La vérité est libératrice
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est à l’origine de la bourse qui porte son nom et de la Journée Rose internationale et du Centre canadien de la diversité des genres et de la sexualité, trois initiatives qui visent notamment à combattre l’intimidation et la discrimination liées au genre et à l’orientations sexuelle.
Jeremy Dias se rappelle la première fois où il a reconnu intérieurement la vérité au sujet de son identité et le sentiment de libération suscité par son honnêteté envers lui-même.
Jeremy Dias: J'ai fait un voyage à Ottawa dans le cadre de Rencontres du Canada par l'intermédiaire d'Historica Canada, et j'ai rencontré des gens. D'autres personnes qui étaient gays et d'autres personnes de tout le pays. C'était un grand moment pour moi parce que j'étais capable de connecter avec les gens d'une manière très significative et profonde. Et puis, j'ai rendu visite à certains d'entre eux à Southampton pendant la relâche du printemps. C'était une expérience incroyable parce qu'un gars m'a dragué devant tout le monde. Et ils m'ont demandé : "Pourquoi tu ne sors pas avec ce type?" Je les ai regardés et j'ai dit : "Je suis gay." Et ils ont dit : "On le sait, mais pourquoi tu ne sors pas avec lui?" C'était la première fois que je le disais et que je le reconnaissais. Et je me suis recentré autour de cette identité. Puis, je suis retourné à l'école, et j'étais comme, j'étais gay. J'ai acheté chez Claire's tout ce qui avait un arc-en-ciel. Je voulais vraiment que tout le monde sache que j'étais gay parce que j'avais passé les 13 ou 14 années précédentes à être quelqu'un que je n'étais pas. Je voulais leur montrer en plein visage, physiquement. Et... Oui, ensuite je suis sorti du placard, je l'ai dit à mes parents, je l'ai dit à ma famille. Et c'était dur, c'est sûr et certain. Mais c'était aussi très libérateur d'être simplement honnête et ouvert au sujet de ma réalité. Et... ça a vraiment ouvert une sorte de... porte. Parce que je pense... Je ne sais pas si les gens s'en rendent compte, mais être gay ce n'est pas juste tomber amoureux d'autres gars et c'est tout. Il y a cette culture, cette communauté, cette histoire... Puis, il y a d'autres personnes gays qui ont à la peau brune, qui parlent de l'effacement des personnes de couleur dans la communauté. Et puis on parle de personnes queer et trans de couleur, et des difficultés qui persistent autour du racisme dans la communauté. C'est intéressant de participer à ces conversations et à ces dialogues. Je trouve ça très puissant d'être capable de faire le lien entre ces différents éléments.
Jeremy Dias parle de l’intimidation et des questions qu’il a subies à l’école après le dévoilement d...
Jeremy Dias: Quand mon ami s'est précipité à l'interphone et qu’il a dit à tout le monde que j'étais gay, c'était... Je ne pouvais pas y croire, j'étais totalement sous le choc. Et j'ai juste... J'étais juste vraiment abasourdi. Je ne savais pas quoi faire, comment réagir. Et donc… je suis rentré chez moi pour dîner et je ne suis pas revenu à l'école avant le lendemain. Puis tout le monde en parlait. C'était comme si une roche était tombée dans l'étang et que ça n'arrêtait pas d'onduler. Et les ondulations n'étaient pas toujours énormes. C'étaient des regards de travers, des commentaires. Vous savez... Ce qui est intéressant, c'est le manque d'éducation de ce que ça représentait. Vous savez... Je me rappelle m'être assis à la table où mes amis et moi dînions ensemble. Le capitaine de l'équipe de football était assis en face de moi, et il m'a dit : "Donc tu es gay, pas vrai?" Et j'ai dit : "Ouais". Il me dit : "Ne me drague pas". Et moi : "Je ne vais pas le faire. Tu manges quatre hamburgers, que tu écrases en un seul... Pas mon genre.” Et c'est intéressant parce que derrière ce commentaire, il y a cette idée que les hommes gays vont te draguer juste parce que tu existes. C'est comme... Non. Et derrière ce commentaire que je vais être un prédateur pour lui, même s'il fait deux fois ma taille. Et ma question préférée était, "Alors, comment tu es devenu gay?" Et je me dis : "Wow ! Comment ça se fait que tu ne sais pas ça?" C'est juste...tu l'es ou tu ne l'es pas. Et... Je pense que l'autre défi pour moi c'est que j'avais 14 ans, et même moi, je ne le savais pas, vous savez... Juste parce que j'ai révélé que j'étais gay, ça ne veut pas dire que j'y comprends quelque chose. Je n'ai pas encore reçu de manuel. Et je ne connaissais pas vraiment la réponse, mais je vivais avec ces questions en permanence. Ouais, c'était dur. J'aurais vraiment aimé que mes professeurs soient mieux outillés pour gérer ça. Je pense qu'ils avaient eu du mal à comprendre ce que signifiait être un allié et être un soutien. Vous savez, certains enseignants se disaient juste : "Je vais fermer les yeux. Je vais juste ne pas m'en mêler. Si quelque chose arrive, je vais juste fermer les yeux." Mais certains autres étaient aussi aux prises avec l'homophobie. Je pense qu'il y avait des enseignants qui avaient des convictions très fortes sur les droits et les personnes LGBTQ, et donc ils avaient vraiment eu de la difficulté.
