Monique Bégin

était une universitaire, ex-ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, et l’une des trois Québécoises élues pour la première fois à la Chambre des communes du Canada.

La vie de féministe dans les années 1960 - Monique Bégin

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Monique Bégin parle de la vie de féministe dans les années 1960, à une époque où le terme « féministe » n’était pas courant.

Monique Bégin: J'ai toujours été féministe, mais je dois préciser pour les auditeurs et ceux qui regarderont ceci, que le mot "féministe", et mon amie Micheline Dumont, la grande historienne féministe du Québec, me l'a dit elle-même, le mot "féministe" n'était pas utilisé dans les années 60 au Québec. Absolument pas. C'est très important de savoir ça. On se définissait autrement. On était pour les femmes et tout ça, mais le mot "féministe" n'existait pas. Et la deuxième vague de féminisme a commencé avec les années 60. Pas en France. En France, ça a pris beaucoup plus de temps. Et puis... dans mes temps libres, à un moment donné... Ah oui, c'est ça. Parce que j'étais une jeune sociologue, j'avais toujours pas fini mes thèses. Mais la thèse de doctorat, j'ai jamais pu la faire. Mais l'autre oui, j'ai finalement gradué avec une maitrise, et puis j'ai eu 18 doctorats honorifiques en toutes sortes de choses. Je sais pas encore comment ça se fait que les gens m'ont donné ça. Les jeunes sociologues commençaient, dans les programmes entre autres dits "féminins" de télévision, de radio et surtout de télévision, commençaient à remplacer les psychiatres. Alors j'ai été invité comme ça à deux, trois émissions de télévision sur des sujets dont je me souviens pas en ce moment. D'actualité, sûrement. Et un jour, en avril, je dirais... 1965, en avril 1965, j'espère que je me trompe pas, Thérèse Casgrain, qui à l'époque n'est pas encore sénatrice, qui est simplement Madame Casgrain, et qui a fait des pèlerinages tous les ans au gouvernement du Québec pour obtenir le droit de vote des femmes, parce que le Québec avait pas le droit de vote des femmes, c'est incroyable, mais c'est un fait, elle l’a obtenu sous je crois Godbout, mais je suis même pas sûre. Les libéraux étaient au pouvoir, à un moment donné, avant Duplessis, et ils ont obtenu le droit de vote des femmes en 1945 ou en 1946. Alors en 1965 ou en 1966, et là, je ne peux pas me souvenir exactement avec précision, Thérèse Casgrain, crée toute seul... elle était comme ça, elle appelait ses amis, et puis elle partait... quelque chose, une célébration d'une fin de semaine complète, dans un hôtel au centre-ville de Montréal pour célébrer, je crois, le 25ème anniversaire du droit de vote des femmes.

Une pionnière sur la scène politique québécoise  . . .

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Monique Bégin parle du début de sa carrière politique en tant que première Québécoise en politique.

