Aller directement au contenu principal
Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

La COVID-19 et l’histoire publique

Auteurs

Publié

10 mars 2025


L’arrivée de la pandémie de COVID-19 a été un choc collectif pour la société. Ses répercussions médicales incluaient l’hospitalisation, le décès et l’invalidité durable. Mais la pandémie a également entrainé des bouleversements émotionnels, économiques et politiques. Le Musée a travaillé tout au long de la pandémie pour recueillir des objets et des histoires. Notre objectif est de préserver l’histoire de cette période de crise dont les répercussions continuent à se faire sentir.

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que la COVID-19 était une pandémie. Elle avait été déclarée une « urgence de santé publique de portée internationale » près de deux mois auparavant. Mais dès le début du mois de mars, il est devenu clair que cette nouvelle maladie virale était devenue une menace sérieuse et mondiale.

La déclaration d’urgence sanitaire a pris fin le 5 mai 2023. Le directeur général de l’OMS a cependant déclaré que cela « ne signifie pas que la COVID-19 n’est plus une menace pour la santé mondiale. » À la fin septembre 2024, lorsque le gouvernement fédéral a mis fin à son programme de surveillance de la pandémie, 60 871 personnes étaient décédées de la COVID-19 au Canada.

Choc culturel de la pandémie

Au début de la pandémie, les taux d’infection ont augmenté rapidement. Les traitements de la maladie étaient expérimentaux. L’hospitalisation soudaine de milliers de personnes a inondé les systèmes de soins de santé. Pendant des mois, nous n’avions ni tests, ni traitements et ni de vaccins efficaces. La réponse de la santé publique s’est appuyée sur la distanciation sociale pour empêcher la propagation de la maladie.

Le début de la pandémie a été une période d’incertitude et de peur. Les conséquences sociales, économiques et personnelles des fermetures pour sauver des vies ont été importantes, voire déstabilisantes.

Recueillir les traces de la pandémie

Le travail de recherche et de collecte dans les Musées est souvent un mélange de travail soigneusement planifié et de travail spontané. Le Musée était déjà en train de renforcer sa capacité à réagir rapidement, le cas échéant. Notre objectif est notamment de recueillir des documents sur les moments importants de la vie sociale, politique et culturelle du Canada. Nous devons être aptes à agir lorsque des évènements d’une importance évidente se produisent.

Notre équipe de recherche a rapidement compris qu’il s’agissait d’un moment à documenter. Nous savions que nous manquions de matériel sur la pandémie de grippe de 1918, qui avait également été un bouleversement mortel d’importance mondiale. Il s’agissait d’un appel concret à l’action. Le défi : comment recueillir et présenter des récits reflétant la profondeur et la diversité des expériences de la pandémie au Canada?

Notre plan de collecte lié à la pandémie comptait trois objectifs. Nous voulions documenter, entre autres :

  • les réactions aux politiques publiques;
  • comment les gens ont vécu le virus et les restrictions sociales;
  • les réponses culturelles et artistiques à la pandémie.
alt="Un masque en tissu noir portant le texte suivant, en anglais : « La sécurité d’abord. 1 888 GoUnion. GoUnion.ca. UFCW Local 401. »"

Exemple de masque en tissu distribué par l’UFCW Local 401 dans l’usine de transformation de viande de Cargill, à High River, en Alberta.

Musée canadien de l’histoire, 2021.53.1

Effectuer la collecte pendant la pandémie a posé des défis particuliers. Il était nécessaire, par exemple, de prendre en compte la santé et la sécurité de notre personnel et du public. Il fallait donc prendre des mesures de protection liées au virus, bien entendu. Nous avons également dû prendre en compte les risques physiques et émotionnels liés à cet engagement dans un conflit social polarisé.

Il était évident que les dépliants contre la vaccination et d’autres documents de protestation étaient importants pour raconter l’histoire de cette époque. Mais les protestations concernant les masques et les vaccins ont parfois donné lieu à des actes de vandalisme, de harcèlement et d’agression. Notre personnel a recueilli du matériel contestataire avec beaucoup de prudence et, comme tout le monde, a travaillé en ligne plus que d’habitude.

Alors que la pandémie progressait, des expressions telles que « tout le monde est dans le même bateau » ont cédé la place à l’idée que nous faisions face à la même tempête, mais dans des bateaux très différents. Nous avons essayé de rassembler des éléments reflétant la diversité des expériences vécues au Canada. Cela inclut les communautés de personnes autochtones, noires et de couleur qui ont souffert de la pandémie de manière disproportionnée.

