-
- Introduction
- Colonies et Empires
- Les explorateurs
- Jacques Cartier 1534-1542
- Samuel de Champlain 1604-1616
- Étienne Brûlé 1615-1621
- Jean Nicollet 1634
- Jean de Quen 1647
- Médard Chouart Des Groseilliers 1654-1660
- Pierre-Esprit Radisson 1659-1660
- Nicolas Perrot 1665-1689
- René-Robert Cavelier de La Salle 1670-1687
- Charles Albanel 1672
- Jacques Marquette 1673
- Louis Jolliet 1673-1694
- Louis Hennepin 1678-1680
- Daniel Greysolon Dulhut 1678-1679
- Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan 1684-1689
- Pierre de Troyes 1686
- Pierre Le Moyne d’Iberville 1686-1702
- Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac 1694-1701
- Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye 1732-1739
- Activités économiques
- Population
- Vie quotidienne
- Héritage de la Nouvelle-france
- Liens utiles
- Crédits
Vie quotidienne
Architecture vernaculaire en Nouvelle-France
Lorsque des colons arrivent en Nouvelle-France, l’une de leurs premières préoccupations est de se doter d’un toit. L’environnement, les conditions climatiques, les matériaux disponibles et leurs propres ressources pécuniaires sont des facteurs qui dictent le type d’habitat qu’il est possible de construire. De constructions simples visant à assurer le besoin primaire de se loger, les habitations s’adaptent et évoluent du XVIIe au milieu du XVIIIe siècle pour offrir à leurs occupants un maximum de confort et de sécurité.
Dans cet article, on présente les différents aspects de l’habitat domestique à l’époque de la Nouvelle-France. En se basant sur les recherches archéologiques menées ces dernières années en Amérique du Nord ainsi que sur les documents d’archives, on découvre les divers types de bâtiments qui ont été construits dans la vallée du Saint-Laurent, en Acadie et en Louisiane. Si elles sont souvent qualifiées au moyen du seul adjectif « colonial », en réalité, les habitations en Nouvelle-France affichent des caractéristiques différentes selon l’époque, la classe sociale et le lieu de construction.
Introduction (afficher)
Partout sur la planète, les manières d’habiter un territoire sont tributaires, d’abord et avant tout, des conditions environnementales et du statut socio-économique de ses occupants. Le climat, les matériaux disponibles, le type de sol et bien d’autres éléments sont parmi les conditions que les colons de la Nouvelle-France ont dû prendre en compte lors de la construction de leurs habitations, tout comme les questions économiques et sociales, des éléments qui auront une influence sur la forme de leurs établissements. Les habitants de la vallée du Saint-Laurent, de l’Acadie et des territoires plus éloignés, comme la Louisiane et les Illinois, ont ainsi abordé leur nouvel environnement, déployant toute leur ingéniosité afin d’y survivre et d’y connaître un certain confort.
Aux origines des formes architecturales en Nouvelle-France (afficher)
Les premiers colons français ne sont pas arrivés en terre américaine les mains vides. Ils sont débarqués sur les rives du Saint-Laurent avec, dans leurs bagages, des traditions ancestrales qu’ils ont expérimentées avec plus ou moins de succès dans leur nouvel environnement. Parmi ces traditions, les façons de construire ont été de celles qui ont fait l’objet de nombreuses tentatives en vue de les adapter au milieu nord-américain. Ainsi, il importe de retourner aux formes architecturales originelles pour mieux comprendre l’ampleur de cette tâche.
L’Europe, le berceau des constructeurs canadiens
Bien qu’avec le temps, chaque région ait développé ses propres traditions, certaines bases architecturales se sont formées au cours du Moyen-Âge, voire avant dans certains cas. Ces bases constituent les prémices des formes connues durant l’Ancien Régime en France.
Le fond de cabane apparaît dès la période de la Tène en Europe septentrionale, tandis qu’en Gaule, son arrivée s’effectue peu de temps après la conquête romaine. Partiellement creusées dans le sol et d’une superficie variant entre 5 m2 et 10 m2, ces structures sont habituellement rectangulaires et d’une construction fort simple : une fosse est creusée et au fond de celle-ci, sur le sol d’occupation, des éléments verticaux qui formeront l’ossature de la bâtisse sont installés dans des trous de poteaux. Quant aux murs, ils peuvent être construits de diverses façons. L’avantage du fond de cabane réside dans sa construction rapide et dans l’économie de matériaux qu’elle occasionne. Ce type de bâtiment s’adapte à un usage temporaire ou secondaire, à plus forte raison si les sols environnants permettent une excavation facile et rapide.
La maison élémentaire est la forme quasi-exclusive d’habitation durant la première moitié du Moyen-Âge ; même après cette période, elle demeure la base de nombreux types architecturaux régionaux. Son plan au sol est d’une grande simplicité : à ses débuts, il ne s’agit que d’une seule pièce à l’intérieur de laquelle on retrouve l’emplacement du feu et tout ce qui sert à la vie domestique. Plus tard, une seconde pièce commence à apparaître, plus petite que la première et sans feu ; elle est habituellement utilisée comme chambre ou d’espace de rangement.
La maison mixte (ou maison-bloc) est moins fréquente. Elle abrite obligatoirement sous le même toit les animaux et les humains, chaque groupe occupant l’une des extrémités de la maison. Comme la maison élémentaire, la maison mixte a elle aussi subi une évolution architecturale : dans son premier état, il n’existe que peu ou pas de séparation entre les deux secteurs de la maison ; tout au plus retrouve-t-on parfois un drain ou une auge. Plus tard, une légère cloison s’élève, et elle évolue progressivement jusqu’à devenir une structure plus solide et plus durable. Finalement, la séparation se fait presque totalement par l’installation d’un plafond.
