Les explorateurs
Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye 1732-1739
Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye est né à Trois-Rivières, le 17 novembre 1685. Dernier des neuf enfants de René Gaultier de Varennes, un ancien officier du régiment de Carignan, et de Marie Boucher, il est le petit-fils de Pierre Boucher. À un âge où d’autres savourent la retraite, il va explorer l’Ouest canadien et faire construire huit forts ou postes de traite entre le lac Supérieur et l’actuel Manitoba. Deux de ses fils sont les premiers Français à avoir vu et décrit le versant est des montagnes Rocheuses.
Itinéraire
Soldat et laboureur
À l’âge de 11 ans, Pierre Gauthier de Varennes est inscrit au séminaire des Jésuites de Québec. Trois ans plus tard, il a complété une partie du cours secondaire, et il est passé sous les drapeaux. En 1704 et 1705, il participe, à titre de cadet, puis d’enseigne, à la lutte armée que la France et l’Angleterre se livrent en Nouvelle-Angleterre et à Terre-Neuve. Voulant s’élever dans la hiérarchie militaire, il se rend en France où il rejoint le régiment de Bretagne. En 1709, la guerre de Succession d’Espagne lui vaut quelques blessures, l’emprisonnement et le grade de lieutenant. À la suite de la mort de son frère Louis, sous-lieutenant au même régiment, Pierre adopte le surnom que portait le défunt : La Vérendrye.
L’autorisation de revenir en Nouvelle-France lui est accordée le 24 mai 1712. À l’automne, il épouse Marie-Anne Dandonneau du Sablé, la fiancée qui l’attend depuis cinq ans. Ils s’établissent dans la région de Trois-Rivières où l’agriculture devient leur principale source de revenus.
La recherche de la mer Vermeille
En 1726, Pierre Gaultier de La Vérendrye est à la tête d’une famille composée de quatre garçons et de deux filles. Il se détourne d’une existence jusqu’alors sédentaire pour entrer dans la société de traite des fourrures formée par son frère Jacques-René, commandant du Poste du Nord, dans la région du lac Supérieur. Il rejoint son frère, accepte le poste de commandant en second puis de commandant, en 1728.
Ces deux années passées dans les postes du nord des Grands Lacs donnent à Pierre Gaultier de La Vérendrye la certitude que la découverte de l’océan Pacifique passe par l’exploration du lac Ouinipigon (Winnipeg) et du « grand fleuve de l’Ouest. » En 1728 et en 1729, il s’adresse au gouverneur Charles de Beauharnois dans le but de partir vers l’Ouest en mission officielle.
Rassurant, il sait déjà comment s’y rendre et il dispose d’un guide éclairé : « j’ay eu soin aussy de m’assurer d’un Sauvage capable d’y conduire un convoy, en cas que sous le bon plaisir de Sa Majesté vous vouliés bien m’honôrer de vos ordres pour en faire la découverte. »
Il plaide lui-même sa cause à Québec, en 1730. Le gouverneur et l’intendant Gilles Hocquart soutiennent son projet comme s’il était le leur. Ils le défendent auprès du ministre des Colonies en insistant sur le fait que la présence des Français dans l’ouest enrichira la Nouvelle-France tout en nuisant au commerce des Anglais de la baie d’Hudson.
Premiers forts sur la frontière des Prairies
Quand il quitte Montréal, le 8 juin 1731, en compagnie de trois de ses fils et d’une cinquantaine d’engagés, La Vérendrye ne bénéficie d’aucun financement. Il a huit associés qui partagent avec lui le monopole du commerce des fourrures dans la région du lac Winnipeg.
À la fin du mois d’août, le groupe a dépassé Michillimakinac et le lac Supérieur. Malgré la défection de plusieurs engagés, une partie de l’expédition, dirigée par le fils et le neveu de La Vérendrye, prend la direction du lac à la Pluie. Avant l’hiver, le fort Saint-Pierre est déjà construit. Au début de l’été 1732, ils sont au lac des Bois, où le fort Saint-Charles est érigé. L’année suivante, un poste secondaire est établi sur la Rivière-Rouge. Au mois de mai 1734, alors que La Vérendrye est en route pour Montréal, il fait marcher des expéditionnaires vers le lac Winnipeg où ils s’attaquent à la construction du fort Maurepas, du nom du ministre des Colonies.
