Rick Hansen

défenseur des droits des personnes handicapées, est un athlète olympique et paralympique qui a captivé l’imagination du public lorsqu’il a effectué, entre 1985 et 1987, un marathon international en fauteuil roulant intitulé la Tournée mondiale Rick Hansen.

Tu ne marcheras plus jamais

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Rick Hansen parle du changement monumental de perspective et d’attitude qu’il a dû opérer après être resté paralysé à la suite d’un accident de voiture à l’âge de 15 ans.

Rick Hansen: Tu sais, ça a été dévastateur. Quand tu as 15 ans et qu'on te dit que tu ne marcheras plus jamais, et que toute ta vision de qui tu allais être dans la vie et de ce que ça signifie par rapport à ton identité... Et tout est basé sur l'autonomie, sur la force physique et sur la mobilité avec ses jambes pour pouvoir faire tes activités, les randonnées, la pêche, les sports. Tout d'un coup, tout ça disparaît, tout ça se brise en même temps que ta colonne vertébrale. Donc, je pense que le plus grand défi pour moi a été de pouvoir recadrer ma perspective sur ce qu’allait être ma vie. C'était en fait une toile blanche remplie de désespoir, et j'ai eu besoin de gens pour m'aider à créer une image plus dynamique de possibilités et d'espoir. Le premier défi et le plus grand obstacle pour moi a été de surmonter mes propres préjugés ou la stigmatisation que j'associais à l’incapacité d'utiliser mes jambes ou à un handicap. Je ne connaissais personne qui avait un handicap important, qui ne pouvait littéralement pas utiliser ses jambes. Et j'ai immédiatement pensé que ma vie était finie. Qu'est-ce que je pouvais faire? Donc, découvrir sur les possibilités et recadrer mon regard sur la perte pour voir mes capacités et les possibilités a été mon plus grand défi durant cette période. J'ai ressenti beaucoup de colère, beaucoup de ressentiment, de la dépression, mais j'ai trouvé la force de faire des petits pas en avant. Je pense que cela combiné aux modèles qui sont entrés dans ma vie pour me montrer des possibilités, me montrer la vie que je n'entrevoyais pas alors, m'a aidé à faire ce virage, à laisser tomber beaucoup de poids que je portais sur mes épaules, le poids de mes handicaps personnels, pour me libérer et avoir une vision plus optimiste, celle que la vie peut continuer. Je pouvais encore être Rick, l'athlète, l'aventurier. Je n'avais qu'à changer et faire les choses autrement. Avec cet ajustement, j'avais tout devant moi. Ça a été toute une période de dur labeur, de grande douleur et de souffrance, et des moments merveilleux de triomphe, avec le soutien d'une famille extraordinaire, de modèles et d'amis. Des gens qui disaient juste : « Hé, on ne lâche pas! »

Devenir porte-parole

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Rick Hansen indique comment il a dû surmonter des obstacles dans presque tous les aspects de la vie ...

Rick Hansen: Je pense que j'ai fini par défendre mes droits d’abord. Le système était tellement brisé, cloisonné, institutionnalisé et plein de préjugés que j'ai dû me battre pour tout. J'ai dû me battre pour retourner dans mon école. J'ai dû me battre pour entrer à l'université, j'ai dû me battre pour être reconnu, pour avoir de l’aide pour être un athlète. J'ai ainsi rejoint beaucoup d'autres collègues que j'ai appris à connaître et j'ai pris part à ce mouvement. Premièrement, parce que si tu ne te bats pas, la vie prend le dessus et tu deviens une victime. Et deuxièmement, si tu enlèves une barrière, ce n'est pas juste pour toi, c'est pour bien d'autres personnes qui n'ont peut-être pas autant de chance que toi. Alors tu deviens quelqu'un qui redonne au suivant parce que ta bonne fortune t'amène à vouloir aider les autres aussi. Tu comprends ce que ça représente quand les autres t'aident.

Valides ou avec handicap, nous sommes des . . .

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Rick Hansen parle de son expérience personnelle des Jeux paralympiques et des Jeux olympiques, et il...

