L’art de la réconciliation : témoignages de personnes survivantes des pensionnats pour Autochtones

Mon nom est Kii-kita-ca-suha. Mon nom anglais est Mark Atleo. Je suis de la Première Nation Ahousaht, tribu Nuu-chah-nulth. Avant d’aller au pensionnat, j’apprenais à être pêcheur.

J’étais un jeune garçon. J’aimais beaucoup ça. Et mon grand-père savait que j’aimais ça. Et il m’amenait des remèdes pour ne pas avoir le mal de mer. On m’a appris à prier le créateur de toutes les choses de la nature, pas seulement les poissons, mais tout ce qui avait à faire avec toutes les plantes et les animaux. Il fallait qu’on prie pour eux, parce que tout est lié dans le cercle de la vie. C’est ce que nous avions appris, le cercle de la vie. Tellement de choses sont connectées dans ce cercle de la vie. C’était une journée très triste quand ils m’ont pris pour m’amener au pensionnat. Jusqu’aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi ils m’ont amené. Je n’ai jamais pu demander à mes parents. Et ils sont partis maintenant. Je n’ai pas pu leur raconter ce qui s’est passé pendant les années au pensionnat. C’est resté caché au fond de moi.

J’avais beaucoup d’amis là-bas au pensionnat. Je me suis fait plusieurs très bons amis parce qu’on faisait des sports, pour essayer de rester loin de cette personne. Et j’ai vu ce qui leur est arrivé et ils ont vu ce qui m’est arrivé à moi. On essayait de s’entraider le plus possible. Et juste pour cacher la douleur. J’ai fait beaucoup de choses pour cacher toute la douleur… avec l’alcool.

Quand j’ai vu l’image pour la première fois, ça a réveillé beaucoup de souvenirs. Et j’y ai pensé et je me suis dit, c’est là que je suis devenu pêcheur. Avant qu’ils me prennent, j’étais un pêcheur. Et j’ai continué à faire la pêche toute ma vie après le pensionnat.

Je me sentais mieux après qu’ils m’ont redonné ma peinture. C’était à la Commission de vérité et réconciliation à Vancouver. Et ils ont bien fait ça. Ils me l’ont redonnée devant plein de monde et je suis reconnaissant pour ça. Ça faisait partie de ma guérison de la ravoir. C’est ta vie qu’ils prennent, et puis ils te la redonnent quand ils te remettent tes choses. ce qui t’appartient. Et je suis encore vivant. Plus vivant depuis qu’ils me l’ont retourné. Je suis beaucoup plus fort, je pense en tout cas.

On était très proche mes frères et sœurs. Moi et mes deux enfants, on était éloignés. Ma fille vivait avec moi quand ma femme et moi on s’est séparé. Et mon fils, je lui ai dit de rester avec sa mère parce qu’elle n’était pas capable de s’occuper d’elle-même. Il était en colère contre moi pendant des années. Depuis que ça s’est passé, on s’est beaucoup rapprochés. J’ai retrouvé mon fils. Je lui ai dit qu’il fallait briser le cycle où on était. Je lui ai dit, tu fais partie du cycle. Il comprend maintenant.

C’est la première fois qu’il m’a embrassé, après la Commission de vérité et réconciliation à Vancouver. La première fois. Quelle joie! Je n’ai jamais pensé que mon fils m’aurait serré dans ses bras. C’est la meilleure sensation que j’ai jamais ressentie. Pour moi, de le retrouver, c’était comme recommencer ma vie, comme revenir dans le cercle de la vie.