Musée virtuel de la Nouvelle France

Les explorateurs

Louis Hennepin 1678-1680

La réputation du missionnaire et explorateur Louis Hennepin est la plus mauvaise qui soit. Compagnon et protégé de Robert Cavelier de La Salle, qui méprise les Jésuites et s’entoure de Récollets, Hennepin marche dans les traces de l’explorateur de 1676 à 1680. Il n’a guère été apprécié dans la colonie où il a vécu pendant quelques mois, au début et à la fin de son séjour, mais il a brossé de lui-même le portrait d’un missionnaire intrépide et courageux.

Exceptionnel promoteur des territoires de l’Amérique du Nord en Europe, il a menti en se décrivant comme l’égal de La Salle dans l’expédition de 1678 à la baie des Puants (Green Bay). Plus encore, après le décès de son chef, il a osé prétendre avoir découvert l’embouchure du fleuve Mississippi deux ans avant lui. En s’attribuant un mérite qu’on lui conteste encore, l’auteur de la première description des chutes de la rivière Niagara a jeté lui-même le discrédit sur sa contribution à l’exploration de l’Amérique du Nord.

Itinéraire

Hennepin 1678-1680
Hennepin 1678-1680

L’aumônier militaire

Louis Hennepin serait né le 12 mai 1626 à Ath, en Belgique, d’une famille qui, sans être fortunée, lui permet néanmoins d’entreprendre des études. Celles-ci s’achèvent vers 1643 par son entrée dans l’ordre des franciscains récollets. Des années d’apostolat en Italie, en Allemagne et en Hollande sont suivies d’un séjour sur la côte atlantique française où il quête pour son ordre. « Ma plus forte passion, écrit-il à propos de son passage à Calais, était d’entendre les Relations que les Capitaines de Vaisseaux faisaient de leurs longs voyages […] J’aurois passé des jours et des nuits entières sans manger dans cette occupation, parce que j’y apprenais toujours quelque chose de nouveau. »

Replongeant dans les « règles d’une vertu pure et sévère », il voyage en Hollande où il est surpris par la guerre franco-hollandaise qui débute en 1672. Aumônier auprès des soldats blessés et malades, il fait montre d’un véritable dévouement. Présent à la bataille du 11 août 1674 à Seneffe, en Belgique, il a pu croiser Daniel Greysolon Dulhut qui volera à son secours en juillet 1680.

Un rêve d’aventure

En 1675, les pays à découvrir sont à portée de main. En même temps que quatre confrères, Hennepin est désigné par ses supérieurs pour les missions de la Nouvelle-France. La traversée lui permet de faire la connaissance de monseigneur de Laval et de Robert Cavelier de La Salle, qui revient de Versailles avec des titres de noblesse et l’entière propriété du fort et de la seigneurie de Cataracoui créée pour lui. Hennepin débarque à Québec le 16 juin 1675.

On ignore à quel moment l’alliance du missionnaire et de l’explorateur La Salle est scellée, mais il semble déjà convenu que Hennepin sera de la prochaine expédition. En attendant l’aventure, il exerce son ministère dans les postes et les missions de la rive nord du fleuve, de Pointe-Claire (Montréal) à Cap-Tourmente (Beaupré).

Vers Niagara

Au début du printemps 1676, Hennepin est envoyé au fort Cataracoui, renommé Frontenac en hommage au gouverneur. Il y construit une chapelle ainsi qu’une résidence pour les missionnaires. Deux ans plus tard, le missionnaire est de retour à Québec. Il retrouve à cet endroit Cavelier de La Salle rentré de France en septembre 1678, avec l’autorisation de pousser ses découvertes jusqu’aux confins de la Floride et du Nouveau-Mexique. L’explorateur a également obtenu que Hennepin et deux de ses confrères puissent exercer leurs fonctions dans le sillage de ses découvertes.

Hennepin et une partie des hommes de La Salle quittent donc Québec le 18 novembre 1678. Rejoint par l’explorateur au fort Frontenac, le groupe se rend à la jonction des lac Érié et Ontario, marquée par l’exceptionnelle cataracte de la rivière Niagara. Arrivé là aux premiers jours de décembre 1678, le groupe entreprend bientôt la construction du fort Conti et d’un brigantin, Le Griffon. La Salle a réservé à Hennepin l’honneur de  » mettre la première cheville au vaisseau « .

Sur les Grands Lacs

Le premier navire à avoir jamais navigué sur les lacs Érié, Huron et Michigan lève les voiles le 7 août 1679. Après une escale à Sault-Sainte-Marie, à la jonction des lacs Huron et Supérieur, le brigantin est dirigé vers Michillimakinac et le lac Michigan. À la fin de l’automne, il stationne dans la baie des Puants (Green Bay) avant d’être renvoyé vers Niagara : « contre notre sentiment, » écrira Hennepin, « le sieur de La Salle, qui ne prit jamais avis de personne, résolut de renvoyer la barque de cet endroit et de continuer la route en canot. »

Les choses vont mal au fort Crèvecoeur, érigé au mois de janvier 1680, sur le site de l’actuelle ville de Peoria, en Illinois. Des ouvriers et des coureurs des bois ont déserté, la nourriture est rare et on manque du nécessaire pour naviguer. C’est dans ce contexte que Cavelier de La Salle décide de retourner à Niagara. Hennepin aurait alors refusé d’abandonner, se proposant même pour aller en avant-garde sur le Mississippi : « Dans cette extrémité, nous prîmes tous deux une résolution aussi extraordinaire qu’elle était difficile à exécuter, moy d’aller avec deux hommes dans des pays inconnus, lui de se rendre à pied au fort Frontenac, distant de plus de cinq cents lieues. » Les deux hommes ne se reverront jamais.

