Concours de dessin - Karim Rashid
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est un designer industriel éminent et prolifique dont l’art visionnaire primé a transformé le milieu international du design moderne.
Karim Rashid parle d’un concours de dessin auquel il a participé à bord du navire qui a amené sa famille au Canada depuis l’Angleterre lorsqu’il était enfant.
Karim Rashid: Mais on a pris le bateau, le voyage durait environ 12 jours, je crois, et il y avait un concours de dessin sur le bateau. C'est pourquoi je me souviens très bien du voyage. Il y avait peut-être une centaine d'enfants sur le bateau. On devait tous dessiner, on avait, je pense, une demi-heure. J'étais assis avec mon frère et tous les enfants. Je m'en souviens très bien et je ne savais pas quoi dessiner à ce moment-là. Mon père en Angleterre, il m'emmenait... Parce qu'il n'avait pas d'emploi, il a trouvé un emploi d'agent de sécurité en attendant cette possibilité avec la CBC. Alors il m'a emmené à... Il travaillait de nuit et il arrivait vers 5-6 heures du matin. Et mon souvenir de Londres était qu’on vivait dans un petit appartement avec une seule chambre. On était très pauvres. Il me faisait frire un œuf, et puis je partais avec lui le matin, ma mère partait enseigner et je l'accompagnais pour dessiner. On dessinait beaucoup ensemble, mon père et moi. On dessinait généralement des églises ou d'autres sortes de bâtiments, de l’architecture. Sur le bateau, je pensais, "Je vais dessiner un bâtiment", mais ensuite, ça ne semblait pas le bon contexte, je m'en souviens. Beaucoup d'enfants dessinaient une famille, le bateau lui-même, le soleil et l'eau. Et j'étais fasciné par le fait qu’on allait dans un nouveau pays, n'est-ce pas? Mes parents avaient réussi à prendre toutes nos affaires et les avaient mises dans quelques caisses, dans quelques valises. J'étais fasciné par l'idée de pouvoir emporter autant de bagages. J'ai donc dessiné des bagages. C'est ce que j'ai dessiné. Je me souviens avoir dessiné une valise verticale, ouverte avec des chemises empilées et des chaussures. J'ai gagné le concours.
Karim Rashid explique comment son père, concepteur de plateau et fabricant de meubles, a encouragé s...
Karim Rashid: Ce qui était bien, c'est qu’on a déménagé dans cette maison de banlieue. Mais mon père a décidé d'abattre un mur et de découper un cercle pour passer d'une pièce à l'autre. Il a mis d'énormes éléments graphiques sur tous les murs, il a installé des affiches vraiment étranges et intéressantes comme encastrées dans le mur. Il y avait beaucoup de couleurs, une chaise turquoise et on avait un canapé rose. Mon père était vraiment porté vers la peinture dans son travail. Il utilisait beaucoup de couleurs dans la maison. Il a fini par faire un atelier dans le sous-sol pour concevoir ses propres meubles. Quand je regardais mon père dessiner ses propres meubles, et faire tout ça à la maison, et que j'allais ensuite chez mes amis dont la maison était plutôt conventionnelle, pour la plupart, qui étaient assez... J'étais... je suppose que d'une certaine manière, j'étais dérouté. Mais en même temps, j'ai vu... quelque chose de poétique et de très unique à propos de mon père. Puis notre table à café, parce qu'il a commencé à travailler à la CBC, il allait à la bibliothèque emprunter des livres chaque semaine et on finissait avec 50, 60 livres sur la table à café de tous les gens que vous pouvez imaginer, d'Yves Saint Laurent ou Pierre Cardin à Picasso ou Fernand Léger ou Andy Warhol, jusqu'à Le Corbusier ou Mies van der Rohe. Donc mon père était de toute évidence était très pluraliste dans sa pensée, et il nous a introduit à tout ça d'une certaine manière. Il ne nous a jamais forcé à lire ces livres et ne nous a jamais imposé des choses. Il dessinait. On