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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

Transcription : Monument de Stanley Hunt sur les pensionnats

Artéfactualité, saison 2, episode 3.

[00:00:01] Kim Thúy : Dans cet épisode d’Artefactualité… L’art peut-il nous aider à donner un sens à une tragédie? Peut-il nous aider à assumer les erreurs du passé? Peut-il nous aider à guérir et à aller de l’avant? Je m’appelle Kim Thúy. Dans ce balado du Musée canadien de l’histoire, ensemble, nous allons explorer ce que les objets et les histoires du passé peuvent nous apprendre sur qui nous sommes aujourd’hui. Qu’est ce qui trouvera encore écho demain? Comment conservera-t-on le souvenir des événements qui se déroulent autour de nous?

[00:00:43] Stanley Hunt : J’ai toujours cru aux créateurs. Je crois que pendant une fraction de seconde, nous vivons dans l’œuvre du Créateur.

[00:00:52] Kim Thúy : Stanley est membre de la Première Nation Kwagu’l. Il vit dans le nord-est de l’île de Vancouver, dans le village de ʦax̱is, également connu sous le nom de Fort Rupert.

[00:01:05] Stanley Hunt : Je regarde par ma fenêtre, une fenêtre qui donne sur la baie. Ce qu’on y voit change chaque jour et chaque seconde. Il y a des aigles, des corbeaux, parfois des orques et d’autres fois des baleines à bosse. La marée monte et la marée descend tous les jours. On peut trouver des crabes et des palourdes. C’est remarquable. Je pense vraiment que c’est l’œuvre du créateur.

[00:01:35] Kim Thúy : Stanley a créé un impressionnant monument pour rendre hommage aux victimes du système canadien des pensionnats autochtones. Ce monument est taillé dans un énorme tronc de cèdre rouge et mesure près de six mètres de haut. Il est sculpté de 130 visages d’enfants. Leurs expressions sont graves et tristes. Aucun ne sourit. Les visages sont peints en noir et sont bordés d’orange, la couleur associée au mouvement « Chaque enfant compte » visant à rappeler les vies perdues dans les pensionnats autochtones au Canada. Ces institutions ont fonctionné d’un océan à l’autre pendant plus d’un siècle. Elles ont été créées pour briser les familles autochtones et éliminer les cultures et les langues autochtones. Une grande partie du personnel et du clergé qui dirigeait ces écoles a abusé émotionnellement, physiquement et sexuellement des milliers d’enfants. Stanley a eu l’idée de créer ce mémorial lorsqu’il a entendu parler des tombes anonymes sur le site d’un ancien pensionnat près de Kamloops, en Colombie-Britannique. En 2021, la première nation de Tk̓emlúps te Secwépemc en Colombie-Britannique a trouvé des preuves qu’on y avait enterré des centaines d’enfants autochtones.

[00:03:05] Kim Thúy : Stanley se souvient du moment où il en a entendu parler. Il était en train de sculpter un mât totémique avec son neveu Mervin.

[00:03:16] Stanley Hunt : Je travaillais sur un autre mât totémique dans mon jardin, là où je les sculpte. Je me souviens que nous écoutions la radio. On y parlait des 215 enfants. Nous nous sommes arrêtés, Mervin et moi, pour écouter. C’est dur de décrire un tel moment, quand vous entendez ce genre de nouvelles. Ça semblait irréel. Nous avons écouté toute l’émission et puis nous nous sommes regardés. Nous étions tous les deux sous le choc. C’était difficile de cacher nos émotions et de regarder les nouvelles tous les jours après ça pour voir si tout ça était vrai ou non. C’était très dur. Il y a eu beaucoup de longues discussions pour savoir comment cela avait pu arriver.