Mentionnons enfin l’existence de la maison-forte, un modèle résultant de la constitution de grands domaines agricoles où la production de surplus demandait des moyens de stockage plus importants et une meilleure organisation de l’espace. Comme elle possède un plan quadrangulaire, il est plus facile d’enserrer la ferme dans une enceinte : un mur referme souvent les espaces laissés vides entre les bâtiments annexes. La maison-forte peut aussi être fortifiée par une porte ou des tours d’angle.
Le poids de l’environnement naturel
L’environnement naturel détermine en bonne partie les manières de construire, surtout en ce qui concerne le choix des matériaux disponibles comme la terre, la pierre et le bois qui se rencontrent dans diverses régions. Par exemple, là où la couche de sol est épaisse et les pierres plus difficiles à trouver, on priorise les constructions en terre, tandis qu’à l’opposé, on utilise les moellons récoltés lors des travaux aux champs pour ériger les murs de l’habitation lorsque la roche-mère est enfouie peu profondément. De plus, dans une même région, on rencontre les deux types de construction (terre ou pierre) selon les variations environnementales intrarégionales. Il en va de même pour l’utilisation des matériaux de recouvrement, même si le chaume reste le plus populaire.
La Haute-Normandie, une des principales régions historiques de France d’où sont issus de nombreux colons de la Nouvelle-France, est le pays par excellence du pan de bois et hourdis de terre, tant pour les masures de fermes modestes que pour les manoirs de métayers. Dans cette région, la maison n’a à l’origine aucun étage ; ses fondations sont en pierre, l’entre-colombage est garni de torchis, de brique ou de bauge, et son toit à pans coupés recouvert de chaume. Les portes et les fenêtres se situent du côté sud de la maison, la face nord demeurant presque toujours aveugle.
En Île-de-France et en Orléanais, deux autres provinces françaises d’où provient un important contingent de colons, l’habitation suit le modèle de la maison élémentaire à laquelle on peut ajouter d’autres pièces au fur et à mesure que les besoins grandissent. Cette maison, qui a un four à pain accolé à un mur pignon, offre ainsi un aspect allongé et trapu. Elle est peu éclairée, et ses seules ouvertures consistent en une porte, une fenêtre et une lucarne d’accès sur la façade principale. Le calcaire reste le matériau le plus utilisé pour la construction en Île-de-France et dans l’Orléanais. Il s’agit surtout de moellons retirés des champs ou provenant de petites carrières environnantes, bien que les pierres de taille aient été utilisées pour les chaînes d’angle des bâtiments.
Malgré cela, il n’empêche que la terre côtoie la pierre dans de nombreuses régions, telle la Beauce, où une épaisse couche de limon empêche l’exploitation de carrières de pierres. Alors que la pierre était présente partout en Île-de-France, les murs en terre se retrouvent dans certains secteurs, là où les milieux humides rendent les sols instables. Ainsi, ce type d’habitation résiste beaucoup mieux aux mouvements du sol et aux variations de température ou d’humidité que sa contrepartie en pierre. Son toit à deux versants est presque toujours en chaume, bien que la tuile canal ait servi au même usage, surtout pour les maisons seigneuriales et bourgeoises. L’ardoise est encore moins répandue.
Dans le Poitou et le pays charentais, d’où provient une autre importante partie de la population de la Nouvelle-France, les techniques de construction utilisées varient au même rythme que celui des paysages. Ainsi, les assises de la maison sont souvent réduites à leur plus simple expression, quand elles en ont. On se contente de creuser jusqu’à la roche-mère, et comme elle est généralement près de la surface, les fondations n’excèdent jamais un mètre. Néanmoins, dans les marais, on ne retrouve aucune infrastructure, car la nature des sols empêche leur creusement. La maison en terre est alors construite directement sur le sol, tandis que les habitations en pierre sont assises sur un dallage dont les pierres sont liées avec un mortier de terre.
Quant aux murs de pierre, la variation dans les techniques de construction est extrêmement grande. Conservées lors de l’épierrement des champs, les pierres sont disposées de façon à former un fruit, les moellons les plus gros étant disposés à la base de l’ouvrage. On forme ainsi deux parements entre lesquels on place un blocage de cailloux ou de moellons avec de la terre. Les techniques de construction sont tout aussi nombreuses pour l’érection de murs de terre. On retrouve le pan de bois dont les murs sont isolés par un enduit de chaux ou de terre, mais d’autres manières de faire sont aussi mises de l’avant. On peut emplir une légère armature de bois ou encore former des briques de boue séchée dans des moules en bois, pour ensuite construire le mur. Les mélanges de terre varient aussi, car on se sert autant du torchis que du « bouseli ».
Enfin, la situation qui prévaut pour la toiture est la même que dans les autres régions explorées jusqu’ici. La couverture végétale domine nettement et l’ardoise n’est qu’un apport récent, encouragé par les autorités dans le cadre de la lutte contre les incendies. On utilise aussi la tuile, dont la tuile canal dans le sud de la région.
Le poids de l’environnement socio-économique
Le statut socio-économique d’un propriétaire se manifeste à travers une foule de manières de faire et d’habiter qui, elles aussi, varieront selon la région et selon la plus ou moins grande disponibilité des matériaux.
L’une des premières manifestations du statut socio-économique réside dans le choix des matériaux de construction selon la région donnée. Là où la pierre et la terre cohabitent, la première sera sélectionnée pour magnifier le statut du propriétaire de la maison à cause de sa valeur ajoutée. En effet, la construction en pierres de taille demande des moyens techniques et pécuniaires beaucoup plus importants que ceux demandés pour l’érection d’un bâtiment en terre : elle requiert des matériaux de qualité qui ne se trouvent pas nécessairement dans la région immédiate, sans compter la main-d’oeuvre spécialisée pour la taille des pierres et l’érection des murs.