Rick Hansen: Quand on me demande quels sont les accomplissements sportifs les plus importants dans ma vie, il y en a deux. Celui de gagner la médaille d'or paralympique au marathon en fauteuil roulant en 1984, et celui d'être aux Jeux olympiques à Los Angeles dans la première démonstration du 1500 mètres masculin en fauteuil roulant, et d'être l'une des huit personnes à faire partie de l'histoire olympique. Et... Dès que j'ai découvert les sports paralympiques, j’ai rêvé d'aller aux Jeux olympiques et d'y participer, même dans une épreuve sportive en fauteuil roulant, et de peut-être recevoir une vraie médaille et d'être reconnu comme un vrai athlète. Et j'ai moi-même appris qu'il n'y a pas de frontière entre... les personnes sans handicap et celles qui ont un handicap. Un seul mot efface cette frontière, et c'est le mot "athlète". Et si on n'a pas le sport comme miroir pour refléter la société et nos valeurs, alors comment peut-on espérer que le reste de la société soit sur la même longueur d'onde? La stigmatisation et ce fossé entre... les athlètes sans handicap et les athlètes handicapés est négative si on présente ça d’une mauvaise façon, en incorporant la fausse croyance qu'il y a différentes classes de personnes. Ce n'est pas le Canada qu'on veut. Ce n'est pas dans notre ADN, ce n'est pas dans notre constitution. Et comment pouvons-nous permettre que cette perception persiste? Pour moi en tant que jeune, faire partie de l'épreuve de démonstration aux Jeux olympiques de Los Angeles marquait un début. Généralement, quand des sports sont introduits, ils passent de la présentation à la démonstration, puis sont éventuellement reconnus comme disciplines olympiques. Et c'était super positif pour moi de faire partie de ce moment historique et de ce mouvement. Bien sûr, j'ai réalisé que ces mouvements ne se produisent pas du jour au lendemain et ne sont pas nécessairement linéaires. J'ai été très déçu de voir la fin des épreuves de démonstration aux Jeux olympiques, puis la montée et l’intégration des Jeux paralympiques comme un mouvement séparé et distinct. Parce que ce que ça signifiait c'est qu'il y avait désormais deux différentes catégories d'athlètes, si on le perçoit incorrectement. Les Jeux paralympiques sont très importants. Ils permettent à tant d’athlètes extraordinaires de réaliser des choses incroyables. Il ne s'agit pas d'enlever le statut de ces jeux, mais quand il n'y a pas d'occasion de créer des ponts et de voir ces athlètes être reconnus dans les jeux où il y a déjà des distinctions entre les hommes et les femmes, entre les catégories de taille entre les poids et les différentes disciplines, pourquoi ne permettrait-on pas l’établissement d’une catégorie distincte dans les disciplines sportives? En basket-ball, en natation, ou ailleurs? Donc, ce mouvement doit se poursuivre. Et un jour, je crois que ça arrivera parce que je pense que de plus en plus de gens se posent la question, "Pourquoi faudrait-il les séparer?" Quand on voit les Jeux du Commonwealth inclure des athlètes handicapés dans des disciplines olympiques. On voit ça aux championnats du monde, aux Jeux d’été et aux Jeux d’hiver du Canada. Pourquoi ça ne pourrait pas se faire partout dans le monde?

L’inspiration de Terry Fox

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Rick Hansen explique comment lui est venue l’idée de la Tournée mondiale Rick Hansen et parle de l’i...