Monique Bégin: Après la Commission, j’ai fait beaucoup de discours, évidemment, j’ai été invitée beaucoup, comme ancienne secrétaire générale de la Commission, à part de mon travail, et je disais aux femmes : "Vous devez aller en politique. C’est là que ça se passe. "À quelque niveau que ce soit, scolaire, municipal, provincial, fédéral... "Vous devez aller en politique." Mais je savais pas ce que ça voulait dire et c’était pas pour moi. Ça, c’était sûr que c’était pas pour moi. Je suis très sensible et je pensais que j’y connaissais strictement rien, et je voyais pas ça du tout. Alors, après la Commission royale, au lieu de retourner à Montréal travailler pour Fernand Cadieux, j’ai tout de suite eu des offres d’emploi à Ottawa. Et la première a été celle que j’ai prise, c'est Pierre Juneau que je connaissais par sa femme Fernande et que je connaissais de toute façon parce que comme jeune couple, ils avaient habité en haut de chez nous à Notre-Dame-de-Grâce. Il m’a demandé d’entrer comme assistante de la recherche du groupe de recherche du CRTC, qui était tout nouveau. Il était le premier président du conseil de la radio-télévision canadienne. C’était des grandes années, alors j’ai accepté. Et je me mets à travailler au CRTC, qui à l’époque, était sur la rue juste en face du Parlement, Metcalfe, celle qui est juste en face du Parlement au centre-ville. Un jour, le téléphone sonne. Alors je suis au CRTC depuis au moins un an. Puis tout d'un coup, je pense que c’était au mois d’avril, je reçois un coup de téléphone. C’est Marc Lalonde, qui est toujours secrétaire à ce moment-là. À ce moment-là, chef de cabinet de Pierre Trudeau. Alors, il me demande au téléphone que le bureau du Premier ministre... le Premier ministre voudrait m’avoir comme candidate aux prochaines élections fédérales. Je pouffe de rire, puis je dis : "Non merci monsieur, ça, c'est absolument pas pour moi, merci." Et puis, ça aurait été une élection partielle. Il m’explique tout ça. Dans Saint-Henri... Puis il disait : "Vous avez été à l’école à Saint-Henri, "Vous avez enseigné là, vous connaissez ça." J’ai jamais habité là, ce qui est pas du tout pareil. Et puis : "Nous allons donner une récompense, "un poste de juge de la citoyenneté "à l’actuel député qui est là depuis très, très longtemps. "Ça va faire son affaire", et puis bon... Moi, là, je trouvais ça épouvantable. Je trouvais ça effrayant, comme manière humaine de faire des choses comme ça. J’ai bouffée de rire, j’ai dit : "Merci beaucoup monsieur, "c'est absolument pas pour moi, la politique. Un an après, je reçois un téléphone de Marc Lalonde, Monsieur Lalonde, que je l’appelais, qui me demande simplement de me rendre au bureau du Premier ministre immédiatement. Alors moi, je pense, parce que je suis sur un petit comité de fonctionnaires, je suis quand même fonctionnaire, maintenant, qui a été créé par le Conseil privé pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission royale. Alors j’ai des réunions constamment. Il n’y a aucune femme dans le caucus libéral, c’est simple, clair, net. Il n’y a pas de députée féminine dans le caucus libéral. Alors on décide que pour la mise en œuvre des recommandations du rapport, à tour de rôle, un homme ministre de quelque chose va aussi être ministre du statut de la femme. Comme ça, ça va les obliger à découvrir une réalité. Évidemment, je vois que c’est un rêve qui me ressemble. C’est pas ça qui est jamais arrivé, je crois, mais quand même, c’était notre but. Alors je prends le rapport de la Commission, parce qu’il est en discussion non pas au PMO mais au PCO, le Conseil privé. Alors je le prends pour me rendre au PMO. Puis là, j'entre dans une salle où je vois là des gens comme... des ministres, que je vois à télévision, que je connais pas du tout Alors là, mon livre... c'était pas ça du tout. Alors on me demande de me présenter et à ma stupéfaction, je réfléchis et je leur dis que je vais leur revenir. Je leur reviens, je sais pas moi, deux, trois jours après, et là, je dis que j’ai des conditions. Et une des conditions, c’est de recevoir un comté sûr, parce que je peux pas me permettre le luxe d’apprendre la politique. J’ai besoin d’argent, ça précédait. C'était avant le financement public. Partiellement, financement public des élections. Et j’ai oublié le troisième.

Politique et genre - Monique Bégin

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Monique Bégin parle de son expérience de travail dans le monde politique des années 1970 dominé par ...

Monique Bégin: Je devrais peut-être dire ce que c'est que d'arriver en politique. Alors arriver en politique, c'est à dire au Parlement, et comment c'est la vie des caucus et tout ça. Alors ce qui m'a le plus frappé... Alors nous sommes trois femmes élues du Québec, c'était une... Ah, j'ai oublié, c'était ça, mon autre condition, au bureau du Premier ministre. C'est que je voulais un minimum de trois femmes dans des comtés sûrs, c'était pas juste moi, c'était trois femmes dans des comtés sûrs, parce que une, t'es juste la... je sais pas, la mascotte du régiment, t'es pas... Trois, c'est le début d'un groupe. J'aurais dû en demander plus, mais pour l'époque, ça a jamais été fait, jamais un chef n'avait fait ça. Et les trois ont été élues parce qu'ils m'avaient donné leur parole. Le parti m'avait donné sa parole, le bureau du Premier ministre. Alors il y a eu Jeanne Sauvé, et il y a eu Albanie Morin dans le comté de Louis-Hébert à Québec. Mais Jeanne Sauvé devient ministre immédiatement, et donc elle vient pas avec les simples députés, pour ainsi dire, et Albanie Morin est nommée numéro deux dans le fauteuil de l'orateur. Alors on la voit pas souvent non plus. Mais j'aimais beaucoup Albanie Morin, qui est morte d'un cancer peu après. Je venais de devenir ministre. Alors je suis la seule, quasiment, dans toutes les réunions des caucus provinciaux, fédéral, etc. Je découvre un monde des guerres de Napoléon, avec Trudeau comme Premier ministre, Pierre Trudeau comme Premier ministre. Et puis le langage politique, c'est toujours d'abattre l'adversaire, de se protéger le dos... J'ai pas les mots en français, je les ai tous écrits en anglais dans mes mémoires. Mais tous les termes sont des termes militaires, Trudeau connaissant par cœur les guerres de Napoléon. Alors ça, il n'y a rien de plus... Premièrement, le langage avant Pierre Trudeau, le langage de la Chambre des communes qu'on entend aujourd'hui, c'est toujours des termes d'assaut, des termes de guerre, qui pour l'ensemble de la population, hommes et femmes ordinaires, et surtout pour les femmes, ne fait pas partie du tout de leur vocabulaire. Alors ça, c'est déjà très, très ahurissant, absolument ahurissant, parce que c'est sur une grande échelle et ça donne un ton qui est le contraire de la collaboration. Mais c'est ça, ça fait partie de la chose politique.

