Mitsou

est une vedette de la culture populaire au Québec, ayant une longue et marquante carrière dans les domaines de la musique, du cinéma, des médias et du divertissement, de la mode et de l’entrepreneuriat.

Portée par la créativité

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Mitsou Gélinas parle de la façon dont le bagage artistique de sa famille l’a incitée à poursuivre une carrière créative, ainsi que des défis et des revers qu’elle a connus au début de son parcours.

Mitsou Gélinas: J'ai une vie particulière parce que j'ai un grand-père qui s'appelle Gratien Gélinas, qui lui, fait beaucoup plus partie de l'Histoire que moi. Donc on l'appelle le père ou le grand-père du théâtre québécois. Donc c'est grâce à lui que, par la suite, des gens comme Michel Tremblay ont pu faire du théâtre avec nos mots, nos expressions, notre histoire. Parce qu'avant Gratien, les comédiens, les productions qui étaient jouées au Québec étaient des productions d'auteurs français et puis, qui racontaient des histoires françaises, tout simplement. Et lui a décidé d'écrire avec notre langage et avec ce que l'on vivait politiquement aussi. Donc j'ai lui dans ma génétique. Après ça, j'ai une mère qui est extraordinaire, qui était, à une certaine époque, gérante d'artistes, qui est très, très, très artistique, même si elle ne fait plus ça comme métier, mais qui l'a pratiqué jeune. J'ai un père, qui est le fils de Gratien, qui est Alain, qui est un comédien aussi. Donc, moi, j'ai commencé à cinq ans à faire de la télévision parce que je voulais être comme mon papa. Et puis, donc, des publicités, par la suite, j'ai commencé à travailler aussi dans des téléromans. "Terre humaine", entre autres. Après, à faire de la publicité. Et puis, c'est grâce à cet argent-là que j'ai pu commencer à m'acheter des instruments de musique. Donc un Poly-800 de Korg que j'avais acheté chez Steve's Music, puis j'ai commencé à être dans un band aussi qui s'appelait DanceLab. Puis après, j'ai toujours eu... C'est drôle parce que je pense que mes filles ont ça aussi, mais cette espèce de drive, et de vision-là qui est pure. Puis, une chance que j’avais ça parce que maintenant, comme adulte, avec tout ce que je connais de la vie, je serais pas capable de recréer ce moment-là de "Bye bye mon cowboy" parce que j'aurais beaucoup trop en tête la perception que les autres auraient. Mais à cet âge-là, il y a quelque chose de tellement naïf, de pur, donc je suis allée dans la pureté à 100 %, si tu veux, exactement dans ce que j'avais envie de faire. Et ce qui avait pas à l’époque c'était de la musique pour notre génération parce qu'on sortait d'une époque où c'étaient tous les bands rock des années 70, début des années 80, les Offenbach, tout ça. Des chansonniers, aussi, mais on était rendus à quelque chose de beaucoup plus... un mix de pop et d'underground dans les années 80. Il y a pas grand monde qui s'adressait à nous, les adolescents. T'avais le début de Jean Leloup qui était hyper intéressant, mais sinon, c'étaient toujours des espèces de chanteuses à voix, beaucoup plus pures et innocentes, si tu veux, mais j'avais pas envie de représenter ça et puis, de toute façon, c'était pas moi, parce que je venais d'un milieu hippie, je venais d'un milieu artistique. Women's libre aussi. C'est pas les Spice Girls qui ont inventé tout ce girl power. Pour moi, c'était ma mère et toutes ces femmes-là des années ‘70. Donc j'arrivais avec toute cette fougue-là, avec toute cette drive-là, et c'est ce que j'avais envie de donner. Alors, par la suite, j'ai eu le backlash de comment c'était reçu. C'est sûr que c'était décevant, c'était choquant parce que je ne venais pas d'un milieu qui était puritain, justement. Donc j'arrivais pas à comprendre pourquoi on n'acceptait pas seulement ce que je donnais. On m'attribuait, si tu veux, des intentions ou, on disait même que j'étais quelqu'un qui était sans tête, une poupée pour qui on avait inventé un rôle, inventé ce rôle, mais pourtant, c'était vraiment ma création. Donc j'étais extrêmement déçue de ça. Et c'est là, que moi, ma confiance en moi, est tombée et qu'il a fallu que je maintienne le niveau de persévérance et d’audacité que j'avais commencé.

« Bye bye mon cowboy! »

3 min 22 s

Mitsou Gélinas parle de sa renommée nationale et internationale après la diffusion de sa chanson « B...