[00:04:12] Kim Thúy : Les parents de Stanley et deux de ses frères et sœurs d’âge plus avancé ont fréquenté des pensionnats. Lui et ses quatorze autres frères et sœurs ont fait partie de la rafle des années 60, pendant laquelle on a enlevé les enfants autochtones de leurs familles pour les placer dans des foyers non autochtones. Stanley et sa famille parlent rarement de leurs expériences.

[00:04:39] Stanley Hunt : Nous avons toujours eu une idée de ce que cela avait dû être. Nous avons toujours su qu’il s’était passé des choses, mais on ne pouvait pas mettre le doigt dessus. Je connais bien mon père. Une fois, il avait faim et avait gardé un morceau de sucre dans sa poche. Les autorités du pensionnat l’ont trouvé; je ne sais pas trop comment. Dans ce cas-là, elles avaient pour habitude de faire enlever les chemises et utiliser un bâton de bois de noyer pour les frapper. Tout ça pour un petit morceau de sucre. C’est ce qu’il nous a raconté.

[00:05:17] Kim Thúy : Stanley s’est donné pour mission de créer un monument qui témoignerait des préjudices et des souffrances subies par les peuples autochtones. Un monument qui ouvrirait les portes de la réconciliation et de la guérison.

[00:05:33] Stanley Hunt : De toutes les sculptures que j’ai faites, et il y en a beaucoup dans le monde, c’est cette sculpture qui m’a demandé le plus d’efforts et qui m’a donné le plus d’émotions.

[00:05:45] Stanley Hunt : Pour moi, vous savez, l’histoire n’est pas faite que de bonheur et de beauté. Il y a des choses qui se passent. Il y a des parties de l’histoire dont les gens ne veulent jamais parler.

[00:05:58] Stanley Hunt : On ne pourrait pas imaginer des gens parler de ça, il y a cent ans.

[00:06:03] Kim Thúy : Au sommet du monument, Stanley a sculpté un grand corbeau. Dans sa culture, le corbeau représente le Créateur.

[00:06:13] Stanley Hunt : Ce corbeau au sommet du monument regarde en bas vers son centre. Le corbeau tient la graine de la vie dans son bec et ses ailes sont complètement déployées et un peu abaissées pour réconforter les enfants, pour les ramener à la maison. Les visages qui se trouvent sur le monument sont tous différents. J’ai délibérément inversé la croix sur le monument ainsi que la feuille d’érable, le sigle de la GRC et celui de la police à cheval du Nord-Ouest. Mais en même temps, lorsque le corbeau regarde le monument, il regarde directement l’avant de celui-ci, là où se trouve la croix. Le corbeau voit la croix à l’endroit parce que le corbeau va nous aider à redresser la situation, à ramener ces enfants à la maison. Il appelle leurs esprits à revenir à la maison. Je crois que ça va marcher, que cela va arriver et que nous allons retrouver ces enfants. Je ne veux pas que le gouvernement se contente de les retrouver; je veux qu’il leur donne un nom. Parce que chaque enfant avait un nom. Chaque enfant aurait pu avoir une carrière. Nous ne connaissons pas le futur qui aurait pu être le leur. Ces enfants auraient pu devenir des artistes ou des peintres, écrire des livres, gouverner le pays, être des médecins, travailler dans le domaine de la justice. Tout leur était possible, mais on ne leur a pas laissé la chance.

[00:07:58] Kim Thúy : Stanley a travaillé sur le monument pendant près d’un an avec l’aide de deux de ses neveux. Une fois la sculpture terminée, il a invité des membres de la communauté ainsi que des membres de la GRC et de la Garde côtière à venir l’aider à le peindre. Stanley se souvient du moment où le monument a été sorti de la tente où il avait été créé.

[00:08:27] Stanley Hunt : En une fraction de seconde, il est venu au monde. J’ai donc noté l’heure exacte. Une fois retiré de la tente pour la première fois, nous avons pu prendre du recul et le contempler. Parce que dans la tente, on pouvait le voir seulement à un mètre de distance. C’était incroyable de pouvoir le contempler pour la première fois. Bien sûr, on en avait une image dans notre tête, mais de le voir en vrai… Nous avons pris un moment pour nous arrêter, regarder et penser à tout ce qui s’était passé avant d’arriver à cet instant précis où nous pouvions le voir.