La pandémie de COVID-19 a aussi confirmé l’importance de politiques et de pratiques coordonnées pour la collecte rapide. En fin de compte, nous nous préparons à raconter l’histoire complexe de la pandémie à des publics qui pourraient ou non l’avoir vécue ou qui ne s’en souviendront pas.

La santé publique en tant qu’histoire

La maladie de COVID-19 est causée par un nouveau coronavirus, le SRAS-CoV-2. Cette maladie étant nouvelle (du moins chez l’humain), les équipes de recherche médicale du monde entier en avaient beaucoup à apprendre. Elles ont agi le plus rapidement possible. Le monde entier suivait attentivement tous les rebondissements scientifiques dans la course aux traitements et aux vaccins. Le vocabulaire technique de l’épidémiologie, y compris « zoonose », « R0 » et « matières contaminées », est soudainement passé dans le langage courant.

La science a commencé à déchiffrer le code pour détecter et traiter le virus. Les différentes formes de test pour déceler la COVID-19 sont rapidement devenues familières. Les tests rapides ont été la première avancée dans la gestion de la menace que représentait la COVID-19. Nous pouvions enfin nous éloigner des confinements généraux pour gérer le risque en fonction de l’exposition. Le Musée a recueilli un test rapide représentatif pour aider à préserver et à raconter l’histoire de ce tournant de la pandémie.

Une petite boite en carton portant l’inscription « Rapid response COVID-19 Antigen Rapid Test Device » à côté de son contenu : un morceau de plastique plat et rectangulaire avec huit trous ronds, une petite unité de test rectangulaire, deux articles emballés dans du papier d’aluminium et une petite carte d’instructions.

Les trousses de test rapide ont joué un rôle essentiel dans la lutte contre la COVID-19.

Musée canadien de l’histoire, IMG2023-0033-0010-Dm

Fonctionnaires et scientifiques

Face au risque, à l’incertitude et à la peur généralisés, des responsables de la santé publique, normalement des figures inconnues et peu médiatisées, ont vu leur visage devenir publiquement reconnaissable. Les gens se sont habitués à recevoir régulièrement des mises à jour sur les dernières recherches de la part de fonctionnaires comme la Dre Theresa Tam, l’administratrice en cheffe de la santé publique du Canada.

La Dre Bonnie Henry, responsable provinciale de la santé en Colombie-Britannique, a été l’une de ces célébrités soudaines. Elle a souvent été félicitée pour son attitude calme et réconfortante. Mais elle se distinguait aussi par son sens de la mode. On la voyait souvent porter d’élégantes chaussures Fluevog.

Au printemps 2020, le désigneur John Fluevog a sorti un modèle « Dr. Henry » en édition limitée pour lui rendre hommage. Le Musée a obtenu une paire de ces chaussures pour sa collection. Elles contribueront à raconter l’histoire des fonctionnaires qui ont joué un rôle essentiel pour expliquer le monde en constante évolution de la recherche sur les coronavirus.

Une paire d’escarpins brun et rose avec une fermeture à boucle et des talons hauts.

Modèle « Dr. Henry » de John Fluevog.

Musée canadien de l’histoire, IMG2023-0033-0010-Dm

Réponses de la communauté

Pendant les périodes de confinement des services de santé publique, des panneaux artisanaux ont été installés un peu partout. Nombre d’entre eux remerciaient le personnel essentiel ou tentaient de maintenir le moral dans la communauté. Mais les conditions créées par le coronavirus ont différemment affecté différentes communautés. Tout le monde a vécu la même pandémie, mais tout le monde ne l’a pas vécue de la même manière.

Le Musée a recueilli une série de panneaux et d’affiches provenant de différentes communautés. Ceux-ci reflètent des points de vue variés sur la crise en cours.

Richard McIlroy, Mischa McIlroy et Tanya Krupilnicki derrière leur pancarte d’encouragement, le 18 aout 2021.