À l’autre bout du spectre, le fond de cabane semi-souterrain, habituellement destiné à servir d’annexe à l’habitation, d’abri pour y loger une main-d’œuvre servile ou pour y séjourner soi-même pour une durée limitée, nécessitait peu de frais par sa construction rapide et l’accessibilité immédiate aux rares matériaux requis.
La Haute-Normandie fait exception à la règle, car même les manoirs seigneuriaux étaient construits en terre et en bois. Le statut socio-économique des propriétaires se manifestait alors par d’autres caractéristiques, comme l’ajout d’un ou de plusieurs étages, le revêtement des murs extérieurs, le remplacement du chaume du toit par la tuile ou l’ardoise, ou encore par le choix du matériau de revêtement du plancher. Soulignons que ces caractéristiques dénotant l’aisance matérielle existaient aussi dans une grande partie de la France d’Ancien Régime, mis à part la maison à étages qui se trouvait déjà en Provence au Moyen-Âge, et ce, parmi toutes les classes sociales.
L’aspect socio-économique de l’architecture se manifeste aussi dans le plan au sol des exploitations agricoles. Par exemple, le plan quadrangulaire d’une ferme témoigne de l’aisance de l’agriculteur, car il est signe que l’établissement génère des surplus, d’autant plus s’il est clos par une enceinte et qu’une porte et des tours d’angle y ont été ajoutés, comme dans le cas de la maison-forte.
Habiter la vallée du Saint-Laurent (afficher)
Les premières constructions
Le fond de cabane, une des formes d’habitat les plus élémentaires et anciennes d’Europe, a été utilisé en Nouvelle-France, comme en font foi les vestiges d’un habitat semi-souterrain mis au jour à La Prairie, une petite ville de la Montérégie. Ces vestiges comprenaient les restes d’un plancher en pin blanc localisé à 1,40 m sous la surface du sol naturel, ainsi que ceux de poteaux plantés en terre marquant l’emplacement de deux murs, de la base d’un troisième mur fait de planches posées à la verticale et, enfin, des traces d’un foyer ouvert. De plus, l’absence de clou permet de croire que la cabane était recouverte de chaume. Elle a été aménagée dans les sols meubles du village primitif vers 1670 et a probablement été utilisée jusque dans les années 1680. Les artefacts et écofacts mis au jour au cours de la fouille de ce fond de cabane ne laissent aucun doute sur le fait que des activités domestiques y ont pris place, probablement jusqu’à la construction d’une maison plus solide pour ses propriétaires.
Cette forme d’habitat est rare dans la vallée du Saint-Laurent car l’abondance de bois a permis à la majorité des premiers arrivants d’utiliser ce matériau pour l’érection d’habitations moins rudimentaires. Ainsi, l’une des plus anciennes habitations d’origine européenne à avoir été mise au jour jusqu’à maintenant a été découverte sur la côte de Beaupré, plus précisément dans la Réserve nationale de faune de cap Tourmente. Elle appartenait au complexe agricole de la Petite-Ferme construit en 1626 sous les ordres de Samuel de Champlain et détruit deux années plus tard, en 1628, par les frères Kirke. Les fouilles ont permis le dégagement de quelques murs en pans de bois dont les colombages sont plantés en terre et comblés par du pisé, une forme architecturale fortement apparentée à celle de Normandie.
Les murs de colombage appuyés sur une sablière basse, ou sole, reposant sur une fondation en pierre, ont été utilisés plus fréquemment au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les poteaux étaient peu espacés les uns des autres (entre 15 et 40 cm) et le remplissage de l’entre-colombage était réalisé à l’aide de petites pierres, appelé « pierrotage ». Néanmoins, on pouvait rencontrer des murs de colombage comblés avec de la brique dans les régions où de tels matériaux étaient disponibles, ou encore avec du bois selon la technique du pièce sur pièce à coulisse.
D’autres pratiques architecturales utilisant le bois ont aussi été mises de l’avant au cours du Régime français, certaines perdant de leur popularité au fil du temps tout en restant plus populaires dans les zones rurales ou de colonisation. C’est le cas du mur-palissade, appelé « construction en pieux debout » dans la vallée du Saint-Laurent. Ces murs, formés de pieux ou de poteaux, sont recouverts d’argile ou de torchis afin d’en assurer l’étanchéité. Les troncs utilisés sont généralement équarris à l’intérieur de l’habitation, tandis que les joints entre les poteaux restent apparents à l’extérieur : on colmate alors les interstices à l’aide d’argile ou de mortier. Ces constructions en pieux debout étaient parmi les habitations les plus modestes, mais la technique était aussi utilisée pour certains bâtiments secondaires.
Une variante de cette technique est représentée par la « construction en poteaux sur sole », où les éléments verticaux s’appuient sur une sablière basse, ou sole, couchée sur une fondation en pierre. L’archéologie a permis la mise au jour d’une telle maison érigée sur l’île aux Oies vers le milieu du XVIIe siècle. Avec ses fondations en pierre sur lesquelles gisaient des fibres de bois et les restes de la base d’un poteau de coin, cette maison élémentaire qui avait été agrandie à partir d’un mur pignon témoigne d’une manière de construire typique des habitations modestes, qui ne demandaient que peu de ressources spécialisées. En plus de posséder les caractéristiques du poteau sur sole, les vestiges ont démontré que la maison était munie d’une cheminée en argile et que le chaume constituait le matériau de base du toit.
Enfin, on ne peut omettre la technique du pièce sur pièce : apparue dès la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle consiste en l’empilement à l’horizontale de pièces de bois les unes sur les autres, sans le concours de pieux ou de colombage pour les encadrer. Le terme « pièce sur pièce » tel qu’utilisé dans les marchés de construction du Régime français signifie que les éléments empilés sont en bois équarris, bien que le bois non équarri et les rondins aient aussi été utilisés. Les pièces sont habituellement goujonnées entre elles et les angles montrent des assemblages à queue d’aronde ou à queue droite. L’assemblage repose sur une fondation de pierre ou de brique.