Jeremy Dias parle des effets conjugués de l’intimidation constante qu’il a subie et des incidents qu...
Jeremy Dias: Je pense que c'était mauvais pour ma santé mentale. L'intimidation est mauvaise pour la santé mentale de tout le monde, mais je pense que pour moi, c'était... Ce n'était pas comme si je portais les mauvaises espadrilles parce qu'on était pauvres. Ce n'était pas... C'était une chose immuable sur laquelle les gens avaient une opinion et un droit de critique. Et c'était... Ouais, c'était vraiment dur parce que je sentais que les attaques devenaient personnelles. Et encore, pour beaucoup de gens, c'est juste une blague, mais ce n'est pas le cas. Ce n'est pas juste une blague, c'est juste pas drôle. Et pour beaucoup de gens, c'est la série de blagues qui vous donnaient l'impression d'être petit comme ça. Je ne pense pas que les gens comprenaient à quel point c'était difficile. Je ne pense pas que j'avais le vocabulaire, la capacité d'exprimer à quel point c'était dur. Donc ça n'a fait qu'empirer. Certaines choses sont arrivées que les gens auraient dû savoir. On m'a menacé avec un couteau, on m'a battu après l'école, un professeur m'a poussé en bas des escaliers. Tout le monde devrait savoir que ça ne se fait pas, mais, dans ces moments-là, j'ai l'impression que la personne pense que ça va juste passer ou que ça ne dure qu'une toute petite seconde. Et pour moi, c'était comme ça en permanence, et entre ces moments-là il y avait une sorte de paranoïa, comme... "Qu'est-ce qui va se passer ensuite?" Et je pense qu'on manque de mécanismes de résolution de conflits dans la société en général. Alors, je ne savais pas quoi faire, vous savez... Tu appelles la police, elle ne fait rien. Tu en parles aux profs, ils ne font rien. Tu laisses tomber, ils ne font rien. Et on se dit : "Bien, qu'est-ce que je suis censé faire alors?" Comment je peux éviter que ça se reproduise, ou comment je peux obtenir une sorte de justice pour les situations qui se sont déjà passées?
Jeremy Dias parle de ce qui l’a amené à poursuivre le conseil scolaire public et décrit les hauts et...