Mitsou Gélinas: C’est drôle parce que l’impact de cette première chanson-là, "Bye bye mon cowboy", m’a ouvert tellement de portes, professionnelles mais personnelles aussi. Parce qu'avec le succès de "Bye bye mon cowboy" dans le reste du Canada ou aux États-Unis un peu aussi, moi, j’ai appris. J’ai visité plusieurs parties du monde. J’ai connu mon Canada aussi, comme personne n’aurait pu le connaître. Je l’ai pas fait sur le pouce, je l’ai pas traversé sur le pouce comme bien des jeunes l’ont fait et le feront encore, mais je l’ai fait en allant dans des petites villes, dans des stations de radio, des stations de télévision, fait des spectacles, dans des endroits où je serais jamais allée si j’avais pas eu cette chance-là. Donc pour moi, ç'a été vraiment une belle découverte. Une fierté aussi parce que, veux, veux pas, c’est une des seules chansons québécoises francophones qui a vraiment traversé d’un côté à l’autre du pays. Peut-être que c’est parce que ça s’appelle "Bye bye" et qu'il y a "cowboy" dedans. Évidemment, ce sont deux mots anglophones, anglais, mais, en même temps, de voir que tout le reste de la chanson était français et que ça allait rejoindre les gens, c’était fabuleux. Encore maintenant, je suis sur Apple Music comme artiste et je me suis inscrite, et vraiment, à chaque semaine, je vois les écoutes. Quand tu vois qu’une semaine, t’as... même si c’est onze écoutes au Japon, tu fais comme : "Pourquoi ? C’est merveilleux !" "Pourquoi en Pologne ?" Pourquoi à tel endroit ?" C’est vraiment fantastique de voir à quel point on peut rejoindre les gens dans une autre langue parce qu’en même temps, il y a toute une imagerie, il y avait quelque chose qui était très intéressant aussi pour toute la culture gay, homosexuelle, dans les clubs. C’est ça qui m’a vraiment aidée à traverser aux États-Unis aussi parce que des DJ ont commencé à la faire jouer, et puis j’ai eu la chance d’aller au Texas chanter dans les clubs gays. Je veux dire, c’était hallucinant ! On a refait la vidéo pour une compagnie de disques américaine mais, là, la chanson a été remixée par Shep Pettibone qui était, justement, un des producteurs de Madonna. Par la suite, t’avais un réalisateur des publicités de Black Label à l’époque qui est venu faire une deuxième vidéo de "Bye bye mon cowboy" mais, non pas pour 1 800 dollars, comme la première version, mais pour 100 000 dollars, à New York ! Donc c’était complètement wild. C’est pas ma seule histoire avec le public d’outre-frontière, si tu veux, parce que "Dis-moi, dis-moi" aussi a eu la même histoire. Donc j’ai ce privilège-là dans ma vie.

D’artiste à entrepreneuse

4 min 50 s

Mitsou Gélinas se confie sur une période difficile de sa carrière où elle a dû se réinventer comme f...