Aux sources du Mississippi

Deux coureurs des bois, Michel Accault et Antoine Auguel dit Le Picard Du Guay, accompagnent Hennepin. Dans sa Description de la Louisiane nouvellement découverte au Sud Ouest de la Nouvelle-France […] publiée à Paris en 1683, Hennepin est clair, il n’a pas découvert l’embouchure du Mississippi : « Nous avions quelque dessein de nous rendre jusqu’à l’embouchure du Fleuve Colbert (Meschasipi), mais ces nations qui se saisirent de nous ne nous donnèrent pas le temps de naviguer haut et bas de ce fleuve. »

S’il faut en croire le récit du missionaire, entre le 29 février et le 10 mars, les trois hommes affrontent les glaces et descendent la rivière Illinois jusqu’au Mississippi. De là, remontant l’impétueux cours d’eau, ils dépassent l’actuelle Minneapolis où une chute d’eau reçoit le nom de Saint-Antoine de Pade. Progressant encore vers le nord et l’ouest du lac Supérieur, les trois hommes atteignent le lac des Issatis (lac Leech), source du fleuve Mississippi.

Toujours d’après le récit de 1683, Hennepin et ses compagnons reviennent ensuite vers le fort Crèvecoeur. Ils sont encore à bonne distance de l’embouchure de la rivière Illinois quand, au début de l’après-midi du 11 avril 1680, ils sont enlevés par des Sioux qui les ramènent vers la région des Mille Lacs, au sud du lac Supérieur. Adoptés par le chef du village, les trois hommes y sont confinés. Le 25 juillet, Daniel Greysolon Dulhut, qui a négocié l’alliance des Français et des tribus de l’ouest contre les Iroquois, vient réclamer la libération de Hennepin, Accault et Auguel qui ne sont libérés qu’en septembre.

Un drôle de silence

Après avoir hiverné à Michillimakinac, Dulhut et Hennepin reviennent dans la colonie. Fait étrange, le missionnaire, qui voyagera ensuite de Montréal à Québec avec Frontenac, lui raconte son expédition, mais il tait les détails de son prétendu voyage vers le sud du Mississippi et le golfe du Mexique. Même silence devant monseigneur de Laval. De retour en France, à la fin de 1681, Hennepin se lance dans la rédaction de son premier ouvrage. Sa Description de la Louisiane […] s’inspire du récit d’un de ses confrères qui a assisté à la prise de possession de la Louisiane par Cavelier de La Salle, le 9 avril 1682. Dédiée à Louis XIV, l’œuvre connaît un succès remarquable. Elle est traduite et rééditée telle quelle à trois reprises.

Les desseins secrets de La Salle

En 1697, Louis Hennepin s’est placé sous la protection du roi d’Angleterre, Guillaume III, auquel il dédie la Nouvelle Découverte d’un très grand Pays Situé dans l’Amérique […], publié à Utrech, en Hollande. La Salle, assassiné dix ans auparavant, n’est plus là pour contredire Hennepin qui évoque pour la première fois la mésentente qui aurait caractérisé leurs relations. La Salle ne peut pas davantage souligner le ridicule qu’il y a à prétendre avoir parcouru le Mississippi, sur toute sa longueur, en trente jours seulement, avant d’être arrêté par les Sioux : « Si nous avions voulu faire plus grande diligence en canot, nous eussions pu faire le chemin deux fois « .

Justifiant son silence antérieur à propos d’un exploit qui l’aurait placé parmi les grands explorateurs de ce monde, Hennepin n’hésite pas à gifler La Salle : « C’est ici que je veux bien que toute la terre sache le mystère de cette découverte que j’ai caché jusques à présent pour ne pas donner de chagrin au Sieur de La Salle qui voulait avoir seul toute la gloire et toute la connaissance la plus secrète de cette découverte. C’est pour cela qu’il a sacrifié plusieurs personnes lesquelles il a exposées pour empêcher qu’elles ne publiassent ce qu’elles avaient vu & que cela ne nuisit à ses desseins secrets.  »

Louis Hennepin livre sa troisième œuvre en 1698. Nouveau Voyage d’un Pais plus grand que l’Europe […] réaffirme sa contribution à la découverte de l’Amérique du Nord. L’écrivain missionnaire est alors un sujet indésirable dans sa propre communauté. Au gré des circonstances et de sa soif de notoriété, il a été sujet de France et d’Angleterre. Il est autorisé à revenir vivre en France en 1698, mais le 27 mai 1699, Louis XIV ordonne qu’il soit arrêté si jamais il tente un retour en Nouvelle-France. Louis Hennepin est mort après 1705 et on ignore s’il était encore récollet.

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