Jeremy Dias: Et je crois toujours que la visibilité est la première étape dans la création d'un espace équitable et inclusif. Et c’est crucial de se voir dans l’espace pour concrétiser la sécurité dont nous voulons bénéficier. Donc pour moi, c'était vraiment important qu'on ait ces drapeaux de la fierté gay, qu'on ait ces formations, que l'on commence à avoir ces dialogues et qu'on ait des espaces plus sûrs pour les étudiants LGBTQ2A+. Quand l'administration a dit : "Nous allons y réfléchir", ça traînait depuis si longtemps que je savais que ça n'arriverait pas, et j'étais... Je l'ai signalé à la ministre de l'Éducation de l'époque, Elizabeth Witmer, et elle a répondu par une lettre disant : "Nous avons parlé à l'administration de votre conseil scolaire et aucune de ces expériences d'intimidation se sont produit." Donc j'ai demandé aux gens qui se sont moqués de moi d'écrire des lettres pour dire : "À telle date, à telle heure, je me suis moqué de Jeremy et je n'ai pas eu de problèmes pour ça." Donc j'avais toutes ces preuves que j'ai ensuite utilisées contre mon conseil scolaire. Et je l'ai poursuivi par l'entremise de la Commission ontarienne des droits de la personne. J'ai gagné trois ans plus tard. Ce qui est intéressant dans cette cause, c'est que ce n'est pas comme si j'avais présenté des preuves, qu’ils les avaient regardées et que j’avais gagné. J'ai présenté des preuves, ils m'ont écrit. Je leur ai répondu. On s’est répondu comme ça. Et puis... on n'est pas arrivés à une conclusion, alors on est allés en médiation. Et en médiation, l'avocat du conseil scolaire m'a traité de tapette. J'étais assis là en me disant : "Vous êtes un avocat!" Et je pleurais, ma mère a proposé de m'envoyer un avocat. J'aurais dû accepter l'offre, mais je ne l'ai pas fait. C'est juste comme... C'était vraiment un désastre. Et puis on est allés au tribunal. Les juges ont pris une décision et voilà, c’était fait. Je suis parti et maintenant ils ont des formations pour l'école, il y a des nouveaux livres à la bibliothèque, une alliance gay-hétéro, des profs ont été renvoyés, des gens ont perdu leur emploi. Je reçois cinq mille dollars et c'est fini. Et la définition de ce qu'est la justice, c'était vraiment difficile pour moi parce que pendant tout ce temps, tout ce que je voulais c'était des excuses. Comme littéralement tout ce que je veux, c'est que tu t'excuses et que tu me laisses tranquille pour toujours. Et… Ce n'est pas arrivé. Je me sentais coupable d'avoir pris l'argent parce que cet argent vient des contribuables. Ce n'est pas vraiment l'argent du conseil scolaire. Ce sont des programmes et des initiatives que mon conseil scolaire devrait avoir en place. C'est pourquoi j'ai pris cet argent à l'époque pour créer Jer's Vision et ensuite le Centre pour la diversité de genre et la diversité sexuelle parce que je voulais vraiment cette équité, pas seulement pour moi, mais pour tous les élèves. Ce qui est intéressant, c'est que maintenant, 16 ans plus tard, c'est comme si... l'équité fait partie du dialogue et de la conversation. Vous pouvez aller dans les écoles et vous pouvez voir des drapeaux de fierté gay. Pour moi, j'ai le sentiment que c'est mon... surtout à mon ancienne école secondaire, c'est mon œuvre. Il y a ces autocollants sur des casiers, dans des salles de classe grâce à moi. Et c'est vraiment cool. Vous savez... Aussi, je fais partie de cet héritage de militants pour les droits des personnes queer et trans. Gilbert a inventé le drapeau. J'ai amené le drapeau dans mon école. Je veux dire... Ce n'est peut-être pas le même niveau, mais je pense que c'est plutôt cool.
Jeremy Dias parle de ce qui l’a amené à poursuivre le conseil scolaire public et décrit les hauts et...
Jeremy Dias: L'impact de ça n'était pas seulement les 5 000 $. Ça aurait été acceptable, mais… Je suis fier que mon conseil scolaire offert de la formation pour mes profs et pour le système. Je suis fier qu'on ait maintenant des alliances gay-hétéro, qu'on ait des livres à la bibliothèque. Vous savez? C'était énorme pour moi de voir notre communauté représentée comme ça. Et je crois que… Je crois que la différence systémique est essentielle. J'ai beaucoup de chance d'avoir pu, avec un groupe de bénévoles, faire avancer ce projet encore plus loin que prévu. L'année où j'ai gagné le procès, quand on a fondé Jer's Vision, c'est en fait l'année où le droit égal au mariage a été légalisé au Canada, au niveau national. Et pour moi, je me rappelle avoir été à la soirée avec Paul Martin avec plein de ministres importants et des premiers ministres, et quelqu'un m'a demandé : "Mais pourquoi créez-vous un organisme de bienfaisance gay alors que vous venez de tout gagner?" J'ai dit : "Parce que maintenant, il faut appliquer cette loi et ces droits de la personne, à tout le monde et s'assurer que tout le monde puisse en profiter, comprendre ses droits et tirer parti de ces occasions." Pour moi, c'était essentiel. C'était une grande partie de tout cela.
Jeremy Dias parle du travail constant envers l’équité et la justice, ainsi que de la façon dont il a...