Départ de la scène politique - Monique . . .

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Monique Bégin explique les raisons qui ont motivé sa décision de quitter la politique en 1984 et com...

Monique Bégin: J’y ai réfléchi un peu, et même avec quelques amis, à me présenter comme candidate au leadership du parti libéral, mais j'étais vraiment pas intéressée, et une chance, j'aurais pas été bonne du tout. C’était pas du tout pour moi, ça. Ce que j’ai eu à faire m’a très bien été. J’avais fait le tour de mon jardin. C’était très clair et très simple, et surtout, ce sont les valeurs qu’incarnait Pierre Trudeau qui coïncidait avec mes valeurs, et qui avait un cabinet où quand même, plusieurs de mes collègues étaient vraiment de sensibilité, comment dirais-je, libérale, au meilleur sens du mot, c’est-à-dire prenant des risques, faisant des choses nouvelles. Il y en avait quand même une bonne partie du cabinet. Il y avait des libéraux très conservateurs au cabinet aussi, mais il y avait quand même Marc Lalonde, Allan MacEachen, sauf quand il est contre moi, mais autrement, il y avait plusieurs ministres absolument... des membres du cabinet qui étaient remarquables. J’avais fait le tour de mon jardin. Je ne voulais pas, j’avais compris que je ne voulais absolument pas... D'abord, j'avais compris que je voulais pas devenir Premier ministre, que c’était pas fait pour moi. Et ensuite, j’ai très vite vu qu’il était clair comme de l’eau de roche que nous allions être battus. Les gens, après 17 ans de Pierre Trudeau, ils en pouvaient plus. Les boites de Corn Flakes en deux langues, ça a tout ressorti, c’était épouvantable, c’était pas beau du tout, alors... Je voyais pas du tout pourquoi j’irais dans l’opposition, parce que je suis quelqu’un qui construit. J’avais été 9 mois dans l’opposition sous Joe Clark. J’avais vraiment pas aimé ça du tout, moi je construis, je suis pas là pour attaquer. Parce que très souvent, vous êtes obligé d’attaquer quelqu’un. Il faut que vous vous leviez en chambre, et comme j’étais dans les premiers rangs de l’opposition, mon nouveau vis-à-vis, le ministre de la santé et du bien-être, c'était l’ancien maire de Toronto. Voyons, c'est pas possible d'oublier ça. David Crombie, qui est un conservateur très ouvert, très moderne, qui faisait des bonnes choses. Alors je devais me lever puis l’attaquer ? C’était crétin mongole. Alors ça, c'était pas pour moi. Donc j’avais fait le tour de mon jardin. C’est tout. Et là, évidemment, il fallait que je me trouve un emploi immédiatement parce que j’avais été fonctionnaire et je pouvais pas à l'époque, je sais pas comment c’est maintenant, mais un fonctionnaire qui est devenu un politicien peut pas retourner dans la fonction publique. Et je suis sociologue, ça court pas les rues. Je veux dire, j’avais plus du tout été dans ça pendant des années, 12 ans. Alors, après avoir réfléchi et discuté avec un très bon ami qui m’a beaucoup aidé, député qui m’a beaucoup aidé à faire la loi de la santé, Claude-André Lachance, j’ai conclu... une carrière académique. J’avais enseigné à des enfants, j’avais fait l’école normale, mais j’avais jamais été une universitaire, j’avais jamais eu assez d’argent à Paris pour finir mon doctorat.

Franchir les obstacles : le parcours de Monique . . .

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Monique Bégin parle de son héritage sur la scène politique canadienne, et particulièrement de son im...

