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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

Les enfants : la perte la plus importante dans la tragédie de l’Empress

Publié

28 mai 2018


Quand l’Empress of Ireland a sombré au fond du Saint-Laurent le 29 mai 1914, il a aussi entraîné dans les profondeurs du fleuve des hommes, des femmes et des enfants, et ce, sans distinction d’âge ou de classe sociale. Les corps de victimes du naufrage ont été recueillis dans une morgue improvisée dans le hangar du quai de Rimouski. Souhaitant rendre compte de ce qu’il observait, un journaliste local a décrit la scène en ces mots : « Le riche dort à côté du pauvre, le puissant à côté du faible; l’humble Polonais ou Russe qui crevait hier dans les rues de la métropole du Canada […] dort à côté de la patricienne dorée. […] Voilà qu’ils sont tous égaux. »

Égaux dans la mort, mais pas dans la vie

Les 1 057 passagers en partance de Québec pour Liverpool appartenaient à différentes classes sociales. La première classe du navire accueillait entre autres sir Henry Seton Karr, un sportif et un membre du Parlement britannique rentrant au pays après un séjour de chasse à l’orignal en sol canadien. La deuxième classe, pour sa part, hébergeait plus de 170 membres de l’Armée du Salut, en route vers Londres pour assister à un congrès international. Plusieurs des passagers de la troisième classe étaient quant à eux de récents immigrants au Canada et aux États-Unis. Parmi eux se trouvaient Arthur James Blackham, un conducteur de tramway de Toronto qui allait chercher sa fiancée demeurée en Angleterre, ainsi que Carolina et Egildo Braga, qui arrivaient du Minnesota et qui se rendaient à Turbigo, leur ville d’origine située dans le nord de l’Italie.

Les passagers étaient logés dans différentes sections du navire en fonction de leur classe sociale : la troisième classe se situait sur le pont inférieur, la deuxième classe se trouvait au milieu et la première classe occupait le pont supérieur. Lorsque le charbonnier S.S. Storstad est entré en collision avec l’Empress au beau milieu de la nuit, perçant un trou de 30 mètres carrés dans son flanc et enclenchant le déferlement d’une trombe d’eau qui allait faire sombrer le navire en moins de 15 minutes, les passagers de la troisième classe étaient donc ceux qui avaient les plus faibles chances de survie. Nombre d’entre eux se sont retrouvés coincés dans leur cabine et sont morts noyés, sous le pont.

Portrait de Florence Barbour.

Portrait de Florence Barbour. Musée canadien de l’histoire, IMG2012-0381-0004-Dm

L’histoire de Florence Lorraine Barbour

Les enfants représentent toutefois la perte la plus importante dans cette tragédie. Sur les 138 jeunes qui étaient montés à bord, cinq seulement ont réussi à échapper à la mort. La plupart des enfants (102) étaient des passagers de la troisième classe. Parmi les survivants se trouvait Florence Larraine Barbour, une jeune fille de huit ans qui avait entrepris le voyage avec sa mère et sa sœur en deuxième classe. Ses parents, Sabena et Thomas, étaient partis de Cumberland, en Angleterre, pour s’installer dans le district minier de Kootenay en 1896, soit peu de temps après leur mariage. Victime d’un accident alors qu’il travaillait comme conducteur dans la mine et aux alentours, Thomas Barbour était décédé en 1913.

Quittant New Denver à la suite de cette tragédie, Sabenna s’était installée avec ses deux filles à Silverton, en Colombie-Britannique. L’année suivante, elle avait décidé de rendre visite à sa famille en Angleterre. Sabena et ses deux filles avaient entrepris le voyage avec deux amis de la famille, Robert Crellin et William Barrie.

L’Empress a amorcé son périple le 28 mai 1914. La même nuit, à peine quelques heures plus tard, Robert Crellin a sauvé la vie à Florence : faisant irruption dans sa chambre, il l’a prise sur son dos, est monté sur le pont et a plongé dans l’eau avant que le bateau ne coule. Conduite en Angleterre, Florence a par la suite été recueillie par la famille de son père, laissant Robert hors du cercle familial. Celui‑ci avait prévu élever Florence lui-même, mais il en a été autrement.

Le Musée canadien de l’histoire possède les mémoires de Florence, dans lesquels ce tragique événement est relaté. On peut aussi y lire le souhait exprimé par Florence de finir ses jours en Colombie-Britannique, son lieu de naissance, et d’être enterrée dans le « joli petit cimetière situé au pied des montagnes » de Silverton, près de son père et de son oncle* Robert. Le récit se termine par une dédicace destinée à l’homme qui avait sauvé la vie de l’autrice : « Robert Crellin, qui a sauvé une petite fille de huit ans [du naufrage] de l’Empress of Ireland le 29 mai 1914. »

Florence a raconté de façon poignante sa visite au Canada en 1964, 50 ans après la tragédie. Au cours de ce voyage, elle avait rencontré de vieux amis ainsi que le fils de Robert Crellin, qui lui avait remis la montre portée par son père la nuit du naufrage. Après sa visite, Florence est retournée en Angleterre, où elle est décédée à l’automne 1972. Heureuse survivante de la pire catastrophe maritime canadienne, elle a fini ses jours loin de sa terre natale et de ses chers oncle et père.

*Ami très proche de la famille Barbour, Robert Crellin était appelé « oncle Robert » par les enfants.

 

 

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