Quant à la construction en pierre, on la rencontre surtout en milieu urbain, du moins jusqu’au deuxième quart du XVIIIe siècle. La pierre de taille est alors peu utilisée, si ce n’est que pour les chaînes d’angle des murs principaux : cette situation est causée par la rareté des artisans tailleurs de pierre dans la colonie. On utilise alors des pierres brutes (ou moellons) dégrossis reliées entre elles par du mortier et disposées en deux parements. L’espace laissé entre les deux parois (ou parements) est comblé avec des restes de pierres noyés dans le mortier. Ces édifices urbains sont souvent dotés d’un second étage qui, lui, sera érigé en colombage, tout en étant coiffés d’un toit de planches.
Le foyer à âtre est le système de chauffage privilégié de ces maisons au début de la colonie. Disposé sur un mur pignon de l’habitation, mais aussi parfois au centre, sa cheminée peut être fabriquée de terre glaise chez les habitants moins fortunés, mais les colons préfèrent de loin les cheminées en pierre. Toutefois, le foyer à âtre n’était pas le système de chauffage le plus efficace car sa chaleur, intense près de la flamme, s’atténue rapidement en s’éloignant du feu. C’est pourquoi le poêle a commencé à faire son entrée dans quelques résidences dès le XVIIe siècle, bien qu’il s’agissait alors d’un bien de luxe. Les premiers poêles étaient en brique recouverts d’une plaque de fonte ou encore en tôle de fer chez les moins fortunés. Ces installations rudimentaires se retrouvent encore dans les petites maisons des faubourgs et quartiers ouvriers à l’aube du 19e siècle comme en témoignent les résultats de fouilles archéologiques à Québec où des briques creuses associées à ces poêles ont refait surface !
L’adaptation au milieu
Certaines techniques de construction semblent avoir été abandonnées assez rapidement par les résidents de la vallée du Saint-Laurent. Par exemple, les maisons en colombage bousillé ou en colombage pierroté tendent à disparaître à mesure que l’on s’approche du XVIIIe siècle, tout comme les habitations en pieux debout, plantés en terre ou sur sole, ou en pièce sur pièce à coulisse. Ces techniques sont alors reléguées aux peu fortunés ou aux bâtiments secondaires, tandis que l’usage du pièce sur pièce connaît une popularité croissante, surtout en milieu rural. Cette situation s’explique par le fait que ces maisons en pièce sur pièce sont beaucoup plus performantes du point de vue énergétique, donc plus confortables en raison de l’épaisseur des pièces de bois qui tiennent lieu d’isolant.
Ce confort est rehaussé par la popularité croissante des poêles à chauffage, que l’on retrouve de plus en plus fréquemment dans les chaumières, autant dans les villes que dans les campagnes à partir des années 1730-1740, soit suivant la mise en chantier des forges du Saint-Maurice. En effet, en plus de diffuser la chaleur emmagasinée dans la fonte de l’appareil, le tuyau d’évacuation de la fumée conduisait cette même chaleur partout où on le faisait passer. Néanmoins, on ne délaisse pas l’âtre pour autant quand il est déjà dans la cuisine, car on l’utilise toujours pour la cuisson des aliments.
La campagne et la ville
Les maisons urbaines et rurales ont évolué de manière fort différente au cours du Régime français, en grande partie à cause des ordonnances de l’intendant Dupuy de 1721 et surtout de 1727, lesquelles visent à réglementer plus sévèrement la construction de maisons dans les villes et faubourgs de manière à limiter les risques de conflagration.
En région rurale, on trouve très peu de maisons mixtes (ou maisons-blocs), celles qui accueillent à la fois les humains et les animaux. C’est plutôt la maison élémentaire qui domine avec sa pièce unique, parfois agrandie d’une seconde, son grenier et sa « cave », un simple trou creusé sous le plancher dans lequel on entrepose des denrées périssables comme le lard.
En ce qui concerne l’érection des murs, le colombage est relativement populaire au cours du XVIIe siècle mais son usage décroît au fur et à mesure que le temps passe, au profit du pièce sur pièce, une technique de construction plus aisée à mettre en œuvre pour des ouvriers non spécialisés. Autant pour le cas du colombage que pour celui du pièce sur pièce, les éléments inférieurs de la structure s’appuient la plupart du temps sur un simple lit de pierres, ou encore sur une fondation relativement frustre dont le degré de simplicité ne demande pas les soins d’un artisan spécialisé. Les documents d’archives mentionnent la présence de quelques « cabanes » en pieux debout, mais ces habitations sont rares. Quant au toit à deux versants, il est recouvert de planches, de bardeaux ou de chaume. Enfin, on chauffe l’intérieur à l’aide d’un foyer à âtre dont la cheminée est parfois en terre chez les plus pauvres, voire la plupart du temps en pierre. Dans ce cas, on engage parfois un maçon pour l’érection de cet élément primordial pour la sécurité de la demeure.
Avec le temps, l’habitation en pierre gagnera en popularité dans les campagnes, mais elle ne supplantera jamais la petite maison en bois, bien adaptée au climat et dont l’érection est beaucoup moins onéreuse.
Le cas de la ville diffère, étant donné l’évolution de son architecture qui a suivi des paramètres guidés par les risques d’incendies. Avant 1673, l’année qui a vu la promulgation d’une série de règlements visant à limiter des risques de conflagrations, le nombre de maisons en colombage était semblable entre la ville et la campagne, mais déjà, entre 1660 et 1727, les villes de Québec et de Montréal comptent respectivement 37 % et 31 % de maisons de pierre, tandis que ce type d’habitation ne représente que 6 % du total des maisons rurales. Enfin, entre 1727 et 1760, les villes affichent une forte augmentation des maisons en pierre, notamment en ce qui concerne la ville intra-muros que les nouvelles normes de construction de 1721 et 1727 visent particulièrement.