Rick Hansen: Quand tu as 16 ans et que tu es dans un centre de réadaptation et que tu penses à tes possibilités futures dans la vie, la première chose que tu fais c'est de revenir aux vieux rêves que tu avais. Tu essayes de faire une liste pour voir si c'est encore possible. Et une des choses dont je rêvais avant mon accident, c'était de partir un jour pour une aventure suprême avec mes amis, de peut-être faire le tour du monde à vélo et de faire du tourisme d'aventure. Je revenais à cette idée dans ma tête et je pensais, « Eh bien, peut-être. » « Peut-être que je pourrais prendre le fauteuil et mes amis pourraient avoir des vélos, on mettrait une petite remorque à l'arrière, et en route! » Et j'ai juste gardé cette idée en tête sans jamais y prêter beaucoup d'attention. Mais j'avais le sentiment, que physiquement parlant, je ne pensais pas pouvoir faire ça. C'était vraiment dur de rouler quelques kilomètres dans mon fauteuil roulant. Mais bien sûr, quand je suis devenu un marathonien en fauteuil roulant discipliné, j'ai réalisé au fil des ans que, physiquement, je pourrais probablement faire quelque chose comme ça un jour. Ensuite, j'ai fini par apprendre combien il était important d'essayer de militer, d'aider et de faire la différence dans le sport et dans ma vie. Puis j'ai eu la chance de recruter Terry Fox dans l'équipe The Vancouver Cable Cars pendant qu'il luttait contre le cancer avec un membre en moins. Comme moi, les athlètes et l'équipe qu'on lui a présentée l'ont incité à rester fort. Et il a fait la différence en essayant de trouver un remède au cancer en traversant le pays en courant sur une seule jambe. C'est à peu près à ce moment-là, tandis que je suivais son parcours, que j'ai commencé à comprendre que les gens voyaient les personnes handicapées un peu différemment. Ils ne se concentraient plus sur le handicap, ils commençaient à regarder les capacités. Ce n'était pas son intention, mais c'est ce que j'ai vu, et j'ai dit : "Tu sais... ça pourrait devenir ma façon d’apporter une contribution très significative, de redonner et de remercier beaucoup de gens. Faire le tour du monde dans mon fauteuil roulant, changer les attitudes et éliminer les obstacles, recueillir des fonds pour faire une différence." Ça a commencé à prendre forme dans mon esprit et j'ai finalement fini par me lancer réellement et par mettre tout mon cœur et toute mon âme dans le projet. J'ai commencé ce rêve pour voir jusqu'où je pourrais aller.

Changer les esprits et changer des vies

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Rick Hansen se rappelle de rencontres significatives particulières durant la Tournée mondiale Rick H...

Rick Hansen: Tu roules dans une petite localité en Pologne, tu es en retard, les gens attendent depuis des heures, la foule est énorme, et il y a un gars qui a une blessure à la colonne vertébrale et il n’est pas en fauteuil roulant. Il est assis sur une un oreiller posé sur une planche de bois et il roule sur quelques petites roues de skateboard. Il se pousse sur le sol avec des gants pour venir à côté de moi et me parler. Avec l’aide d'un interprète, il me dit, les larmes aux yeux, "Merci". Je lui ai demandé pourquoi, et il a dit : "Parce que grâce à votre voyage, pour la première fois de ma vie, ma famille et ma communauté me voient avec des capacités." Quand tu vois ça, tu te dis : "Mon Dieu, c'est ce dont tu as rêvé." Et... C'est puissant et ça te permet de continuer pendant les périodes plus difficiles. Quand tu arrives dans la ville de Tianjin, que tu arrives au coin de la rue et que tu vois un raz-de-marée humain, presqu'un quart de million de personnes dans les rues, qui sont exposées à quelque chose qui restera gravée dans leur esprit, et qui, espérons-le, sera transmise à leurs enfants, tu te dis : "Mon Dieu, c'est ce dont on rêvait, c'est de changer les esprits et de changer des vies."

Institution de la Fondation Rick Hansen

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Rick Hansen parle de la motivation qui l’a incité à instituer une fondation après la fin de la Tourn...

Rick Hansen: Quand on a fini la tournée, on a tout remballé. En fait, j'ai été encouragé, juste après la tournée, par beaucoup de personnes très sérieuses, à tenir la Tournée mondiale Rick Hansen chaque année au niveau national ou mondial pour continuer à perpétuer un modèle semblable à celui de Terry Fox, pour recueillir des fonds, sensibiliser et faire bouger les choses. Il y avait deux choses qui étaient très claires pour moi. Premièrement, je ne voulais rien faire qui... efface ou mine d'une manière ou d'une autre l'héritage de mon ami et mentor Terry Fox, qui est le plus grand héros canadien. Deuxièmement, je ne voulais pas me sentir obligé de faire quelque chose que je n'étais pas vraiment sûr de vouloir faire. Et je devais encore trouver ma voie, je devais être libre de pouvoir faire des erreurs, et d'essayer de nouvelles choses tout en restant l'aventurier ou l'innovateur que j'étais. Je ne voulais pas simplement copier les choses. Je voulais laisser ma marque unique sur les solutions que je pensais pouvoir appliquer le mieux. Et... C'était mon but ultime. Mais ce que j'ai réalisé, avec le temps, c'est que si je faisais ça, je devais m'assurer d’avoir une fondation en place qui serait une force motrice, que je ne pourrais pas simplement le passer à une autre organisation pour faire ce que, à bien des égards, les Canadiens m'avaient demandé de faire. Donc, bénévolement, j'ai formé un groupe de personnes qui a créé la Fondation Man in Motion, devenue plus tard la Fondation Rick Hansen... malgré moi. Et finalement, cette fondation était la continuation des deux grands rêves qui m'ont propulsé dans la Tournée mondiale : un monde où les obstacles sont levés pour que les personnes handicapées puissent atteindre leur plein potentiel, et un traitement pour les lésions de la moelle épinière. Ces deux grands rêves se poursuivent aujourd'hui. Et on a fait beaucoup de progrès, mais comme dans tout ultra-marathon de changements sociaux, il reste encore beaucoup à faire.

