Le territoire
Le sud-ouest de la plaine d'Anderson
(en détail)
(première partie)
par
Jean-Luc Pilon
Archéologue du PIPGN
Musée canadien des civilisations

Aire de recherche

Pour les fins de cette discussion, la vallée du Mackenzie est définie comme la portion du fleuve Mackenzie qui est située au sud de Norman Wells et les territoires adjacents. Elle comprend une grande partie du delta du Mackenzie, quoique l'extrémité nord du delta appartienne de façon plus appropriée à la région de la mer de Beaufort. On ne pouvait pas couvrir toute la région; on a plutôt choisi de se concentrer sur les hautes terres où prennent leur source plusieurs cours d'eau qui drainent la portion sud-ouest de la plaine d'Anderson qui, elle, est située à l'est du delta du Mackenzie. Dorénavant, on appellera cette région le sud-ouest de la plaine d'Anderson, suivant Bostock (1964:19). Néanmoins, on a aussi effectué des reconnaissances dans les hautes terres de la plaine de Peel au sud et dans la région d'Inuvik à l'ouest.

La physiographie

Le sud-ouest de la plaine d'Anderson comprend trois secteurs physiographiques (Ritchie 1984) dont le premier, les hautes terres du lac Hyndman (la région VIII des collines du lac Hyndman désignée par Mackay 1974:146) englobe des grands lacs qui sont les lacs de tête de la rivière Kugaluk, la rivière Travaillant, un ruisseau innommé affluent de la rivière des Iroquois et la rivière Rengleng. Ce secteur est caractérisée par un terrain vallonné dont les élévations atteignent plus de 500 m de hauteur et par des canaux bien définis formés par les eaux de fonte des glaciers. La plaine Inuvik/rivière Anderson constitue le deuxième secteur et est située au nord et à l'ouest des hautes terres du lac Hyndman. Elle est marquée par des formations glacio-fluviales plus basses. Le dernier grand secteur physiographique, situé le long du fleuve Mackenzie, est formé d'une basse plaine, partie des basses terres de la plaine de Peel.

L'évolution du paysage

Les glaciers à la fin du Pléistocène recouvrait presque tout le sud-ouest de la plaine d'Anderson (Prest 1970: 741-42, Fig. XII-15). La phase Tutsieta, la dernière avance glaciaire, remonte à il y a 13,000 ans au maximum. Elle n'a pas été aussi étendue que le maximum glaciaire qui "est survenu entre 18 et 30 KaBP ou 70 et 110 KaBP" (Rampton 1987:23). Quelle que soit la date du maximum glaciaire, il demeure que le paysage d'une grande partie du lac à la Truite, du lac Tenlen, du lac au Goéland et de la rivière Kugaluk s'est formé bien avant celui des autres régions situées plus au sud. De même, une grande partie du lac Jiggle, le lac Deep, la portion orientale du lac Bathing et tout le lac Sandy n'ont pas été recouverts de glace durant cette dernière avance glaciaire. Par contre, ces régions libres de glace sont devenues des lac glaciaires reliés entre eux et qui coulaient dans le bassin de la rivière Kugaluk. Ces lacs ont formé des terrasses bien définies dans les hauteurs. Les terrasses plus basses, habituellement quelques mètres au-dessus du niveau actuel des lacs, peuvent découler de l'irrégularité du drainage de ces lacs et du rebondissement isostatique.

La déglaciation est survenue très rapidement dans la partie nord-ouest de la calotte glaciaire laurentidienne. Beget (1987) a suggéré que la glace a pu avoir été relativement mince dans cette région de telle sorte qu'elle fondait de la surface vers le bas au lieu de fondre du bord vers le centre. La glace aurait donc disparu assez rapidement dans une grande région. De toute façon, la déglaciation a eu lieu entre environ 11,000 et 9,000 ans passés (Hughes 1969:7-10). Le paysage de la région a ainsi revêtu la physionomie qu'on lui connaît aujourd'hui vers au moins 9,000 B.P.

Les études palynologiques effectuées dans le nord des lacs Esquimaux et dans le nord-est du delta du Mackenzie indiquent que l'implantation de la végétation a suivi un processus assez rapide (Mackay and Terasmae 1963). Dans la région du lac Travaillant, le plus vieil échantillon de pollens est dominé par des bouleaux nains entre 10,500 et 9,000 B.P. (Ritchie 1984:99). La deuxième zone de pollens, s'échelonnant sur une période de 9,000 à 5,500 B.P., quoique encore dominée par le bouleau, voit l'addition de l'épinette, du peuplier et plus tard du genévrier. La distribution de la végétation moderne a commencé dans la région du lac Travaillant il y a environ 5,000 ans.