[00:09:07] Kim Thúy : C’est comme s’il avait pris vie.

[00:09:09] Stanley Hunt : C’est ce qu’il a fait. Je vais vous raconter une chose qui s’est produite après que nous l’avons dégagé et sorti de la tente. J’ai ma petite fille, Jade. Elle a sept ans et elle parle très peu. Elle est absolument magnifique, mais elle a ses propres petits défis à relever dans la vie. Par pur hasard, sans aucun plan ni aucune préparation, ce jour-là, elle portait un petit chapeau de soleil orange et noir, une petite veste en jean et une petite robe d’été rouge. Elle s’est dirigée d’elle même vers le monument, s’est tenue à côté et a approché ses mains sans le toucher. Elle a fermé les yeux et elle est restée là. Je ne sais pas à quoi elle pensait. Elle ne peut pas nous le dire, mais j’espère qu’un jour elle y arrivera.

[00:10:06] Kim Thúy : Stanley savait qu’il voulait que le monument soit vu par le plus grand nombre de personnes possible. Il s’est donc adressé au Musée canadien de l’histoire. Kaitlin McCormick est la conservatrice du Musée qui a travaillé avec Stanley à l’acquisition du monument.

[00:10:26] KAITLIN Je pense que ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il s’agit vraiment d’un objet concret qui permettra aux Canadiens et aux visiteurs d’établir un lien avec l’histoire des pensionnats. Ça fait partie de l’histoire du pays que nous revisitons actuellement et nous cherchons toujours à améliorer et à rendre plus efficace la transmission de cette histoire, en collaboration avec les personnes qui ont survécu au pensionnat ou qui sont liées à eux. Je pense donc que l’aspect le plus important de ce projet est qu’il va nous aider à témoigner de cette histoire et à nous l’approprier en tant que Canadiens et en tant qu’employés du Musée national.

[00:11:01] Kim Thúy : Mais tout d’abord, comment transporter une œuvre d’art de près de trois tonnes à travers cinq provinces? Le transport du monument de l’île de Vancouver jusqu’à Gatineau, au Québec, a nécessité un camion à plateforme, un aéroglisseur et un catamaran. Le monument n’a jamais été enveloppé pendant tout son périple afin que les visages des enfants puissent être témoins de chaque étape.

[00:11:32] Stanley Hunt : Je crois que les totems ont tous leur propre esprit et je voulais qu’avec celui-là, il lui soit possible de voir, de voir tout le voyage fait pour être honoré sous l’escorte de la GRC jusqu’à Ottawa depuis Fort Rupert. Je voulais qu’ils voient la marine canadienne, qu’ils voient qu’on ne se contentait pas de nous escorter dans le port. À la proue du NCSM Edmonton, il y avait trente ou quarante membres de la marine qui se tenaient sur la proue, portant leurs uniformes blancs. Personnellement, je ne connais rien de tel qui soit arrivé avec autant de soutien de la part de la GRC, de la Garde côtière, de la marine canadienne et même de l’armée canadienne qui l’a transporté de Vancouver à Regina, à l’arrière d’un de ses camions.

[00:12:29] Kim Thúy : Le monument a fait plusieurs arrêts au cours de son voyage. À chaque endroit, une cérémonie a été organisée en l’honneur des victimes. La première a eu lieu dans le jardin de Stanley.

[00:12:44] Stanley Hunt : Nous avions quatre jouets, des petits voiliers. Mon cousin Calvin a aussi fabriqué quatre paires de mocassins. Et puis quatre chandails pour enfants, des chandails oranges ainsi que quatre plateaux avec de la nourriture. Nous avons fait tout ça pour les enfants afin de leur faire savoir que nous venions et que c’était pour leur bénéfice.