faisait un truc le dimanche matin où on se levait et où on se dessinait les uns les autres. On s'assoyait à la table et après le petit-déjeuner, je dessinerais mon frère, et mon frère dessinerait ma sœur, et ma sœur dessinerait mon père. C'était très agréable. On faisait des choses comme ça, mais il ne nous a jamais vraiment forcés à être, disons, créatifs ou à aller vers des professions créatives. Mais je pense qu'avec l'environnement et le fait d'observer son comportement, c'était inévitable, d'une certaine façon. Je me demandais récemment : est-ce comportemental ou est-ce le patrimoine génétique? Ou est-ce juste une combinaison des deux? Parce que le père de mon père était un fabricant de meubles, aussi. Donc il y a une lignée là, et même le père de ma mère était un tailleur pour... des costumes sur mesure en Angleterre. Je veux dire, ça pourrait génétiquement faire partie de nous aussi. Bref, c'est inspirant, et donc on se retrouvait à dessiner tout le temps. Ensuite, on allait à la CBC. Mon père, le week-end nous emmenait chez [indistinct], parce qu'il travaillait presque tous les week-ends, il travaillait sept jours par semaine sur les plateaux. Donc on allait sur le plateau et on voyait dans son bureau tous les modèles en cours de fabrication. On regardait ces modèles et on faisait les nôtres. On parcourait le département des costumes et on regardait tous les vêtements. On a été élevés autour de la télévision, en quelque sorte.
Karim Rashid explique comment il a commencé à s’intéresser au désign industriel.
Karim Rashid: À l'école, surtout à l’école intermédiaire et au secondaire, je suis devenu comme l'artiste de l'école. Donc j'étais toujours en train de faire de l'art pour les murales de l'école ou j'étais un genre d'enfant consultant. J'avais 12 ans et je disais au directeur où mettre l'art et je ne sais pas comment j'ai obtenu ce poste, mais ce n'était pas vraiment... Il n'y avait rien à l'école qui me motivait à faire du design industriel. Ce qui s'est passé, c'est que parmi tous ces livres sur la table à café, il y avait un livre de Raymond Loewy. Et il est assez célèbre, c'est l'un des plus célèbres designers industriels du 20e siècle en Amérique. Il était franco-américain. Et il a travaillé pour la NASA, il a conçu la bouteille de Coca-Cola, et il a conçu l'image de marque des cigarettes Lucky Strike. Il est donc passé du micro au macro, et il a conçu les réfrigérateurs Frigidaire. Et ça m’impressionnait beaucoup, et j'étais aussi très impressionné par les objets que nous avions à la maison. Mon père achetait de très belles choses, très peu de choses, parce que encore une fois, nous n'étions pas riches. Mais quand il achetait quelque chose, c'était vraiment spécial et il m'a acheté un radio-réveil orange Braun. Donc à côté de mon lit il y avait un rayon en plastique orange vif, un bel objet, propre et minimaliste. J'ai fini par aimer cet objet. J'avais des haut-parleurs globuleux blancs, j'avais ça dans ma chambre. Pour moi, c'était le plus bel objet. Et j'aime la musique, alors la combinaison d'écouter et de regarder une belle chose... Je voulais fabriquer des produits. J'aimais le plastique et j'aimais les choses douces. Ils me semblaient juste, et je ne sais même pas d'où ça venait. Ils me semblaient tellement humains. Ils se sont connectés avec mon corps et mon esprit. Il y avait un effet calmant d'avoir ce genre d'objets dans mon environnement. Et je pense que certains des meubles que mon père a faits avaient le même genre d’effet. Je me souviens qu'il a conçu le canapé du salon dont le tissu des coussins était réversible. En hiver, c'était davantage une couleur d'hiver, et en été, c'était plus une couleur menthe printanière. Alors il faisait ce genre de choses et ça me rendait très conscient des objets physiques