Monique Bégin: Alors, mon opinion... On va commencer par la politique, évidemment. J’ai été techniquement la première femme québécoise élue à la Chambre des communes avant les autres. À 8h05, j’étais annoncée. J’ai eu une grosse majorité, ce qui était ahurissant parce que Trudeau perdait, on était minoritaires, mais moi, j’en savais rien, et je comprenais rien à ça encore. Toujours est-il que nous étions cinq femmes en Chambre des communes et vous avez là une photo exceptionnelle prise par le "Globe and Mail", mais ils ont jamais retrouvé... ils m’ont donné les droits, parce qu’ils ont jamais retrouvé le photographe. C’est dans les ogives internes, intérieures du Parlement, au-dessus de la grande entrée, et chacune des cinq, nous sommes là. Alors les trois québécoises. J’avais négocié qu’il fallait trois québécoises dans des comtés sûrs. Je savais même pas ce que ça voulait dire, mais ils ont dit oui. Ils me voulaient, alors ils ont dit oui. Alors Jeanne Sauvé, Albanie Morin de Québec, qui est morte très jeune d’un cancer, Monique Bégin, Flora MacDonald, pour les Conservateurs. Elle était secrétaire du parti, mais elle n’avait jamais été élue. Et Grace McInnes, la fille du fondateur du CCFNPD, qui était déjà élue. C’était la seule femme en Chambre des communes pendant cinq ans. Alors nous sommes cinq. La fois d’après, en juillet 2018, nous sommes... Ah, mon Dieu, j'avais une belle liste avec tous ces chiffres... Disons que nous sommes... 12 ou 19, ça m’échappe. Et ça monte. Mais à ce jour, pour moi, la parité, c’est grossièrement 50/50. Les scandinaves, les féministes académiques scandinaves ont étudié leurs pays, l’Islande, la Norvège, le Danemark, la Suède, parce qu'eux, c’est exemplaire. C’est du gros 50/50. Et quand, il y a quelques années, leur législature, leur parlement a eu atteint 33 %, ils ont démontré... ces femmes, ces chercheurs ont démontré que beaucoup se met à changer dans le Parlement. Les dossiers sur les enfants, sur la famille, des garderies, des dossiers de vie quotidienne se mettent à embarquer, c’est plus juste le pétrole. Je dis pas le pétrole à cause du Canada, mais à cause de la Norvège, et de leur propre richesse du sol ou de la mer. Ensuite, les attitudes commencent à changer. Les gars insultent plus de même manière. Je veux dire, énormément de choses commencent à... le comportement et les sujets d’étude d’un parlement se mettent à changer. Donc 33 %, c’est le minimum. Nous ne sommes pas à 33 % malgré le "Sunny Ways", et tout ça, ce qui est très beau, mais nous ne le sommes pas du tout, du tout, du tout.

La Loi canadienne sur la santé - Monique . . .

2 min 55 s

Monique Bégin parle de la Loi canadienne sur la santé, qu’elle a déposée au Parlement du Canada en 1...

Monique Bégin: Je vais le faire le plus rapidement possible. Je voudrais parler... Tiens, je vais commencer par celui-là. L'avenir de l'Assurance santé, et de la santé au Canada, qu'on pense solidement établie. Eh bien, justement, en ce moment, tous les journaux, de fin 2019 et pour toute l'année qui va commencer, couvrent le procès intenté par le Dr Bryan Day de Vancouver, qui est un spécialiste qui a... un hôpital privé et qui ne travaille que dans le secteur privé et charge ce qu'il veut. Il a intenté un procès visant à tuer notre Assurance santé universelle en utilisant la Charte des droits et libertés. Alors ça parait très sophistiqué, mais le but, c'est un système... et ça va arriver à la Cour suprême. Alors ça, c'est majeur. Le point que je voudrais faire ressortir rapidement, c'est que l'Assurance santé, elle est… L'équilibre de l'existence de l'Assurance santé repose sur trois points, trois pylônes, constamment en mouvement. Évidemment, j'ai dit ça mille fois, puis maintenant, je m'en souviens plus. Mais je veux dire... L'Assurance santé, l'équilibre du système, repose sur les provinces, sur le fédéral, et sur la médecine organisée. Et ça peut se défaire n'importe quand. Mais les clients, ce sont tous les Canadiens. Et c'est eux qui n'ont pas voix directe au chapitre. Alors il faut vraiment voir que l'avenir de notre... qu’on en change des... Je suis tout à fait d'accord, il faut... c'est pas parfait du tout comme système, à commencer par le concept clé qui s'appelle "fee-for-service". Le "fee-for-service" est un poison dans notre système. Il date de la Saskatchewan, de la création par les NPD de l'Assurance santé. Et Tommy Douglas, ils ont été obligé de l'accepter parce qu'il y avait pas d'assurance santé. C'est quand même la province de la Saskatchewan qui a créé l'Assurance santé, et que le Fédéral a fini par copier. Et sous M. Pearson, les deux ont été... les deux aspects : gratuité, hôpitaux et médecins... gratuité hôpitaux, puis ensuite gratuité médecin, se sont développés et sont devenus... que j'ai défendus et qui sont devenus la loi de la santé du Canada.