[00:13:10] Kim Thúy : Qu’est ce que cela vous a fait de voir comment les personnes ayant survécu aux pensionnats autochtones percevaient le monument?

[00:13:20] Stanley Hunt : C’était incroyable. Chaque fois que nous nous arrêtons, que nous prononcions nos discours, que nous chantions nos chansons et que nous parlions, il y avait des gens qui s’approchaient et qui disaient : « Est ce que je peux poser ma main dessus? » Et alors, bien sûr, les gens posaient leurs mains, fermaient les yeux et un certain nombre craquait littéralement : « Je n’ai jamais parlé à personne de ce qui m’est arrivé au pensionnat. » Et les gens s’asseyaient là et nous racontaient leur histoire.

[00:13:55] Stanley Hunt : Et cela se produisait encore, encore, encore et encore. Les gens s’approchaient, apportaient des fleurs et les tenaient en levant la main pour leur offrir. Il y en avait qui s’effondraient. C’étaient des moments très émouvants. On nous remerciait d’avoir apporté le monument et de leur avoir permis de le voir. C’est quelque chose que tout le monde avait besoin de voir.

[00:14:22] Kim Thúy : Cela a peut-être aussi permis un peu de guérison.

[00:14:27] Stanley Hunt : Je pense que oui. Oui, je pense que c’est pour cela qu’il a été créé. Pour nous permettre de guérir, de faire émerger la vérité. Et je pense que, d’après ce que j’ai vu jusqu’à présent de Port Hardy à Ottawa, je crois que ça aide les gens.

[00:14:47] Kim Thúy : D’être vus et d’être entendus, je pense.

[00:14:49] Stanley Hunt : Et d’entendre leur propre voix raconter leur histoire. Vous savez, beaucoup de personnes m’ont dit qu’elles n’avaient jamais parlé à personne de ce qu’elles avaient vécu. Et les voilà parlant devant une centaine d’individus ou plus, leur racontant leurs expériences.

[00:15:09] SON [chant et tambours autochtones]

[00:15:19] Stanley Hunt : Nous avons marché dans le Musée un jour ou deux après notre arrivée. Nous avons joué du tambour et chanté dans le musée à l’arrière sur le quai de livraison. Nous étions en régalia. Nous aidions le camion à apporter avec nos chants, et sur place je me suis senti très honoré par le fait que le Musée ait décidé de l’accueillir. J’ai été très honoré que le Musée envisage de conserver une pièce qui sera probablement très controversée au cours de sa vie, parce que je ne connais aucun monument au monde dont la croix a été délibérément placée à l’envers. Ce n’est pas pour insulter qui que ce soit. Il s’agit de marquer une période très sombre de l’histoire, au cours de laquelle de très mauvaises décisions ont été prises. Voilà ce que cela signifie. J’aime le Canada. Je suis fier d’être Canadien. Je suis fier des Kwagu’l. Je ne pourrais pas imaginer vivre ailleurs dans le monde. Mais tous les autres pays ont aussi de terribles secrets qu’ils ne veulent pas que l’on apprenne. Mais une fois que les choses sont connues et que les faits sont avérés, je pense que le pays devrait nous aider à accepter la vérité en nous donnant toutes les informations qui ont été cachées.

[00:16:55] KAITLYN Quand le monument est arrivé, il a été retiré de la plateforme et amené à l’intérieur du Musée pour sa préparation.

[00:17:01] Kim Thúy : Je suis au Musée avec Kaitlin McCormick, conservatrice spécialisée en histoire autochtone et en culture contemporaine de l’ouest du Canada. Elle me montre l’endroit où le monument est actuellement entreposé.

[00:17:18] Kim Thúy : D’accord. Alors, où sommes-nous en ce moment? Qu’est ce qu’on regarde? Parce que tout est si grand.