et des choses. Et je pense que c'est ce qui a motivé le choix du design industriel. Mais, en même temps, quand j'étais à l'université et que je décidais où aller, mon frère et moi avions décidé que nous allions étudier l'architecture. Et... À cette époque, on faisait une demande pour trois écoles et on établissait un ordre de priorité. J'ai fait une demande pour trois écoles, mais très tard parce que j'hésitais, parce que j'étais déchiré entre les beaux-arts, la création de mode ou l'architecture. Je n'étais pas vraiment sûr. Et la profession de designer industriel existait, mais très peu de gens la connaissaient et il y avait très peu d'écoles. Et Carleton au Canada était la seule école, et c'était seulement un programme de deuxième année. C'était donc très nouveau et ça faisait partie du département de génie. Lorsque j'ai déposé ma candidature pour l'architecture, à Carleton, c'était en août, ils m'ont écrit une lettre disant... Mon frère a été accepté. Il avait fait sa demande plus tôt. Ils m'ont envoyé une lettre disant : "Nous pourrions vous placer en design industriel", dans ce qu'ils appelaient le volet architectural, ce qui signifiait que je pourrais peut-être faire deux ans de design industriel et ensuite passer à l'architecture. Les deux premières années, la plupart des cours étaient des cours d'architecture et d'ingénierie. On n'entrait pas en design industriel avant la troisième année. Donc j'étais content. C'était génial. Quand je suis arrivé là, je me suis rendu compte : j'avais toujours pensé que beaucoup de ces produits étaient conçus par des architectes. Dans l'histoire du design italien, par exemple, tous les designers étaient des architectes. Tous les créateurs de mode comme Gianfranco Ferré, Romeo Gigli, ce sont tous des architectes de formation. Le design de produits, machines à café, Vespa, tout était fait par des architectes. J'ai donc supposé que je devais étudier l'architecture pour pouvoir faire du design industriel, non? Donc par le destin, j'ai en quelque sorte fini là où je voulais être.
Karim Rashid raconte comment sa formation en Italie a influencé sa compréhension du désign global et...
Karim Rashid: Les Italiens ont fait quelque chose de très futé dans les années 1950 et 1960 et peut-être que ce n'était pas intentionnel, mais le langage qu'ils ont utilisé était assez universel. Ils ont fait des choses qui étaient très bien acceptées par le monde d'une certaine manière et j'ai un peu appris ça. Quand on fait du design industriel, je pense que même si on fait un espace, mais plus de produits industriels, les produits doivent inévitablement être universels. Si on conçoit un téléphone mobile et qu'un million de personnes l'utiliseront et interagiront avec celui-ci, on doit penser à tous ces gens. Mais le langage utilisé doit aussi être accepté collectivement. Il ne doit pas être trop familier ou trop spécifique à une culture. C'est une chose que j'ai apprise. Il y avait un certain sens dans leur langage en général et il y avait un certain minimalisme, je suppose. Je n'aime pas beaucoup ce mot, mais simplifié, de belles choses, mais simplifiées, que j'ai appréciées du design italien, vous savez. L'autre chose que j'ai apprise est qu'ils... beaucoup d'entre eux, et beaucoup d'entreprises, étaient déterminés à faire quelque chose d'original. Et j'ai toujours cru à ce sens de l'originalité. C'était le contraire de la façon dont j'ai été formé. Je me souviens avoir été à Carleton dans un cours de dessin. Et notre professeur était un designer automobile très célèbre qui travaillait à Detroit. Il s'appelait Jacques Ostiguy et il nous apprenait à dessiner. Et je ne dessinais pas de la façon qu'il nous apprenait à le faire. Mais les 15 autres élèves faisaient tous la même chose, et je ne pouvais pas... je pense parce