« [À la fin de l’hiver] les gens ont commencé à rentrer, à se rendre où ils avaient l’intention de passer le printemps. C’était un long trajet, mais amusant aussi, car on marchait sur une couche de neige dure, et parfois on tuait des orignaux et encore plus d’orignaux. Quand les gens sont arrivés enfin à l’endroit où ils allaient établir le camp du printemps, tout le monde a monté sa tente et a construit une grande plateforme où l’on a mis tout, y compris la viande séchée. C’était merveilleux, beaucoup de nourriture, la nourriture à laquelle nous étions habitués. Tous les hommes ont aidé en abattant des arbres et en fendant le bois avec une hache pour en faire du bois d’œuvre. Puis ils l’ont laissé sécher. Le bois servirait à construire un bateau. Les hommes sont partis à la chasse au castor. À leur retour, on a apprêté les peaux et fait cuire la viande de castor, et tout le monde a mangé. Quelques jours plus tard, le bois était sec, et les hommes ont commencé à construire le bateau. Les peaux d’orignal, dont on avait ôté les poils, étaient trempées dans l’eau près du rivage. Il fallait environ quatorze peaux d’orignal pour construire un bateau, douze pour certains. Ces bateaux mesuraient environ soixante pieds [18 m], peut-être plus. Ils pouvaient transporter huit ou dix familles et toutes leurs affaires, ainsi que leurs chiens. Les femmes ont cousu les peaux d’orignal ensemble. Puis, on les a tendues sur la charpente du bateau [et on les a fixées en les cousant]. On a mélangé de la poix d’épinette et de la graisse et on les a fait bouillir. Ce mélange fut appliqué sur les coutures à l’aide d’un pinceau pour rendre le bateau étanche. On a mis la viande séchée et toutes les autres choses dans des sacs. Tout était transporté dans des sacs. On a fabriqué des avirons – huit en tout, quatre de chaque côté. On a fabriqué aussi un grand aviron de gouverne pour la poupe. À la poupe, on a construit une petite plateforme à laquelle cet aviron serait attaché, où un homme dirigerait le bateau. Un côté de cette plateforme était plein de viande séchée, et on y a mis aussi tout ce qu’on mangerait en route.
Les hommes et les femmes ont mis le bateau à l’eau. Tout le monde était content quand on a mis le bateau à l’eau. On a mis les toboggans et les poêles dans le bateau, puis des sacs de viande séchée. Tout le reste a été mis sur ça, puis tout a été bien couvert. Ensuite, les chiens, les hommes, les femmes et les enfants – tous étaient dans le bateau. Parfois, il y avait deux ou trois bateaux…
Avant d’arriver au canyon [Peel], où le courant était très fort, là un homme qui s’occupait de l’avant du bateau était le patron, mais l’homme qui tenait l’aviron de gouverne était un patron plus grand. Les hommes qui ramaient n’avaient pas grand-chose à dire. Tout cela était planifié avant que les gens arrivent au canyon pour qu’il n’y ait pas d’excitation pendant la traversée du canyon. Juste avant le canyon, on a sorti tous les bateaux de l’eau. Les femmes, les enfants et les chiens ont débarqué pour faire un portage. Les femmes avaient leurs bébés sur le dos, et tous les chiens étaient libres… Après avoir gravi la grande colline, les femmes et les enfants sont arrivés au sommet, et les bateaux ont été poussés vers le courant. Quand les femmes et les enfants sont arrivés au milieu de l’autre côté de la colline, les bateaux étaient déjà sortis de l’eau. On entendait des coups de feu. Cela voulait dire que tout s’était bien passé. Les femmes et les enfants étaient tous contents quand ils sont arrivés à l’endroit où le bateau se trouvait. On a fait cuire de la bonne viande, et tout le monde a mangé, et tout le monde était heureux parce que tout s’était bien passé et que personne ne s’était blessé…
En moins d’une semaine, on était à environ soixante miles [97 km] en amont de Fort McPherson. On a sorti les bateaux en peau d’orignal de l’eau, et deux jeunes hommes ont été envoyés à l’établissement en canots d’écorce… Pendant leur absence, les bateaux ont continué lentement. Peu de temps après, les garçons sont revenus, on a sorti le bateau en peau de l’eau, et tous ont débarqué, même les chiens. On a fait un feu, et les garçons avaient rapporté du tabac, du thé, du sucre en cubes, de la farine et des munitions. Tout le monde a mangé de la viande cuite ou de la viande séchée avec de la graisse d’os et du bannock, et on a bu du thé. Et les fumeurs ont pris plaisir à fumer. On était à environ vingt miles [32 km] en amont de Fort McPherson. Tout le monde est retourné au bateau, et on s’est remis en route. Les hommes ont commencé à tirer des coups de feu qui signifiaient : “Nous sommes ici.” On a entendu à notre tour les coups de feu provenant de l’établissement qui signifiaient : “Bienvenue”. On a sorti les bateaux de l’eau et on les a attachés ensemble à Fort McPherson. Les gens sont venus nous accueillir, heureux de nous revoir. Nos amis étaient tous contents et nous ont aidés à transporter nos affaires jusqu’à l’endroit où nous avons monté nos tentes. Après avoir monté les tentes et s’être installés, on s’est assis avec nos amis, qui étaient si heureux de nous voir, et on était heureux de les voir. On leur a donné du thé tout de suite, ainsi que de la viande séchée avec de la graisse d’os, et, en retour, ils nous ont donné du bon poisson frais. »
— Christie Thompson, Aînée teetł’it gwich’ine, octobre 1974