était courant que des couturières inuit soient embauchées à la pièce par de grandes entreprises du Sud comme Sears ou Eaton, mais on ne sait pas si certaines de ces personnes travaillaient sur ces parkas. C’est l’une des questions auxquelles j’espère répondre dans le cadre de mon travail continu portant sur ces objets. Peu importe qui les a fabriqués, ces parkas sont notablement différents en termes de matériaux et d’approvisionnement par rapport aux tenues que les athlètes d’Équipe Canada portaient 12 ans plus tôt.
À la recherche de l’histoire dans les « choses » de tous les jours
La plupart d’entre nous n’ont pas de parka olympique accroché dans notre garde-robe.
Mais il y a de fortes chances qu’on y trouve un manteau d’hiver bien chaud. Ce vêtement revêt aussi une histoire. Sa conception, ses matériaux, ses utilisations, les gens qui l’ont porté et ceux qui l’ont fabriqué font également tous partie de l’histoire. En recherchant de multiples histoires dans des objets du quotidien, nous élargissons ce qui entre dans l’histoire du sport, ainsi que les personnes et les choses qui y ont contribué.

Sarah Barnes
Sarah Barnes a rejoint le Musée en 2023 en tant que conservatrice des sports et des loisirs. Elle a été professeure adjointe d’études expérientielles en communauté et sports à l’Université du Cap-Breton. Elle est titulaire d’une maitrise et d’un doctorat de l’école de kinésiologie et d’études de la santé de l’Université Queen’s.
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