L’art de la réconciliation : témoignages de personnes survivantes des pensionnats pour Autochtones

Un des objectifs premiers de la Commission de vérité et réconciliation, la CVR, était, et je cite, de « témoigner, soutenir, promouvoir et faciliter des évènements de vérité et de réconciliation autant au niveau national que communautaire. » Afin de faciliter ce travail, on a demandé à 47 personnes de partout au Canada d’agir en tant que témoins honoraires.

Ces personnes, autant autochtones qu’allochtones, couvraient un large éventail de profils : anciens premiers ministres et gouverneurs généraux, membres du personnel enseignant, acteurs, actrices, activistes et des figures marquantes du milieu communautaire.

Le terme « témoin » chez les communautés des Premières Nations, inuit et métisses, correspond à une personne à qui l’on demande de se souvenir d’un évènement ou d’un fait historique. Un aspect important du témoignage est de partager ce que ces personnes ont vu, entendu et ressenti parmi les leurs lorsqu’elles retournent chez elles.

Lorsque j’ai accepté le rôle de témoin honoraire, j’ai compris que ça faisait partie de ma vie et de mon devoir en tant que Canadienne d’en apprendre plus sur les pensionnats et de faire en sorte que ma voix trouve sa place dans le processus de réconciliation de ce pays avec cette histoire. Être témoin n’est pas un processus ou un chemin qui fait de nous des spécialistes. C’est plutôt un engagement à un processus continu d’apprentissage dans l’humilité, où toute connaissance acquise ne nous appartient pas, ayant plutôt été créée afin d’être transmise.

Témoigner nous amène en quelque sorte à trouver une façon d’amplifier ou de transmettre les connaissances acquises des sentiments qui émergent durant l’écoute et l’observation. Ce sont des sentiments de tristesse, de rage, de honte, de choc, d’ignorance et d’humilité. Le fait de témoigner amène la responsabilité de faire progresser la connaissance reçue par le témoignage oral de la personne survivante ou par notre profonde considération et appréciation des œuvres d’art et des gens qui les ont créées.

Dans cette perspective, l’art des enfants n’existe pas uniquement en tant que témoignage d’enfances passées. En témoignant, notre perception que les œuvres d’art sont des objets qui ne font que traduire le passé d’un individu évolue vers une vision des œuvres en tant qu’objets qui servent à transformer nos relations présentes et futures.

Les changements importants viennent de l’intérieur lorsque nous trouvons le courage d’apprendre ou de désapprendre les connaissances difficiles pour les transmettre. Le rôle de pédagogue est celui de témoin et non de spécialiste. En tant que témoins de l’héritage des pensionnats, des œuvres des enfants, de la vérité des personnes survivantes, nous nous engageons à une éducation continue. On ne demande pas aux pédagogues d’être la voix des personnes survivantes ou de leurs familles. On demande plutôt à ces gens de rentrer en discussions avec les élèves dans l’humilité, de transmettre ce qu’ils ont compris avec les autres à travers la lentille de leurs expériences.

Souvenez-vous, la CVR demandait aux gens de partout au Canada de témoigner. Et des personnes de professions et d’origines culturelles diverses ont été intentionnellement sollicitées, car il n’y a pas qu’une seule façon de comprendre la vérité.

La valeur des pédagogues vient de la transmission de leur courage et de leur humilité, motivant les autres à trouver leur voix, leur place dans ce travail en tant que Canadien ou Canadienne. Les petites conversations initiées par les pédagogues dans la salle de classe ont le potentiel de déclencher des changements lumineux à l’extérieur de l’école.