Mitsou Gélinas: Donc à un niveau beaucoup plus financier, c’était pas le meilleur choix. Mais en même temps, ça faisait partie de mon expression. Puis quand ma carrière a commencé à battre de l’aile, si tu veux, je me suis retrouvée avec beaucoup de costumes, et rien dans mon garde-manger aussi. Donc là, je suis retournée chez ma mère, mais justement, pour pouvoir manger convenablement parce qu’il y avait plus rien qui marchait. Puis c’est là que j’ai rencontré mon chum, celui qui est devenu mon mari, Iohann Martin, puis qu’on s’est dit qu’on allait créer, faire des affaires. Donc on allait fonder une première compagnie, qui était une compagnie de production de musique, mais pour la télé donc des bandes sonores, soundtracks, pour la télé, pour la publicité, pour les films, et on allait pouvoir continuer à faire de la musique, mais avec quelque chose qui était plus financier, qui était plus solide derrière nous. On a commencé dans ce milieu-là, par la suite, à faire de la location d’équipement de cinéma. Puis le reste, bon, c’est une belle histoire. Mais il y eu vraiment un moment où j’avais juste des vêtements de scène, mais je ne pouvais pas les porter dans ma vie, dans ma jeune vie de femme d’affaires, d’entrepreneure. Donc j’avais pas de jeans, T-shirts, chemises, souliers plats normaux. Mon chum m’avait acheté des Hush Puppies bleu pâles, et je détestais ces souliers-là parce que j’étais comme : "Est-ce que ça s’est rendu ma vie?" Donc il y avait de l’amertume, de me dire : "Tout ce pourquoi j’ai travaillé toute ma vie, "ça n’existe plus. "Il faut que je me réinvente et j’aime pas ce personnage-là. "Je suis fâchée, mais j’ai pas le choix." Donc c’était vraiment très difficile. Puis... les gens ne croyaient pas à ce personnage-là non plus parce que... parce qu'ils se disaient : "Comment une artiste "peut devenir entrepreneure ? "Comment est-ce que c’est crédible ?" Donc ça m’a pris un bon quatre ans à ce que les gens vraiment commencent à y croire, et moi aussi, fallait que j’y crois aussi. pis que je me crois comme entrepreneure. Maintenant, je considère... La vie a fait que j’ai pu avoir le bon équilibre. Parce que la radio est arrivée dans ma vie, j’ai eu cette demande-là, entre Noël et le jour de l’An, au début des années 2000, parce que, ou fin des années 90 plutôt, parce que j’avais... j'avais un nom, j’étais quelqu’un de drôle, qui avait des choses à dire. Donc on m’a demandé de co-animer une émission du matin et j’ai fait comme ça 21 ans de radio non-stop, à tous les jours, autant le matin, le show du midi que le soir, dans deux des plus grandes stations de radio du Québec. Puis il y a aussi toute l’écriture, donc la création, mais qui est venue différemment, avec le moment où on m’a demandé de devenir directrice du magazine "Clin d’œil". Donc j’ai connu tout ce qui était... parce que je gérais déjà une compagnie, et j’aimais la mode aussi. Donc une femme qui s’appelle Claire Syril, qui avait été chanteuse et qui était devenue éditrice de magazine, a pensé à moi, imagine, pour faire ça. Et puis j’ai eu beaucoup de plaisir et je suis arrivée à connecter autant qu’avec la chanson, avec mes textes éditoriaux, à chaque mois, comme ça. Et amener les gens vers une lecture mode, féminine, agréable. Et par la suite, j’ai fondé mon propre magazine aussi, qui est Mitsou Magazine. Et là, c’est comme un mix. Le fun, entre les affaires et la créativité. Ça fait que j’ai pu élever mes filles, aussi, là-dedans. En élever une que j’ai connue quand elle avait 5 ans, qui est Kaia, qui est maintenant une femme extraordinaire, dans le début de la trentaine, et mes deux filles à moi. Donc Kaia, Stella et Mila.

Avant-gardisme musical et préjugés . . .

4 min 58 s

Mitsou Gélinas dit comment son genre et le type de musique qu’elle a choisi de créer ont été mal com...

Mitsou Gélinas: Le prix à la fin de l’année, en secondaire trois, pour moi, c’était la fille la plus originale de son école. C’est drôle parce que parmi mes valeurs les plus profondes, il y a quelque chose qui est la curiosité et l’innovation. Ça a toujours fait partie de ma fierté, de pouvoir être la première à faire quelque chose. Quand j’ai pas... C’est pas une primeur, nécessairement, mais avec le magazine, quand on a parlé du sujet beaucoup trop ailleurs, je m’en éloigne. Pour moi, c’est déjà fait, ça me sert à rien. J’aime apprendre, pour moi, et apprendre aux autres aussi, d’une certaine manière. Je le faisais ça instinctivement en musique. C’est sûr et certain. Donc je creusais mon chemin, je faisais mon affaire, et des fois, c’était beaucoup trop tôt. Des fois, j’ai eu moins de succès en musique avec certaines chansons, parce que justement, j’avais envie d’innover et d’offrir un son, et d’aller plus loin dans certaines propositions. Mais en même temps, quand c’est si fort chez quelqu’un, tu peux pas... tu peux pas l’enlever et changer ça. Donc j’ai jamais, pour moi, fait des choix populaires. Je savais que ça allait accrocher, que ça allait attirer la curiosité, mais je pouvais pas offrir quelque chose de trop déjà mâché à l’avance. C’est pour ça que des fois, je me suis pas toujours sentie comprise, mais en même temps, ça fait partie de la vie. Mais il y a eu de l’incompréhension, de l’incompréhension aussi au niveau de tout ce qui était l’offre que je proposais au niveau de ma féminité. Parce qu’on disait que c’était sexy pour attirer l’attention, mais pour moi, c’était... Quand je te parlais de sens, il y avait quelque chose de beaucoup plus sensuel puis d’aller... oui, peut-être érotiser, mais, en même temps, avec humour, en offrant quelque chose d’autre qui était pas juste... "in your face" et bas de gamme. C’était pas ça que j’allais chercher du tout, du tout, du tout. Il y en avait d’autres pour le faire et c’était bien correct, mais... C’est drôle parce que plusieurs années après, j’ai réalisé que ce que j’avais vécu, parce que j’écoutais la radio à un moment donné et il y avait... quelqu’un parlait du "slut shaming". Je ne connaissais pas le mot à ce moment-là, je le connaissais pas et j’étais comme... dans la définition qu’on en faisait, je me disais : "C’est exactement ça que j’ai vécu." Mais je savais pas ce que c’était. Ça avait pas de nom à l’époque, mais comment tu peux le décrire, c’est de dévaloriser quelqu’un relativement à sa sexualité. Donc je me dis que... ce que j’ai offert, quand on regarde les propositions maintenant, artistiques, je me dis que c’était rien, c’était très léger. Puis mais en même temps, à cette époque-là, c’était différent. On voulait pas croire que... On ne pouvait pas imaginer qu’une jeune fille de 17, 18, 19, 20 ans, pouvait être maître de son érotisme aussi. C’est ça qui me dérangeait, là-dedans. Parce qu’on me dévalorisait aussi en disant que mon personnage était créé par des hommes, mais c’est comme... C’était tellement le contraire. C’était une femme qui était libre, qui était fière, qui était assumée. Mais on me retirait ça et ça me choquait énormément. Mais je pense qu’à l’époque, j’avais pas les mots pour l’exprimer et pour me défendre parce que j’étais aussi très jeune. Mais il faut pas oublier que ma mère était de la première cohorte des sexologues du Québec. Donc il y avait une éducation que j’avais eue de mon côté qui était... qui était avant-gardiste aussi.