Deux grands rêves

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Rick Hansen parle des progrès accomplis dans les deux domaines qu’il souhaitait améliorer depuis qu’...

Rick Hansen: Quand je faisais la Tournée mondiale, le Canada avait rapatrié la Constitution seulement quelques années auparavant. Pensez-y. C'est un pays qui vient littéralement de rapatrier sa constitution et dans ce processus, les personnes qui ont créé cette constitution ont eu la clairvoyance de dire que les personnes handicapées seraient considérées comme égales. Et cette déclaration très puissante reflète le Canada que nous voulons. Et pourtant, j'étais sur le terrain, comme des millions d'autres personnes handicapées, et je me disais : "C'est une sacrée montagne à gravir. On a beaucoup de travail à faire pour bâtir le Canada qu'on veut." Quand on a commencé la Tournée mondiale, le Canada était vraiment inaccessible, on pensait vraiment que... les personnes handicapées étaient souvent des personnes indigentes ou des causes perdues. La notion de bases des droits de la personne demeure une sorte d'énorme côte à monter. Trente ans plus tard, je regarde le chemin parcouru, et les Canadiens sont entièrement d'accord avec le fait qu’on devrait mettre les personnes handicapées sur un pied d'égalité, que ça devrait être un droit de la personne, et il y a très peu de débat sur ce point. C'est un changement radical en trente ans, et je suis vraiment fier des progrès qu'on a faits. Il y a une plus grande prise de conscience à ce sujet. Si vous avez un handicap, vous pouvez être un dirigeant politique, un chef d'entreprise, un enseignant. Vous pouvez choisir l'éducation physique ou vous pouvez être un ingénieur. Vous pouvez être bénévole, vous pouvez avoir une famille. Donc ce sentiment est présent et c'est un énorme progrès. J’en suis très fier. Et quand je faisais la Tournée mondiale, les scientifiques avaient peur de dire qu'un traitement pour les lésions de la moelle épinière était possible parce qu’ils avaient peur d’être ostracisés et qu’on leur enlève toute crédibilité. Mais on a prouvé que le nerf central de la moelle épinière peut repousser. On a prouvé qu'on peut vraiment stimuler la repousse, qu'on peut peut-être créer et remplacer des cellules qui fonctionneront à nouveau grâce à des cellules souches ou à d'autres solutions neuro ou biotechnologiques. On a prouvé qu'on peut protéger la moelle épinière après une blessure pour éviter différents niveaux de paralysie permanente. Il y a toutes sortes de choses vraiment géniales, de nouvelles solutions pour la réadaptation. Donc toute cette potentialité et les recherches en général sur la protection et sur la régénération des cellules et sur le neuro-remplacement vont s'accélérer de façon spectaculaire. Si on regarde où on en est aujourd'hui, les personnes qui ont des lésions de la moelle épinière, plusieurs d’entre elles marchent aujourd'hui grâce au progrès des traitements. Plusieurs personnes ont eu moins de paralysie avec la même blessure que j'ai eue grâce aux avancées médicales et aux traitements. L'avenir est prometteur et on peut dire qu'un jour on trouvera un remède grâce à plusieurs phases de recherche sur plusieurs décennies et que ce n'est pas un rêve impossible. En regardant en arrière aujourd'hui, je vois que nous somme presque à mi-chemin dans la réalisation de ces rêves et que, d’ici 30 ans, il y a une réelle possibilité que ces deux résultats dont je rêvais naïvement dans ma jeunesse soient possibles et qu'ils se concrétisent.