L’art de la réconciliation : témoignages de personnes survivantes des pensionnats pour Autochtones

Je m’appelle April Thompson et je suis la seconde fille de ma mère, Gina. Mon nom indien est Lyhot, c’est ma mère qui me l’a donné. Et je suis la mère de cinq filles.

>>Gina : Mon nom est Daisy Laing, mais tout le monde m’appelle Gina, mon nom est Daisy Georgina et je suis la mère de cinq enfants, 16 petits-enfants et 4 arrière-petits-enfants.

>>April : J’ai grandi à Kildonan, là où elle a grandi. J’aime les plages et j’aime la forêt et j’aime l’eau. Kildonan, ce n’est pas seulement chez elle, mais c’est chez moi aussi, et j’ai élevé mes filles là, alors c’est chez elles aussi. Je connaissais l’importance de la plage et la raison pourquoi elle n’a pas mis les maisons; à cause de la douleur qu’il y avait là. Je suis une survivante. Je suis une survivante, à cause de ce qu’un survivant m’a fait. L’homme qui était avec elle, son deuxième partenaire, un survivant des pensionnats, nous a toutes agressées, violées, sodomisées et torturées. Il appelait ça ‘l’heure du thé’. Et il droguait ma mère puis il s’en prenait à nous. Quand ma mère a appris ça, des années plus tard, elle est allée à l’école pour s’informer sur l’abus sexuel, et elle est devenue intervenante pour les enfants abusés. Elle voulait nous enseigner tout ce qu’elle avait appris pour qu’on puisse faire face à ces choses.

>>Gina : J’aurais tellement aimé être une bonne mère, J’aurais aimé avoir les capacités d’aider mes enfants à traverser les périodes difficiles. J’aurais aimé pouvoir mieux les guider. Il y a tellement de choses que j’aurais aimé.

>>April : J’ai grandi dans l’amour. Et ma mère a toujours dit qu’elle ne savait pas nous élever, mais elle sait comment aimer, c’est comme ça qu’elle nous a élevés. Il y a quelques évènements dans ma vie qui me sont chers. Un de ces moments est l’histoire que ma mère racontait quand elle a remonté la rivière; elle est montée là pour aller se tuer, se suicider. Au moment où elle allait le faire, un , un héron est venu, a crié et a distrait ma mère. Et ils sont tellement gracieux. Il a voulu se poser sur une roche, puis il a glissé, est tombé avec un plouf dans l’eau, puis il est sorti en rampant, s’est levé, tout comme un oiseau gracieux… comme s’il ne s’était rien passé. Ma mère l’a regardé, a ri et lui a dit : « si tu peux te remettre de ça, si tu peux te relever après ça, alors moi aussi je peux me relever et continuer. »

La peinture de Robert Aller, « La plage » est comme un morceau du casse-tête. Pour moi, elle a une grande signification, parce qu’il y a de la lumière dans un endroit très sombre. Moi, je m’associe à ses autres peintures où elle tient sa lumière. Je suis tellement reconnaissante que Robert Aller soit venu dans sa vie. Il lui a enseigné et appris qu’elle pouvait exprimer ses sentiments. C’est comme ça qu’elle guérit maintenant. Ma mère est mon héros. Je vis pour l’honorer. Je vis pour l’honorer et j’élève mes enfants pour qu’ils l’honorent. Pour tout ce qu’elle a vécu. Je souhaite seulement qu’un jour je sois aussi forte qu’elle.