Les explorateurs
Samuel de Champlain 1604-1616
Né vers 1570, à Brouage, en Saintonge, Samuel de Champlain s’intéresse « dès le jeune âge, écrit-il en 1613, à l’art de la navigation et [à] l’amour de l’océan ». Il n’a pas 20 ans quand un premier voyage l’entraîne vers l’Espagne et, de là, vers les Antilles et l’Amérique du Sud. Il voit Porto Rico, le Mexique, la Colombie, les Bermudes et Panama. Entre 1603 et 1635, il effectuera 12 séjours en Amérique du Nord. Inlassablement, il explorera – ou soutiendra d’autres explorateurs – dans la recherche d’une route qui, traversant l’Amérique, s’ouvrirait sur le Pacifique et sur les richesses de l’Orient.
Samuel de Champlain, homme de mystère
Dans le titre de son premier livre publié en 1603, Des Sauvages, ou voyage de Samuel Champlain, de Brouage, fait en la France nouvelle l’an mil six cens trois…, Samuel de Champlain indique qu’il est originaire de Brouage, en Saintonge. Mais au XVIIe siècle, un feu réduit en cendres les registres de la ville de Brouage où le jeune Champlain aurait passé son enfance. Depuis cette époque, les historiens n’ont fait que spéculer sur la date de naissance de celui que l’on décrit souvent comme le « Père de la Nouvelle-France ».
Son nom, tiré de l’Ancien Testament, laisse entendre la possibilité qu’il soit né dans une famille protestante à une époque où la France était déchirée par d’interminables guerres de religion. Cependant, lorsqu’il entreprend ses voyages de découverte et d’exploration au Canada, il s’est indéniablement converti au catholicisme. Le contrat de mariage entre Samuel de Champlain et Hélène Boullé, daté de 1610, précise que Samuel est le fils de feu Anthoine de Champlain, capitaine de la marine, et de Marguerite Le Roy. Plusieurs historiens en ont déduit qu’il serait né vers 1570.
Ce sont là les quelques bribes que l’histoire nous a révélées, laissant libre cours à toutes sortes d’hypothèses sur la date de naissance de Champlain. Mais l’histoire prend une tournure différente au printemps de 2012, lorsque Jean-Marie Germe, un généalogiste français, consulte les archives de la paroisse protestante de Saint-Yon de La Rochelle, ville rivale de Brouage à l’époque de Champlain. Il met alors la main sur le baptistaire de Samuel Chapeleau, fils d’Antoine Chapeleau et de Marguerite Le Roy, et daté du 13 août 1574.
Est-ce l’acte de baptême du « Père de la Nouvelle-France»? Il est certain que le document se lit difficilement; on doit souvent en deviner les lettres en se fiant tant à leur contexte qu’à leur forme. De plus, à cette époque les règles d’orthographe étaient, pour le moins, souples. Donc, les différences d’épellation du patronyme de l’enfant et du père doivent tenir compte du fait que ces noms n’avaient peut-être que rarement été consignés par écrit auparavant. On n’avait peut-être pas encore adopté une convention orthographique pour en fixer la graphie.
Quelles sont les chances de trouver un autre acte de baptême datant de cette époque et dont les noms, tels que révélés par d’autres documents historiques, seraient identiques? Elles sont, en effet, infimes. Cependant, même si les patronymes Chapeleau et Champlain se ressemblent beaucoup, cette petite différence, bien que facilement explicable, nous incite à la prudence. Les probabilités sont faibles, mais il se peut que ce document ne soit pas relié à notre Samuel de Champlain.
Et si nous avons devant les yeux le baptistaire de Samuel de Champlain, notre Champlain, nous pouvons dorénavant affirmer qu’il est né dans une famille protestante, et ce, fort probablement pendant l’été de 1574. Mais à moins de répéter la découverte de M. Germe, le mystère entourant le lieu et la date de la naissance de Samuel de Champlain demeurera entier.
« Le vandredy treziesme jour daougst mil cinq centz soysente et quatorze a esté baptizé Samuel filz de Anthoynne Chapeleau et de m [mot rayé] Margerite Le Roy, p[a]rain Estienne Paris, mayrenne Marye Rousseau. Denors N Girault ».