Bien que les maisons en colombage, pieux debout et autres techniques utilisant le bois se retrouvent en milieu urbain des débuts de la colonie, la pierre est rapidement utilisée en ville, là où résident la classe dirigeante, le haut clergé et les marchands. Ce constat n’est pas étonnant car la construction d’une telle maison s’avère onéreuse : il faut payer les matériaux, le travail d’excavation pour les fondations, les tailleurs de pierre, les ouvriers qui fabriquent le mortier, et bien d’autres.
Ainsi, avec les ordonnances régissant la construction en milieu urbain, l’étage en bois ou en colombage de la maison urbaine disparaît. L’habitation, qui habituellement compte au moins un étage au-dessus du rez-de-chaussée, est maintenant toute en pierre et s’élève sur une cave voûtée. Elle comprend deux murs pignons à l’intérieur desquels s’insèrent les cheminées et les foyers ; ces murs pignons doivent s’élever plus haut que le toit, se transformant ainsi en murs coupe-feu. Le toit à deux versants est recouvert de deux épaisseurs de planches, car les bardeaux et le chaume sont maintenant interdits par la réglementation. Mentionnons que la structure en bois de la toiture a été allégée pour rendre sa démolition plus facile en cas d’incendie (fig. 15).
Une autre particularité de la maison urbaine par rapport à sa voisine rurale réside dans l’obligation d’y construire des installations sanitaires afin de permettre aux habitants de disposer de leurs déchets ailleurs que dans les rues. Dans le cas d’une résidence fortunée, les latrines sont construites à l’intérieur de la cave : on creuse un trou dont les parois seront soigneusement maçonnées et, dans certains cas, des dispositifs de drainage y sont aménagés. Ailleurs, on aménage une fosse parfois chemisée de planches à l’intérieur d’une cabane dans l’arrière-cour de la maison.
Questions de variantes régionales
Trois centres urbains se sont développés sur les rives du Saint-Laurent au cours du Régime français. Les villes de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal ayant pris naissance à des dates différentes et séparées les unes des autres par d’importantes distances, on pourrait croire que l’architecture de ces cités ait affiché certaines variations, donnant à chacune un air différent.
Sans surprise, l’environnement physique de ces régions urbaines a dicté une partie des formes architecturales qui y ont été privilégiées. C’est le cas de Québec qui, grâce à ses carrières localisées en périphérie* (voir note à la fin), a toujours compté la plus forte proportion de maisons en pierre tout au long du Régime français. Avec cette ressource à proximité, les habitants ont eu plus de facilité à se conformer aux ordonnances émises pour la protection contre les incendies : d’une proportion de 55 % entre 1660 et 1727, les bâtiments en bois ont décru jusqu’à 24 % après cette période. Une bonne partie de ces maisons de bois comptaient au moins un étage au-dessus du rez-de-chaussée, soit 40 % entre 1660 et 1727.
Le paysage change radicalement en remontant le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Trois-Rivières, là où la pierre est rare dans l’environnement immédiat. Peut-être est-ce la raison du peu d’effet des ordonnances sur l’architecture du bourg, mais toujours est-il que la majeure partie des constructions domestiques était en bois. Qu’elles aient été construites en colombage ou en pièce sur pièce, ces maisons ne comptaient qu’un rez-de-chaussée.
Le portrait est plus nuancé à Montréal, qui a réagi beaucoup plus lentement aux ordonnances. Bien que la pierre ait fini par déloger le bois dans les préférences des Montréalais, elle n’a déclassé le bois qu’à partir des environs de 1727, où elle représentait 51 % des bâtiments de la ville. Jusque-là, on y trouvait surtout des maisons en colombage ou en pièce sur pièce dont 72 % ne comportaient qu’un rez-de-chaussée.
Au-delà de ces divergences dans les choix des matériaux de construction, Québec et Montréal ont en commun le bois comme matériau dominant pour les constructions dans les faubourgs. Dans ces deux cas, le bois conservera sa prépondérance jusqu’à la fin du Régime français, bien que la pierre ait gagné en faveur à Québec à partir de 1727. En effet, à cette période, les constructions de bois, érigées en colombage, atteignaient à Montréal une proportion de 56 %, tandis que celles en pièce sur pièce se chiffraient à
86 %.
Questions de statut social
Lors de l’érection d’une habitation, le choix des matériaux de construction et du plan au sol constituent un indice pour en apprendre davantage sur le statut socio-économique des propriétaires. En ce qui concerne les matériaux, on remarque que les établissements les plus anciens étaient bâtis en bois pour la plupart, avec des techniques nécessitant peu de débours. Par exemple, les maisons en poteaux en terre sont l’apanage des colons empressés de s’installer en attendant des jours meilleurs ; c’est aussi le cas pour les habitations semi souterraines. À mesure que les conditions économiques s’améliorent, la maison s’élève sur une fondation, le colombage augmente en popularité et les poêles à chauffage en brique accompagnent l’âtre. Les maisons en pierre à étages remplacent petit à petit les édifices en bois dans les villes au fur et à mesure que les moyens le permettent, tandis qu’elles gagnent en popularité dans les campagnes.
Outre le choix des matériaux de construction, le plan de l’établissement en dit beaucoup sur la fortune de son propriétaire et sur l’image que celui-ci veut projeter. Le fort Senneville, situé à l’extrémité ouest de l’île de Montréal, constitue un très bel exemple de l’utilisation de l’architecture comme le moyen d’affirmer son statut social. Entre 1702 et 1704, Jacques Le Ber de Senneville fait ériger un fort en pierres qui comprenait des courtines, des bastions, une maison, une dépendance, des latrines et une citerne. Le complexe aurait été dédié à la protection des habitants de la région, mais selon la documentation historique, il aurait surtout été utilisé comme poste de traite jusqu’en 1724. Il a par la suite accueilli un meunier et un fermier, et une garnison de miliciens en 1747 et 1748, pour ensuite servir de magasin général après une période d’abandon. Le fort Senneville a enfin été incendié lors de l’invasion américaine de 1776.