qu'à partir de l'âge de 3 ou 4 ans avec mon père, j'ai appris à dessiner d'une manière plus artistique ou plus proche de la peinture. Je ne sais pas. Je ne pouvais pas faire ce genre de truc rigide qu'il encourageait, et il était très critique à mon égard et il était dur avec moi. Il m'appelait Chagall. Je suppose que c'est parce que j'étais trop peintre. Donc à travers cette éducation... puis, après avoir quitté le Canada pour l'Italie, j'ai réalisé quelque chose. Là-bas, on appréciait les créateurs. Et les créateurs inévitablement... Créer signifie faire quelque chose d'original. Souvent, on utilise ce mot à tort et à travers. On qualifie tout de créatif, mais pour mettre quelque chose au monde que personne n'a jamais fait, pour faire quelque chose d'unique, inévitablement, ça devrait être le cas, puisque on est tous uniques. N'est-ce pas? Pourquoi est-ce qu'on essaye de faire en sorte que tous les designers industriels pensent et travaillent de la même façon? De même pour l'architecture. Si vous regardez le Bauhaus, il a produit des dizaines de milliers d'architectes qui font tous les mêmes bâtiments. Donc il n'y a rien de créatif ici, non? Donc je pense que ça a été une véritable révélation pour moi. À l'âge de 22, 23, 24 ans, quand j'étais là-bas, je voyais la passion que tout le monde, le modéliste qui entrait dans le bureau, il sculptait parfaitement de beaux modèles en bois massif d'un téléviseur sur lequel je travaillais. Imaginez un téléviseur en bois massif. Magnifique! Il était tellement passionné par le modèle, mais il a aussi dit : "Je pense que tu devrais le rendre un peu plus étroit". Son œil et sa sensibilité... et puis celui pour qui je travaillais, mon patron... et tout le monde semblait avoir un réel désir, une envie de faire quelque chose de beau et d'original. Et c'était très difficile parce que quand je suis revenu au Canada après, j'ai été dans un bureau d'études, et c'était le bureau d'études le plus respecté au Canada et il existait depuis 30 ans. Kuypers Adamson Norton, trois associés. Quand je suis arrivé, seuls Kuypers et Norton étaient là. Adamson était parti de son côté. Et Norton est originaire de St Martin's en Angleterre et Kuypers a étudié à La Haye sous la direction de Piet Mondrian et Theo van Duisburg, ce qui est assez extraordinaire. Donc je respectais vraiment leur parcours et leur histoire, et j'ai aimé travailler avec eux. Seulement, le problème c'était les clients, le type de projets, tout était à l'opposé de l'Italie, vous savez? Et les attentes des clients et le manque de respect de la part des clients était dérangeant, choquant en fait. Souvent, après une réunion, je montais dans la voiture avec Ian ou Jan et j'étais pratiquement en larmes. Je leur disais : "C'est ridicule. Pourquoi est-ce qu'ils nous engagent?" Ces gars-là étaient déjà si ancrés dans leur façon de faire qu'ils ne comprenaient même pas vraiment pourquoi j'étais contrarié ou ce qui me dérangeait, parce qu'ils avaient commencé à accepter tout ça, vous savez? Ils avaient accepté qu'ils offraient une sorte de service plutôt qu'un acte de création, disons. Ils voyaient ça comme un acte de service. Le design industriel peut être tout ça, Il ça peut être un acte social et politique. C'est évidemment économique, mais la partie créative est la partie dont j'ai besoin, vous savez? Et je pense que la plupart des gens sont créatifs. Vous dites : "Écoutez, mon fils est vraiment créatif. Ma fille... Ils devraient aller dans une école de design." Voilà. S'ils sont créatifs en architecture, ils peuvent étudier l'architecture. Idéalement, ils auront la possibilité dans leur vie de créer quelque chose. Et pas seulement avoir un emploi.
Karim Rashid parle de la conception de la poubelle Garbo, qu’il a créée pour son premier contrat ave...