Jeremy Dias: Ce que je trouve intéressant, c'est cette notion d'équité et de justice sociale. Pour moi, il était essentiel de continuer à faire évoluer cette conversation. Donc, en plus des manifestations, on a commencé à visiter les écoles, à discuter avec les élèves, et à recruter des bénévoles, puis des employés rémunérés pour aller dans toutes les écoles secondaires. On a commencé à être très stratégiques et on est allés dans les cours de gym de secondaire 3 parce que tous les jeunes doivent prendre ce cours et c'était la meilleure stratégie pour que tout le monde puisse entendre ce message et cette conversation. On a commencé à faire des discours, des présentations sur l'histoire et sur la santé, et on a vraiment répété l'exercice plusieurs fois pour que les gens puissent avoir une éducation inclusive, pour qu'ils entendent au moins une fois dans leur vie les mots "gay" et "lesbienne" de manière positive, ou "trans", "bi", "queer", et "non-binaire" de manière positive afin de pouvoir intégrer cette information à leur vie quotidienne. Ça, c'était essentiel. C'était extrêmement important.
Jeremy Dias parle du « chandail gai », une œuvre d’art à porter inspirée des termes courants qualifi...
Jeremy Dias: Le Gay Sweater, c'est très intéressant parce que, littéralement, des centaines de personnes queer et trans dans le pays se sont coupé les cheveux, et deux designers, Amelia et Brenna, les ont filés et tissés pour en faire un chandail. Et... Encore aujourd'hui, je prends les transports en commun pour aller partout. Dans l'autobus, on entend des propos homophobes sur le film, le chandail ou le t-shirt qui sont tellement gays. Et de rendre cette expression littérale était pour moi une idée très intéressante, parce que… que signifie être gay? Vous voyez? Qu'est-ce que ça veut dire de rendre l'homophobie et la transphobie littérales? Je vais revenir en arrière. On a présenté ce chandail partout au Canada. Premièrement, c'est très bizarre. Puis les gens ont beaucoup de choses à dire sur les cheveux. Et la culture des vêtements en cheveux est compliquée. En tant que catholique, je sais qu'il y a eu des chandails en cheveux qui étaient utilisés pour torturer les gens. Vous savez, au Népal, les cheveux sont tissés avec des restes de tissu pour fabriquer du feutre puis des chaussures. Vous savez... Les cheveux sont un matériau très intéressant, surtout les cheveux humains. Il y a toute une culture artistique pas si ancienne, qui est encore pratiquée aujourd'hui, où les gens utilisent les cheveux de membres de leur famille pour faire… des couronnes et d'autres sortes de fleurs pour se souvenir de ceux qui sont décédés. Certaines personnes en font même des bijoux. C'était intéressant d'utiliser des cheveux. Et si on imagine qu'être gay est dans notre ADN, alors c'est dans nos cheveux. On pouvait donc faire quelque chose de concrètement gay. C'était une idée bizarre et on l'a présentée aux écoles. En tant qu'œuvre d'art, je dirais que les gens y pensent de toutes sortes de façons. C'était intéressant, parce que le même jour où j'ai fait plusieurs présentations sur le chandail, une jeune fille queer et trans a essayé le chandail. Après la présentation, elle a dit : "J’aimerais couper mes cheveux et les ajouter au chandail parce que je veux faire partie de ça. Je veux faire partie de cet héritage, cette véritable œuvre d'art qui se bat pour mes droits en ce moment." C'était très cool. Elle a vu de la valeur dans cet objet. Donc, ce qui était intéressant, le même jour où on a fait une présentation, un autre élève arrive, il met le chandail, il est là et il dit : "Ça pique, c'est un peu lourd et c'est très inconfortable." Il est là et on parle du chandail, puis il me coupe : "Je peux dire une chose?" On dit : "Bien sûr", et l'élève dit : "Ce chandail, c'est l'homophobie." Je dis : "Qu'est-ce que tu veux dire?" Et il dit : "La premièr fois qu'on le voit, la première fois qu'on le vit, ça pique, c'est inconfortable, on sent qu'il y a quelque chose qui cloche, mais on ne peut pas l'enlever. Plus on le porte, plus on est à l'aise avec les agressions." Et je me dis : "Oh mon Dieu!" Vous comprenez? Il y a une élève qui voit cet objet comme libérateur auquel elle veut participer, tandis qu'un autre élève le voit comme la concrétisation de l'oppression qu'il subit à l'école. C'était remarquable. On a apporté ce chandail dans chaque province et territoire et on a demandé aux élèves de l'essayer.