Des fouilles archéologiques menées en 2004 ont tenté d’éclaircir la fonction réelle du fort, car un simple bâtiment palissadé aurait très bien pu remplacer cet ouvrage maçonné relativement important. De plus, peu de matériel de traite a été mis au jour dans les contextes associés à la période du comptoir. Enfin, bien que son architecture plaide en faveur de la valeur défensive du fort, il est étrange de constater que sa construction ait eu lieu en 1704, durant une période d’accalmie après la Grande Paix de Montréal, et que son emplacement sur la pointe ouest de l’île de Montréal était alors d’un intérêt stratégique secondaire sur le plan militaire. Par contre, avec son plan quadrangulaire et son enceinte entourant les bâtiments du fort, on remarque que les constructeurs ont opté pour un modèle architectural classique et très convoité dans la métropole. Ainsi, il semble que le choix des matériaux et du plan de l’établissement avait davantage pour fonction le rétablissement de la crédibilité et du prestige de son propriétaire après d’importants déboires financiers.
Ces quelques exemples démontrent qu’à mesure que le statut socio-économique d’un propriétaire s’améliore, l’utilisation de la pierre s’accroît et l’architecture de l’établissement se complexifie, tandis que le bois et la maison élémentaire sont mis de côté.
* Les maisons de pierre exigent non seulement un matériau stable comme le calcaire, le grès ou le granit, mais encore faut-il lier ces pierres les unes aux autres avec de mortier. Pour ce qui est des carrières de pierre, les Basses-terres du Saint-Laurent se composent de nombreuses formations calcaires que les habitants de la Nouvelle-France ont tôt fait d’exploiter à la fois pour sa pierre et pour la chaux qu’elles permettaient de produire, élément essentiel d’un bon mortier. Ainsi on retrouve différentes carrières exploitées à proximité des villes, de même que des fours à chaux, et ce dès la seconde moitié du 17e siècle.
Pendant ce temps en Acadie (afficher)
Le marais de Belle-Isle en Nouvelle-Écosse a accueilli plusieurs Acadiens qui y ont implanté des exploitations agricoles dès la seconde moitié du XVIIe siècle. Des fouilles archéologiques entreprises dans cette région ont mené à la découverte de nombreux vestiges architecturaux associés aux habitations de plusieurs de ces premiers colons, des découvertes qui ont permis de mieux comprendre l’architecture des habitations rurales de l’époque dans cette région.
L’analyse des données recueillies sur le terrain a permis de dresser une esquisse relativement précise des habitations typiques du marais de Belle-Isle. Ainsi, les premiers Acadiens ont érigé des petites maisons rectangulaires sur des fondations de pierres des champs sur lesquels s’élevaient les murs en pièce sur pièce ou en colombage bousillé. La pièce unique était chauffée par un foyer à âtre adossé à un mur pignon et muni d’une cheminée en terre et d’un contrecoeur en brique. Un four à pain en torchis en forme de dôme s’appuyait contre le même mur pignon, mais à l’extérieur de l’habitation. Le bâtiment était recouvert par un toit de chaume à deux versants.
L’intérieur de la maison recelait un caveau peu profond, d’environ 0,60 m de profondeur, qui occupait parfois la moitié de la superficie de l’habitation. Il s’enfonçait sous le plancher parfois aménagé sur un couchis de troncs d’arbres. La surface des murs était recouverte de crépi.
… en Louisiane (afficher)
Les maisons du fort Toulouse en Alabama : un premier exemple archéologique
L’exemple archéologique retenu illustre l’évolution de l’architecture domestique dans cette région de la Nouvelle-France qui devait fortement s’apparenter aux techniques de construction utilisées par les premiers Acadiens arrivés en Louisiane, après la Déportation.
Entre 1717 et 1763, Fort Toulouse participe au maintien de la présence française et à l’expansion de la Louisiane, dans le sud-est des Etats-Unis. La situation géographique du fort à la tête de la rivière Alabama s’avérait hautement stratégique, tant du point de vue de l’expansion de l’influence française vers l’intérieur des terres que de celui du commerce, en particulier la traite des fourrures. Malgré ces avantages, l’éloignement de Fort Toulouse et la vie difficile que les soldats y menaient était cause de dissensions parmi les troupes, se concrétisant entre autres par des désertions et des mutineries. Afin de palier à la situation, les officiers coloniaux encouragent l’implantation d’un établissement occupé par des civils à l’extérieur des murs du fort. Des familles formées de soldats mariés à des Françaises s’y installent, créant ainsi le Poste Alabama.
Les fouilles menées sur l’emplacement du Poste Alabama ont permis la mise au jour de traces associées à des habitations datant de l’occupation de ces familles françaises. Bien que les labours aient altéré les vestiges architecturaux associés aux occupations du Régime français, les indices récoltés dressent le portrait d’habitations dont l’architecture est associée aux premiers établissements de la vallée du Saint-Laurent, alors que l’adaptation au rude climat canadien ne s’était pas encore faite. En effet, les vestiges montrent une maison qui était peut-être formée d’une seule pièce à l’origine et dont on aurait ajouté une seconde pièce à une extrémité. Les murs ont été érigés selon la technique du poteau en terre dont les interstices ont été comblés à l’aide de bousillage. Par contre, les fouilles n’ont pas permis de découvrir d’autres indices en rapport avec le mode de chauffage ou avec la composition de la toiture.