Musée canadien de l’histoire, 2021.93

Sécurité alimentaire

Les questions liées à l’alimentation se sont rapidement répandues au cours des premiers mois de la pandémie. Les pénuries de produits de base tels que le riz et la farine étaient fréquentes. Partout, les gens semblaient obsédés par la boulangerie. En tant que gestionnaire de la recherche, Laura Sanchini a écrit : « La fabrication du pain représentait aussi une chose que nous pouvions contrôler, aussi minime soit-elle. Même aux prises avec un sentiment d’impuissance face au reste du monde, nous pouvions contrôler notre levain. »

The Official Quarantine Cookbook (Livre de cuisine officiel de la quarantaine)

Fermetures

Malgré des mesures d’aide gouvernementale d’urgence, de nombreuses entreprises ont été contraintes de fermer au cours de la pandémie. Les organisations à but non lucratif, dont Rencontres du Canada, en ont également fait les frais. Il s’agissait d’un programme pour les jeunes sur l’histoire et la citoyenneté organisé par Historica Canada. Nous avons recueilli des documents sur ce programme qui racontent son histoire et sa disparition.

Large, diverse crowd of teenagers and young adults pose for a group photo on a large staircase.

Jeunes participant à la séance finale de Rencontres du Canada, en mars 2020.

Historica Canada

Résistance et contremanifestations

La résistance aux règlementations en matière de santé publique s’est manifestée très tôt. Elle a souvent pris la forme de manifestations contre la fermeture d’entreprises et l’obligation de se faire vacciner. En 2023, une grande manifestation d’échelle nationale, appelée le « Convoi de la liberté », s’est abattue sur le centre-ville d’Ottawa et a donné lieu à des semaines d’affrontements et de chaos.

L’équipe de recherche du Musée a rassemblé de nombreux objets liés aux manifestations, notamment des affiches et des dépliants. Nous avons également recueilli des documents relatifs à des contremanifestations citoyennes, notamment une fausse plaque créée pour commémorer la « bataille du pont de Billings ». Il s’agissait d’un affrontement au cours duquel une foule locale a bloqué les véhicules du convoi qui se dirigeaient vers le centre-ville.

Affiches de fenêtre confectionnées par la famille de Robert Talbot.

Musée canadien de l’histoire, 2022.39.

Droits et libertés

La réponse des pouvoirs publics à la pandémie a soulevé des questions graves et complexes sur les droits et les responsabilités. Il y a eu des désaccords sur l’équilibre entre la liberté individuelle et les soins collectifs. D’un point de vue historique, tous ces éléments sont très familiers. Ces questions ont été des sources de conflit lors de précédentes urgences en matière de santé publique. Les obligations de se faire vacciner et les débats qui les ont accompagnées n’ont rien de nouveau, que ce soit au Canada ou dans le reste du monde.

Affiche antivaccin, 1885

Michael Bliss, Plague: How Smallpox Devastated Montreal (Toronto: HarperCollins, 1991)

Documenter le présent

Les musées d’histoire sont depuis longtemps considérés comme des sources de connaissances et d’autorité sur le passé. Depuis de nombreuses années, les musées comme le nôtre s’efforcent d’élargir les types d’histoires qu’ils présentent. Nous avons pris un engagement actif pour la collecte et la préservation d’éléments liés aux évènements et à la culture qui se déroulent autour de nous, à notre époque, en particulier dans les moments de crise difficiles.

La pandémie de COVID-19 a été, à bien des égards, un moment inédit et transformateur pour le monde et la population canadienne. Cependant, elle a également mis en lumière des courants sociaux, économiques et politiques de longue date dans ce pays. Il était important pour le Musée de documenter certaines de ces expériences et d’en faire part.

Notre pratique de la collection contemporaine contribue à faire en sorte que les générations futures puissent se souvenir de l’époque dans laquelle nous vivons, la raconter à nouveau et la comprendre. La vie que nous menons aujourd’hui inspirera l’histoire de demain.

A very light-skinned adult man with short, greying hair and glasses.

Steve McCullough

Steve McCullough, Ph. D., est le stratège de contenu numérique pour le Musée canadien de l’histoire et le Musée canadien de la guerre. Son travail dans le domaine de la création de récits numériques repose sur la compassion et des actions fondées sur des preuves pour parler de l’histoire, de la notion de sens et de l’identité dans un environnement en ligne fragmenté et polarisé, mais aussi dynamique et étroitement lié.

Photo de James Trepanier

James Trepanier

James Trepanier est entré au service du Musée en 2013 et a été membre de l’équipe responsable de la salle de l’Histoire canadienne, qui a ouvert ses portes en 2017. Il a dirigé la création de contenus liés à la diversité et aux droits de la personne, à l’histoire sociale et politique du 20e siècle, à l’histoire et à l’héritage des pensionnats pour Autochtones, ainsi qu’à la croissance et à la réforme sociale du début du 20e siècle.

Lire la notice biographique complète de James Trepanier
Share