Karim Rashid: Et puis j'ai contacté Umbra parce que j'allais à Toronto pour rendre visite à ma famille. J'ai pensé : "Peut-être qu'ils travailleront avec moi." J'ai rencontré Paul Rowan et Les Mandelbaum, les propriétaires. Ils étaient très gentils et m'ont donné un mandat, qui consistait à concevoir des corbeilles à papier. Je suis donc retourné à New York, j'ai dessiné des centaines de corbeilles. Je faisais des modèles et leur envoyais tout le matériel. Ils m'ont répondu qu'ils en aimaient trois ou quatre. Je suis allé à Toronto. Nous en avons fait des modèles. Et puis ils ont décidé de montrer trois des modèles dans un salon d'articles ménagers à Chicago. J'ai pris l'avion pour Chicago avec eux. Ils les ont mis dans une arrière-salle pour ne les montrer qu'aux gros clients. Les magasins à grande surface comme Bed Bath & Beyond, Staples. Ils sont entrés, les ont regardés et ils ont dit "Nous allons sortir ça l'année prochaine." Mais avant, ils voulaient avoir des réactions parce que l'équipement pour faire une corbeille comme ça, que beaucoup de gens ne connaissent pas, ça coûte peut-être 100 000 dollars. Avant d'investir, ils voulaient avoir une idée de... Bref, la corbeille "Garbo", que j'ai conçue a été rejetée par tous les acheteurs. Aucun d'entre eux ne l'a achetée. Les Mandelbaum était assis dans la salle à Chicago, et il s'est tourné vers moi, "Tu sais, Je ne sais pas. Ils ne veulent pas... Ils pensent que c'est trop... excentrique, trop progressiste." Je suis comme, "Allez, c'est juste une poubelle." C'est comme un grand vase, vous savez... Ça peut être n'importe quoi, non? C'était intelligent, le prix était bon et le matériel allait être parfait. Tout était vraiment bien pensé. J'ai fait les poignées pour que tu ne touches pas les ordures avec tes mains. J'ai fait un fond circulaire pour que le café ne reste pas coincé, ou que les liquides ne restent pas coincés. Et Les s'est tourné vers moi et a dit "Tu sais, je crois en cette corbeille. Nous allons la faire quand même." Je lui ai raconté cette histoire quand je l'ai vu il y a deux semaines. Il l'avait oubliée. En gros, les entreprises qui ont fait des choses radicales dans ce monde, elles l'ont fait sur la foi de leur intuition, pas de groupes de discussion, de marketing et tout ça. Je suis confronté à ça avec toutes les entreprises pour qui je travaille. Tellement de prises de décisions. C'est ce qui est bien quand on travaille avec des jeunes pousses ou des petites entreprises. On en revient au design italien. Toutes ces entreprises sont détenues par quelques personnes. C'est elles qui prennent les décisions. C'est pourquoi nous voyons des choses intéressantes aller sur le marché. C'est comme ça que j'ai commencé avec Umbra. C'était vers 1993, 1994. La corbeille est sortie en 1995 sur le marché. Je me souviens avoir été si fier, marchant à travers Bed Bath & Beyond pour voir la corbeille par la fenêtre, comme : "Wow!" J'ai enfin senti que j'avais fait quelque chose. J'avais 35 ans. Enfin!
Karim Rashid parle du travail et de la créativité nécessaires pour concevoir même les objets les plu...
Karim Rashid: C'est intéressant parce que ce que je faisais au bout du compte, c'était de me faire connaître pour ces objets banals dont personne ne se souciait. Et je me souviens d'être assis dans un avion. Je pense que c'était la première fois que je voyageais en classe affaires et je ne sais pas où je m'en allais. Et le gars assis à côté de moi a pris le magazine Emporium, en regardant tous ces trucs. On a commencé à bavarder et il a dit : "Qu'est-ce que tu fais?" J'ai dit que j'étais designer industriel. "C'est quoi ça?" J'ai dit : "Je conçois des produits et des choses. Conception de produits, en fait." Il n'avait toujours pas saisi, alors j'ai dit : "Vous voyez ce truc dans ce magazine? Nous concevons des choses comme ça." Il l'a regardé et il a dit "Oh, vraiment? C'est intéressant. Sur quoi travaillez-vous en ce moment?" J'ai dit une corbeille à papier. Et le gars a rigolé pendant l'heure suivante du vol. À ce moment-là, j'ai pensé : "Qu'est-ce que je fais? C'est ce que je fais. Je conçois des choses vraiment banales." Et... Je me suis tourné vers lui, et j'ai dit "Qu'est-ce que vous faites?" Il dit : "Je détiens 8% de Pfizer." Je dis : "Wow ! Vous êtes riche." "Je possède tout ce qui est dans ce magazine", et il a posé le magazine. Je me retenais, mais croyez-moi, j'étais tellement fier de voler en classe affaires. J'étais tellement déçu par cette idée que les gens ne pensent même pas que les objets qui nous entourent sont conçus, ils sont juste tombés du ciel. Et pourtant il y a beaucoup de travail derrière tout ça, c'est vraiment quelque chose. Alors, j'ai en quelque sorte décidé de m'exprimer plus à propos du design, d'écrire pour les magazines, de diffuser autant que je pouvais, de faire des conférences autour du monde et vraiment de partager comment le design est partout autour de nous tout le temps. Non seulement, nous devrions l'apprécier, mais aussi être critiques à son égard. Nous voulons rendre le monde meilleur, les choses devraient être meilleures. Et ça a été mon objectif probablement depuis que j'ai commencé ma pratique à New York, aussi.