D’autres fouilles archéologiques menées à Mobile en Alabama ont révélé de nombreux vestiges d’habitations datés du début du XVIIIe siècle. Deux techniques de constructions y ont été identifiées, soit le pieu en terre et le poteau sur sole. La première est associée à de petites maisons à pièce unique qui tenaient lieu de baraquements pour les soldats de la garnison de Mobile, tandis que la seconde comprend des habitations à plusieurs pièces occupées probablement par la population civile.
La maison créole et l’arrivée des Acadiens en Louisiane
Lors de leur arrivée en Louisiane, les Acadiens entrent en contact avec la culture créole préexistante, celle des Français vivant déjà en terre louisianaise qui s’inspirait en partie de la culture française métropolitaine et de celle des Antilles. Les Acadiens l’ont alors adaptée en retenant certains éléments, qui satisfaisaient leurs besoins, et à leur culture d’origine.
Cette adaptation s’est matérialisée entre autres avec la transformation graduelle des bâtiments érigés par les Acadiens de la Louisiane. Les premières habitations érigées par les nouveaux venus consistaient en des maisons construites selon la technique du pieu en terre, dont les murs étaient surmontés d’un toit à deux versants recouverts de palme. Toutefois, les pieux ont rapidement été remplacés par des planches de cyprès toujours plantées dans le sol et agencées à la manière d’une palissade, pendant que les toits sont désormais en écorce.
Vers la fin du XVIIIe siècle, l’architecture domestique « cajun » adopte sa forme finale avec ses emprunts à la technique créole et leur adaptation aux traditions séculaires. Les poteaux des murs sont fixés sur une lourde sole qui est maintenue hors du sol humide par des piliers en cyprès, qui seront éventuellement remplacés par des piliers en brique. L’entre-colombage est comblé par un hourdis de torchis, et les fenêtres avant et arrière sont soigneusement alignées de façon à permettre une meilleure ventilation. Le porche, ou galerie, longe la façade de la maison.
L’espace intérieur de l’habitation peut parfois comprendre deux pièces, mais souvent on n’en trouve qu’une seule, et le toit à deux versant permet l’aménagement d’un grenier. Quant à la source de feu, pour la cuisine ou le chauffage, on trouve toujours l’âtre dont la cheminée est en terre. Ce matériau sera éventuellement remplacé par la brique, tout comme les piliers maintenant la maison isolée du sol. Enfin, l’habitation est recouverte d’un toit à deux versants, un trait typiquement français qui démontre le refus du toit à croupe caractéristique de l’architecture créole. Néanmoins, une légère transformation est apportée à la toiture française qui s’étire au-dessus de la galerie de la façade afin de procurer une ombre précieuse.
… et dans les Illinois (afficher)
Arrivés au cours du XVIIIe siècle, les colons d’origine canadienne ont pu reprendre certaines traditions architecturales qui convenaient mieux au climat relativement clément de la grande région du Mississipi qu’à l’environnement plus difficile des rives du Saint-Laurent. De plus, les Louisianais venus s’installer aux Illinois ont sans doute apporté dans leur bagage des connaissances qui ont influencé elles aussi le paysage architectural.
La technique du poteau en terre a été utilisée pour les premières constructions, mais l’humidité et les risques d’inondation ont rapidement mis les constructeurs d’habitations devant l’obligation de revoir leurs façons de faire afin de rendre les maisons plus durables. On opte alors pour le poteau sur sole, isolé de la terre par une fondation de pierre. On comblait l’espace entre les poteaux (l’entre-colombage) avec des petites pierres noyés dans le mortier ou la terre (colombage pierroté) ou avec un mélange d’argile et de matériaux organiques (colombage bousillé).
Comme la maison acadienne de la Louisiane, l’habitation du pays des Illinois possédait des galeries qui couraient sur deux ou sur les quatre côtés du bâtiment. Le porche était protégé du soleil par l’extension du toit à deux versants (à la française) ou à croupe (à quatre versants) soutenu par des poteaux plantés devant la galerie. Il s’agit là d’un élément architectural qui dénote probablement une influence créole. Ce toit était habituellement recouvert de bardeaux de cèdre.
Ne comptant probablement à l’origine qu’une seule pièce, comme la plupart des premières habitations érigées par les colons, la maison des Illinois s’est développée de façon à posséder quelques subdivisions au rez-de-chaussée, tout en conservant le grenier qui pouvait être habitable. Ainsi, la maison typique ne comptait qu’un étage et demi avec le grenier. On chauffait les aires d’habitation grâce à une cheminée à âtre en pierre qui ne servait pas toujours à la cuisson de la nourriture, car de nombreux exemples de maisons coloniales du pays des Illinois possèdent une cuisine extérieure.
Conclusion (afficher)
L’étude de l’architecture en Nouvelle-France démontre que l’adaptation à un nouveau milieu physique et humain ne peut s’effectuer en quelques années et qu’une période transitoire a été nécessaire pour en arriver à une façon d’habiter idéale. L’abandon graduel de certaines techniques de construction dans la vallée du Saint-Laurent et l’amélioration de ces mêmes techniques dans des environnements plus cléments, comme dans le pays des Illinois et en Louisiane, montrent toutefois que les habitants de la Nouvelle-France ont fait preuve d’ingéniosité afin de rendre ces nouvelles terres plus accueillantes.
Pistes de lecture (afficher)
AUDET, Bernard, 1990 Avoir feu et lieu dans l’île d’Orléans au XVIIe siècle. Coll. Ethnologie de l’Amérique française, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 271 p.
BOITHIAS, Jean-Louis et Corinne MONDIN, 1979 La maison rurale en Normandie. 1. La Haute-Normandie. Contribution à un inventaire régional. Les Cahiers de Construction Traditionnelle, éditions CRÉER, Nonette, 90 p.