Sur les traces de Jacques Cartier
Vers 1602, Henri IV accorde à Samuel de Champlain le titre de géographe royal. Fort d’un monopole de commerce des fourrures, Aymar de Chaste a établi un poste de traite à Tadoussac. Il invite Champlain à se joindre à son expédition. La mission qui lui est confiée est claire : explorer la Nouvelle-France, en étudier les voies fluviales pour, ensuite, désigner le site où serait aménagé un important comptoir de traite.
C’est ainsi qu’après avoir quitté Honfleur, le 15 mars 1603, Champlain s’apprête à refaire le périple accompli par Jacques Cartier en 1535. Il explore une partie du Saguenay et pressent l’existence de la baie d’Hudson. Il remonte ensuite le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Hochelaga (Montréal). Il ne reste aucune trace de la population et du village amérindien visité par Cartier et le sault Saint-Louis (rapides de Lachine) semble encore infranchissable. Grâce à ses guides, Champlain apprend que, au-delà des rapides, trois grands lacs (Érié, Huron et Ontario) doivent être explorés.
L’Acadie et la côte atlantique
Aymar de Chaste étant décédé en France, en 1603, Pierre Du Gua de Monts devient lieutenant général de l’Acadie. En échange d’un monopole de traite d’une durée de 10 ans, ce dernier s’engage à établir 60 colons par année dans cette partie de la Nouvelle-France. De 1604 à 1607, la recherche d’un site permanent pour établir ces gens est encore à l’ordre du jour. L’éphémère Port-Royal naîtra de cette préoccupation.
Pendant que les colons labourent, construisent, chassent et pêchent, Champlain exécute sa mission, qui consiste à observer les côtes et à rechercher des havres sûrs.
Itinéraires
Ce séjour de trois ans en Acadie lui permet de consacrer du temps à l’exploration, à l’observation et à la cartographie. Il parcourt près de 1 500 kilomètres le long de la côte atlantique : du Maine jusqu’au sud de Cape Cod.
De Québec au lac Champlain
En 1608, Samuel de Champlain veut retourner dans la vallée du Saint-Laurent, plus précisément à Stadaconé, qu’il appelle Québec. Selon lui, aucun autre endroit n’est plus propice à la traite des fourrures et à la recherche du fameux passage vers la Chine. C’est au cours de ce troisième voyage que l’existence du lac Saint-Jean lui est révélée et qu’il fonde Québec, le 3 juillet 1608. Sans attendre, il y fait construire son « Habitation ».
Champlain explore également la rivière des Iroquois (Richelieu) qui le conduit, le 14 juillet 1609, jusqu’à un lac qui portera son nom. Comme les traiteurs avant lui, il prend le parti des Hurons, Algonquins et Montagnais contre les Iroquois. Intervenant ainsi dans des questions de politique intérieure, il cautionne la tournure belliqueuse des relations qui vont opposer pendant longtemps Iroquois et Français.
De l’Outaouais au lac Huron
En 1611, Samuel de Champlain revient vers l’archipel d’Hochelaga. Il repère un havre idéal et, devant celui-ci, il crée la Place Royale autour de laquelle la ville sera créée après 1642.
Fait plus significatif encore, il réussit à dépasser les rapides de Lachine, devenant, si l’on excepte la performance d’Étienne Brûlé, le premier Européen à entreprendre l’exploration du fleuve et de ses affluents vers l’intérieur du continent. Champlain est à ce point persuadé que cette route le conduira vers l’Orient qu’il reçoit, en 1612, la mission de « chercher chemin facile pour aller au païs de la Chine. » Comme la plupart des explorateurs qui viendront après lui, il ne pourra réaliser sa mission qu’avec « l’assistance » des Amérindiens.
L’année suivante, empruntant la rivière des Outaouais, Champlain se rend jusqu’à l’île aux Allumettes. Il ouvre ainsi la route qui, après l’avoir conduit au coeur de l’actuel Ontario, lui permettra d’atteindre le lac Huron, le 1er août 1615.
Itinéraires
Cette exploration est la dernière à laquelle Samuel de Champlain participe. Au cours des années suivantes, il se consacre à la création d’une colonie française dans la vallée du Saint-Laurent, un projet qu’il appuie sur le peuplement de Québec.
En 1629, après la chute de Québec provoquée par les frères Kirke, Champlain rentre en France. Il y plaide inlassablement en faveur de la Nouvelle-France, où il est revenu le 22 mai 1633. Il est décédé à Québec, le 25 décembre 1635. Cent cinquante Français vivaient alors dans la colonie.