La mer du Castor
Que La Vérendrye ait expédié d’importantes quantités de fourrures dans la colonie ne pèse pas lourd en regard de ce qu’on attendait de lui. Il avait promis de découvrir la mer de l’Ouest et, en trois ans, il n’est pas allé plus loin que le lac Winnipeg. Quand il arrive à Québec, en 1734, c’est pour découvrir que sa réputation a été ternie par ceux qui, paraphrasant Maurepas, disent à son propos, qu’il « ne cherche pas la mer de l’Ouëst, mais la mer du Castor. »
Quand il repart, au mois de juin 1735, l’explorateur est virtuellement l’employé de ses associés. Il s’est engagé à se consacrer exclusivement à la recherche du Pacifique et ils vont superviser l’administration des forts qu’il a construits. Peu après son arrivée au fort Saint-Charles, Christophe Dufrost de la Jemmerais, son neveu et le plus efficace de ses compagnons, est emporté par la maladie. Le 6 juin 1736, son fils Jean-Baptiste, le jésuite Jean-Pierre Aulneau et 19 compagnons sont assassinés au lac des Bois.
La découverte des montagnes Rocheuses
Plus endetté que jamais, l’explorateur doit aller plus loin. Le 28 septembre 1738, il atteint l’embouchure de la rivière Assiniboine, sur le site de l’actuelle ville de Winnipeg. Au début du mois d’octobre, il fait construire le fort La Reine (Portage-la-Prairie, au Manitoba). Le 3 décembre, il pénètre sur le territoire de l’actuel Dakota du Nord. La Vérendrye n’ira jamais plus loin.
À la fin de l’hivernement au fort La Reine, La Vérendrye rentre à Montréal. Pendant ce temps, ses fils explorent une partie de la rivière Saskatchewan et les lacs Manitoba, Winnipegosis, Bourbon et Dauphin. Après son retour, à l’automne de 1741, La Vérendrye planifie la construction de forts sur les lacs Bourbon et Dauphin.
Le 9 avril 1742, Louis-Joseph et François quittent le fort La Reine avec la mission d’aller aussi loin que possible vers l’ouest. Le 1er janvier 1743, ils avaient remonté le Haut Missouri jusqu’à la rivière Yellowstone. Un écran de pierre leur barrait la route et la vue sur l’Ouest. Ils étaient au pied des montagnes Rocheuses.
La disgrâce et l’envie
En 1743, Pierre Gaultier de La Vérendrye quitte l’Ouest, sans savoir qu’il n’y reviendra plus. Peu après son retour, il démissionne : la France n’accorde aucune importance aux découvertes effectuées par son clan. Ni à ce qu’elles ont rapporté.
Beauharnois, qui l’avait toujours soutenu, adoucit ses jours en lui attribuant, en 1744, quelques fonctions honorifiques. Cinq ans plus tard, le gouverneur avait si bien plaidé la cause de l’explorateur que le roi reconnaissait la valeur de ses découvertes en lui confiant la direction des postes de l’Ouest et en lui octroyant la Croix de Saint-Louis, la distinction la plus prestigieuse de l’époque.
Pierre Gaultier de La Vérendrye préparait une expédition sur la rivière Saskatchewan quand il est décédé, à Montréal, le 5 décembre 1749. Ses fils n’ont en rien profité de ce qu’ils avaient accompli. « l’envie est encore icy plus qu’ailleurs une passion à la mode dont il n’est pas possible de se garantir, écrivit Louis-Joseph à Maurepas, en 1750. Tandis que mon père avec mes frères et moy s’excédoit de fatigues et de dépenses, ses pas n’étoient représentés que comme des pas vers la découverte du castor ses dépenses forcées n’étoient que dissipation et ses relations n’étoient que mansonges, l’envie de ce pays n’est pas envie à demi […] »