CHAPELOT, Jean and Robert FOSSIER. Le village et la maison au Moyen-Âge. Paris: Hachette, coll. “Bibliothèque d’archéologie”, 1980. 357 p.
CÔTÉ, Hélène, 2008 « L’architecture vernaculaire dans l’aménagement du territoire en Nouvelle-France : médium de communication ou adaptation au milieu ? » in Christian Roy et Hélène CÔTÉ (Éd.) Rêves d’Amériques : Regard sur l’archéologie de la Nouvelle-France. Coll. Hors Série 2, Association des archéologues du Québec, Québec, pp. 141-168.
2005 Archéologie de la Nouvelle-Ferme et la construction identitaire des Canadiens de la vallée du Saint-Laurent. Coll. Mémoires de recherche 2, Association des archéologues du Québec, Québec, 198 p.
2003 Paléohistoire, Moyen-Âge et modernité. Résultats de l’intervention archéologique de 2001 sur les sites BiFi-23 et BiFi-12 à La Prairie. Célat, Université Laval, 115 p.
DE BILLY-CHRISTIAN, Francine et Henri RAULIN, 1986 L’architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Île-de-France et Orléanais. Berger-Levrault, Paris, 269 p.
DECHÊNE, Louise, 1988 Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle. Les Éditions du Boréal, Montréal, 532 p.
GAUTHIER-LAROUCHE, Georges, 1974 Évolution de la maison traditionnelle dans la région de Québec. Coll. Les archives de folklore 15, Les Presses de l’Université Laval, 315 p.
GUIMONT, Jacques, 1996 La Petite-Ferme du cap Tourmente. De la ferme de Champlain aux grandes volées d’oies. Septentrion, Sillery, 230 p.
GUMS, Bonnie L., 2002 « Earthfast (Pieux en Terre) Structures at Old Mobile » in Gregory WASELKOV (Éd.) French Colonial Srchaeology At Old Mobile : Selected Studies. Historical Archaeology volume 36, no 1, pp. 13-25.
JEAN, Suzanne, 1981 L’architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Poitou, pays charentais. Berger-Levrault, Paris, 297 p.
LAVOIE, Marc, 2008 « Un nouveau regard sur le monde acadien avant la Déportation. Archéologie au marais de Belle-Isle, Nouvelle-Écosse »» in Christian Roy et Hélène CÔTÉ (Éd.) Rêves d’Amériques : Regard sur l’archéologie de la Novelle-France. Coll. Hors Série 2, Association des archéologues du Québec, Québec, pp. 70-95.
LÉONIDOF, Georges-Pierre, 1987a « Les maisons, 1660-1800 » in Louise DECHÊNE (Éd.) Atlas historique du Canada. Vol. I : Des origines à 1800. Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, pl. 55.
1987b « La maison de bois » in Louise DECHÊNE (Éd.) Atlas historique du Canada. Vol. I : Des origines à 1800. Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, pl. 56.
LÉONIDOFF, Georges-Pierre, Micheline HUARD et Robert CÔTÉ, 1996 La construction à Place-Royale sous le Régime françaisLe Régime français en Nouvelle-France couvre la période 1604-1763, donc de la fondation de l’établissement de l’Île Sainte-Croix à la signature du Traité de Paris qui cédait la colonie à la couronne anglaise.
. Coll. Patrimoines Dossiers no 98, Les Publications du Québec, Québec, 477 p.
MARTIN, Paul-Louis, 1999 À la façon du temps présent. Trois siècles d’architecture populaire au Québec. Coll. Géographie historique, Les Presses de l’Université Laval, 378 p.
MOUSSETTE, Marcel, 2009 Prendre la mesure des ombres. Archéologie du Rocher de la Chapelle. Les Éditions GID, 315 p.
1983 Le chauffage domestique au Canada des origines à l’industrialisation. Coll. Ethnologie de l’Amérique française, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 316 p.
ROYER, Martin, 2007 « Le fort Senneville, un poste de traite (?) ». Archéologiques 20, pp. 16-27.
SHELDON Jr, Craig T., Ned J. JENKINS et Gregory A. WASELKOV, 2008 « French Habitations at the Alabama Post, ca 1720-1763 »» in Christian Roy et Hélène CÔTÉ (Éd.) Rêves d’Amériques : Regard sur l’archéologie de la Novelle-France. Coll. Hors Série 2, Association des archéologues du Québec, Québec, pp. 112-126.
WASELKOV, Gregory A., 1991 Archaeology at the French Colonial Site of Old Mobile (phase 1 : 1989-1991). Anthropological Monograph 1, University of South Alabama, 212 p.
Sites web (afficher)
Center for Archaeological Studies – Université de South Alabama (en anglais seulement)
http://www.southalabama.edu/archaeology/center.html
Centre pour l’étude du pays des Illinois
http://frenchcolonialstudies.org/en_francais.shtml
Colombages verronais
http://www.vernon-visite.org/maisons/fr/hourdis.htm
De pierre, de bois, de brique. Histoire de la maison au Québec
http://www.maisonlamontagne.com/accueil.asp
Elizabeth M. Scott, Ph.D. Fouilles et recherches à Ste-Geneviève, Missouri, et autres sites coloniaux français (en anglais seulement)
http://lilt.ilstu.edu/emscot2/relatedsites.html
Habitations françaises aux postes d’Alabama, ca. 1720-1763 (en anglais seulement)
http://www.fttoulousejackson.org/FrenchHabitations.htm
L’Encyclopédie canadienne – Architecture-histoire de l’architecture : Régime français
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0009250
Louis Bolduc House, Ste-Geneviève, Missouri (en anglais seulement)
http://en.wikipedia.org/wiki/Louis_Bolduc_House
Ste. Genevieve, Missouri (en anglais seulement)
http://en.wikipedia.org/wiki/Ste._Genevieve,_Missouri