[00:17:25] KAITLYN Oui, c’est vrai. En fait, nous procédons à une rotation des pièces pour les exposer ou non. Ainsi, lorsqu’une pièce de grande taille n’est pas exposée dans les galeries, elle est placée ici. C’est ici que nous prenons soin de ces objets lorsqu’ils ne sont pas exposés dans les galeries.

[00:17:40] Kim Thúy : Le monument est actuellement couché et enveloppé dans une protection en plastique. Il est tellement grand que je pense que vous pouvez m’entendre marcher le long du monument et on peut avoir toute une conversation entre le début et la fin. Kaitlin explique que le désir de Stanley de travailler avec le Musée est très important. Depuis 1978, le Musée rapatrie des objets dans les communautés autochtones. Le personnel s’est donné pour priorité d’établir et de renforcer ces relations.

[00:18:16] KAITLYN Quand il est arrivé ici, nous avons vu cet esprit de réconciliation. Nous l’avons senti également dans le Musée. Quand le monument est arrivé, Stanley a invité le personnel du Musée à venir l’aider à le laver. Donc, à son arrivée, nous avons tous pris de l’eau chaude et nous avons lavé le monument qui avait passé beaucoup de temps sur la route. Nous avons aidé à finir de peindre des détails qui avaient été grattés ou abîmés au cours de son voyage à l’extérieur. C’était une expérience unique, comme pour ceux d’entre nous qui ont eu la chance d’assister à son arrivée à la réception et à la cérémonie. Nous avons tous participé à son entretien dès son arrivée, en le lavant, en retouchant la peinture abîmée et en participant à une partie de la cérémonie à l’extérieur. C’était vraiment unique et très inclusif. Je pense que tout le monde ici au Musée s’est senti… enfin, tout ceux que j’ai vus se sont sentis submergés par l’émotion d’être impliqués dans cet événement extraordinaire et savoir qu’il s’agit d’une œuvre que l’artiste et sa famille voulaient voir figurer dans la collection nationale était vraiment important et unificateur.

[00:19:21] Kim Thúy : Je dirais que d’être ici, d’avoir l’occasion de se tenir à côté de ce monument extraordinaire et d’en réaliser la taille est un moment marquant. Dans le sens où l’on se rend compte de l’ampleur et de l’importance qu’il y a à comprendre de notre histoire. Je pense surtout que même si nous n’en connaissons pas assez sur notre histoire, le simple fait de se tenir à côté de ce monument nous permet de la ressentir. Je trouve ça très émouvant. C’est très chargé en émotion d’être ici en présence des enfants.

[00:19:58] KAITLYN Et vous n’êtes pas la seule. C’est comme si cette œuvre avait un pouvoir. C’est un être vivant. Et elle a aussi ce pouvoir émotionnel qui relie tous ceux qui la voient et qui se trouvent en sa présence.

[00:20:09] Kim Thúy : Je pense que c’est la bonne décision parce que c’est au-delà de l’art. L’art n’est que le véhicule. Mais je pense que cette pièce fait partie de, oui, de l’histoire de notre société, de notre culture. Elle nous guidera. Elle nous montrera la voie à suivre pour l’avenir.

[00:20:28] KAITLYN Exactement. Et je pense que c’est parce qu’il est si inclusif. Comme si la voie à suivre était de travailler ensemble pour reconnaître que nous avons des histoires différentes, des héritages différents et des expériences différentes dans ce pays, mais que nous pouvons travailler ensemble pour être meilleurs et pour faire les choses de la bonne manière. Et je pense que cette pièce inspire vraiment cet esprit aux gens.