Karim Rashid parle de son éducation au Canada et de la façon dont celle-ci a façonné sa vie personne...
Karim Rashid: Il y a une certaine humilité, je pense, chez les Canadiens. Vous savez, ils sont très terre à terre. Et je pense que parce que j'ai été élevé au Canada et qu'au bout du compte, je me sens Canadien, il y a une certaine humilité qui m'empêche de devenir arrogant du genre : "Je suis célèbre ou j'ai du succès", vous voyez ? Je continue simplement à apprécier et à faire ce que je fais avec les hauts et les bas de tout ça. Parfois, je fais quelque chose dont je suis très fier, qui a vraiment marché. D'autres fois, j'ai des difficultés avec le client ou quelque chose ne sort pas sur le marché. C'est le cas avec beaucoup de choses que je conçois. C'est incroyable à quel point cette profession est difficile. Mais je ne... Je pense aussi que le Canada m'a appris quelque chose quand j'étais enfant. Dans ma classe, et je n'oublierai jamais ça, mon meilleur ami était de la République Tchèque et mon autre ami était Yougoslave. En face de moi, il y avait une fille que j'aimais et qui était hindoue. Et il y avait une fille russe pour laquelle j'avais aussi un faible. Bref, j'ai été élevé avec ce vrai multiculturalisme dans lequel on ne voyait pas de différence entre les couleurs ou les races, les croyances ou les religions. Nous étions tous là, presque collectivement en tant que Canadiens, vous voyez? C'est très beau. Je me souviens aussi à Toronto, où je vivais, j'ai vécu sur la rue Queen Ouest. Au coin de la rue ou de ma fenêtre, je pouvais voir une église grecque orthodoxe. Mais en face, il y avait plein de boulangeries polonaises, et au coin de la rue se trouvait Jamaica Town. J'ai adoré ce genre de diversité. Mais je pensais que le monde entier était comme ça. J'étais un peu naïf, vous savez? Je me souviens même du temps où j'étais en Italie. Je ne pensais pas pouvoir vivre là le reste de ma vie parce que ça semblait si monoculturel. Une culture unique. Donc, si on vit en Italie c'est presque comme si, au final, la nourriture, le style de vie, la façon dont on vit, quand on se réveille et ça commence à... on doit accepter la culture dans laquelle on se trouve. Si on est à Paris, aussi multiculturel que c'est supposé être, en fin de compte, c'est très français. Ou Copenhague, c'est très danois. J'ai voyagé dans le monde entier, j'ai travaillé partout et j'ai réalisé pourquoi j'ai fini à New York. Parce que New York est comme un grand Toronto. Il y a toujours cette même... des gens de partout dans le monde. Mais le Canada était plus comme... un creuset des civilisations. On dit que l'Amérique est un creuset, mais je ne le crois pas. Je pense qu'il y a beaucoup de ségrégation. Donc, vous savez, mais cela dit, je suppose que ce que ce que j'essaie de dire c'est que... Je me sens toujours très planétaire. Je ne me sens pas vraiment, jusqu'à aujourd'hui... que chez moi c'est à New York. Mais je ne sais pas vraiment où c'est, chez moi. Honnêtement, quand je rentre dans mon appartement, je ne me sens pas chez moi. J'ai souvent l'impression que mon appartement est comme un hôtel. Et je reste dans des hôtels chaque semaine partout dans le monde, et je travaille dans 49 pays, et je voyage sans arrêt. J'en suis à un point où je ne sais pas si j'apprécie... Je ne veux pas dire "apprécier". Ça fait partie de ma vie. Parfois je déteste ça, parfois j'aime ça. Ça fait partie de ma vie. Je pense que c'est dû à mon éducation au Canada, et à tous les déplacements depuis le Caire, ça m'a fait voir et penser le monde différemment.