Célébration du 30e anniversaire de « Bye bye mon . . .

4 min 28 s

Mitsou Gélinas parle de son costume de scène et de sa prestation à la célébration du 30e anniversair...

Mitsou Gélinas: Il y a des chansons qui restent pis évidemment, "Bye bye mon cowboy" est restée dans l’imaginaire québécois. Ce qui a été vraiment spécial à vivre pour moi, c’était le 30ème anniversaire de "Bye bye mon cowboy". Évidemment, moi, j’ai plus d’équipe autour de moi au niveau de tous ces anniversaires-là, musicaux, mais j’ai un super fan qui m’a toujours tenue au courant de... "Oublie pas, là, il y a 30 ans, tel album est sorti" ou "whatever". Il m’avait dit : "Oublie pas le 30ème anniversaire de 'Bye bye'". Alors j’ai fait comme, okay. Donc je me suis mise à faire des petits projets pour en parler, pour me remémorer les souvenirs, à moi pis au public. Et les organisateurs de la Saint-Jean-Baptiste sont venus me demander si j’aurais un intérêt à revenir chanter la chanson. Donc trente ans plus tard, sur les plaines d’Abraham, dans un spectacle avec des milliers de personnes, et puis qui était diffusé en direct par la suite, il fallait faire un kit qui allait pouvoir être porté par une fille de 48 ans, et non 18. Donc on est allés avec quelque chose qui allait être aussi structuré, justement, comme une armure, avec des espèces de studs. Qui avait cette robe-là a été une création conjointe avec des stylistes avec lesquelles je travaillais, qui sont Les Relookeuses et Marie-Laure Larrieu, qui est une Française qui habite ici et qui vraiment, fait de la haute couture, si tu veux. Puis... donc on a imaginé cette robe qui était aussi très courte parce que les jambes sont restées, et puis qui amenait aussi une structure à l’épaule. Et puis on a gardé, évidemment, un chapeau de cowboy, c’est sûr, pour l’occasion, créé par un jeune designer qui fait des chapeaux fantastiques, qu’on a trouvé sur Instagram. Puis on est allés... Quand je dis "on"... Non, je suis allée chanter sur la scène. Donc je suis allée rechanter cette chanson-là, avec d’autres succès pour la Saint-Jean-Baptiste puis... "My God"... C’est vraiment... "love-hate relationship" avec la scène. Parce que je préfère vraiment, justement, le travail de création et de studio original au fait de me présenter devant des milliers de personnes. C’est moins mon bag ça, j’aime tout ce qui est plus intime, si tu veux. Donc c’étaient des souvenirs, c’était de l’amour du public, c’était de l’amour de mes camarades artistes qui étaient autour de moi et des musiciens. C’était un moment qui va rester gravé dans l’Histoire aussi, et c’est pour ça que je voulais vous offrir cette robe-là, parce que... parce que ça parle de pérennité, dans le fond, et d’Histoire. Je vais vous offrir quelque chose d’autre aussi, qui sont des bottes qui font le look de "Bye bye mon cowboy". Mais j’ai reporté près de 30 ans plus tard aussi le costume de "Bye bye", sauf que j’avais perdu les bottes des années 60 de ma mère, originales. Et puisque la mode est un cycle et qu’elle revient, à ce moment-là, Michael Kors faisait des bottes exactement pareilles pour l’automne, alors je me suis permise de vous les offrir parce que je trouve que c’est l’fun de voir ces cycles-là qui reviennent et comment une chanson et son image peut marquer le temps aussi, à différentes époques.