[00:20:51] Kim Thúy : Je pose ma main sur le plastique qui recouvre le monument. Même s’il est couvert, il imprègne la pièce de l’odeur du cèdre. Sous mes doigts, je peux sentir les formes sculptées dans le bois. J’aimerais juste vous dire que nous nous excusons. Nous nous excusons. On peut le sentir. Il y a cette… je ne sais pas comment on appelle ça, mais il y a cette énergie qui se dégage de cette pièce, ne serait-ce que par sa taille. Ça vous fait sentir très, je ne sais pas, très humble pour affronter la nature humaine, le côté sombre de la nature humaine, et nous rappeler qu’elle peut nous dépasser. Et si nous ne faisons pas attention, nous nous laisserons aller à des actes, oui, des actes qui ne peuvent être réparées. Nous pouvons seulement espérer que nous ne les le répéterons pas.

[00:21:50] KAITLYN Je pense que notre pays traverse actuellement une période de transition, et l’arrivée de cette œuvre particulière va contribuer à cette transformation. Elle va avoir pour effet d’aider les gens à témoigner et à changer la façon dont ils perçoivent cette histoire.

[00:22:08] Kim Thúy : Kaitlin espère que le public du Musée qui verront le monument seront incités à réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans la réconciliation. Stanley espère que les gens y verront la vérité.

[00:22:23] Stanley Hunt : La vérité, c’est qu’il ne s’agit pas que d’une simple histoire. Tout ça est vraiment arrivé. Je crois que cela va nous donner un point de repère pour comprendre et même discuter de cette histoire. Je ne pense pas que les gens n’aient jamais voulu le faire, vraiment. Voici l’histoire d’un survivant des pensionnats. Les gens n’étaient pas prêts, beaucoup d’entre eux. Je pense que les gens pensaient que tout était inventé. Et j’espère que cela nous donnera un point de repère pour nous montrer qu’il est normal de parler, de verser des larmes et même d’être en colère. J’espère que cela ouvrira les yeux des gens. J’espère que cela ouvrira les yeux des gens et que ceux qui ne veulent même pas en entendre parler en entendront parler. Il faut laisser les gens en parler.

[00:23:19] Kim Thúy : Stan, ce fut vraiment un privilège pour moi de pouvoir vous parler et j’espère que j’aurai l’occasion de vous rencontrer en personne. Merci pour votre talent et merci pour votre audace.

[00:23:34] Stanley Hunt : Merci de m’avoir laissé raconter mon histoire. Et merci de l’avoir écouté et peut-être de nous aider à la faire connaître au monde entier. Je vous en suis reconnaissant. Vraiment.

[00:23:47] Kim Thúy : Merci.

[00:23:49] Stanley Hunt : On dit dans notre langue : G̱ilakas’la.

[00:23:52] Kim Thúy : G̱ilakas’la.

[00:23:54] Stanley Hunt : G̱ilakas’la veut dire « merci et bonne journée ».

[00:24:00] Kim Thúy : Merci. (rire)

[00:24:06] Kim Thúy : Le maître sculpteur Stanley C. Hunt nous a parlé de son œuvre intitulée Monument commémoratif des pensionnats pour autochtones. Merci également à Kaitlin McCormick, conservatrice au Musée canadien de l’histoire. Merci d’avoir écouté Artefactualité, un balado du Musée canadien de l’histoire. Je m’appelle Kim Thúy. Artefactualité est produit par Antica Productions. Ann Lang est notre productrice. Soobin Kim est recherchiste. Laura Regher et Stewart Coxe sont chefs de production chez Antica. Le mixage et la conception sonore sont assurés par Alain Derbez. Jenny Ellison, Robyn Jeffrey et Steve McCollough du Musée canadien de l’histoire sont les chefs de production de cette série de balados. Visitez « musée de l’histoire point ca » pour découvrir les autres histoires, articles et expositions du Musée. Version française par Power of Babel. Stanley C. Hunt est interprété par Réjean OBomsawin. Dre Caitlin McCormick est interprétée par Caroline Dubois. Directeur de plateau : Olivier Couture. Traduction et adaptation par Caroll Cafardy. Ingénieur de son : Olivier Couture. Mixage français par David Moreau. La chef de projet est Chantale Renée. Supervision par Eric Geringas.